Bilan annuel

La terrible crise financière et économique que traverse le monde depuis 2007, notamment par le biais des taux négatifs, fait apparaître le Marché de l’Art comme une oasis dans le désert. Celui-ci connaît une saine période d’ajustement, aussi nécessaire que prévisible, où les ventes d’Art Contemporain occupent l’avant-scène.

Entre juillet 2015 et juin 2016, le produit des ventes atteint 1,5 Mrd$, alors qu’il s’élevait à 2,1 Mrd$ lors de l’exercice précédent. Les ventes d’Art Contemporain ont ainsi perdu plus d’un quart de leur chiffre d’affaires, bien que la croissance n’en demeure pas moins spectaculaire sur le long terme, avec une hausse de +1 370 % depuis 2000.

La correction semble définitivement passée. Le Marché de l’Art étant désormais efficient, les grandes sociétés de ventes aux enchères ont tout de suite réagi à la contraction en se repositionnant dès le second semestre 2015. Déjà, les premiers signes de la reprise sont perceptibles.

L’Art Contemporain en première ligne

Après quatre années consécutives de croissance, le produit des ventes d’Art Contemporain a marqué une rupture nette au premier semestre 2015. Le phénomène s’est amplifié au cours du second semestre avec des recettes en baisse de -39 % par rapport à l’exercice précédent. Pour autant, ce rapport démontre que les différentes corrections, sur les prix, les volumes et les cotes sont la preuve in fine de la grande maturité, en comparaison de la crise des années 1990 qui semble à des années-lumière de la vivacité et de l’intelligence du Marché de l’Art Contemporain actuel.

Produit de ventes mondial d’Art Contemporain

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2006 – S1 2016

Logiquement, une restructuration était attendue après les extraordinaires résultats de la période comprise entre juillet 2013 et juin 2014, la plus faste de l’histoire du Marché de l’Art Contemporain, à la fois en termes de recettes annuelles, de nombre de coups de marteau et de records d’adjudications. Cette effervescence du Marché s’observait particulièrement au travers des prises de valeur et de l’intensification des échanges pour les très jeunes signatures.

Le journaliste Scott Reyburn soulignait ce phénomène dans le New York Times, à la rentrée 2015 : « En 2014, des productions récentes de jeunes peintres abstraits tels qu’Oscar Murillo, Lucien Smith, Alex Israel, Mark Flood et Christian Rosa ont été très rapidement revendues aux enchères pour plusieurs fois leur prix de vente original en galerie. Mais au cours des six derniers mois, ce secteur très volatile du marché […] a subi une correction ».

En effet, les collectionneurs d’Art Contemporain se sont montrés plus prudents au fil des derniers mois. Alors que les ventes d’Art Moderne continuaient de battre leur plein, enregistrant au mois de novembre 2015 la seconde meilleure enchère de tous les temps (170,4 m$ pour Nu couché (1917/18) d’Amedeo Modigliani), les ventes d’Art Contemporain ont traversé un second semestre consécutif à la baisse.

Les ventes d’œuvres très fraîches (réalisées au cours des trois années qui précédent la vente) se sont trouvées impactées par le repositionnement des collectionneurs. Leur prix moyen était retombé à 20 000 $, alors qu’il était monté jusqu’à 28 000 $ lors de l’exercice précédent.

Produit des ventes des œuvres très fraîches (moins de 3 ans) aux enchères

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juillet 2005 – juin 2016

 Vers la reprise

Si l’Art Contemporain se montre sensible aux périodes économiques les plus creuses, il retrouve rapidement de sa vitalité. Au premier semestre 2016, ses ventes affichent une baisse moins forte, de -14 %, que le reste du Marché de l’Art.

Après 12 mois de contraction, le Marché de l’Art Contemporain s’est parfaitement adapté, grâce aux grandes sociétés de ventes qui ont très vite réagi. Délaissant temporairement la course aux records, elles se sont recentrées sur le Marché moyen de gamme. Le changement s’observe principalement dans la restructuration des ventes : les transactions supérieures à 50 000 $ ne représentent plus que 6 % des lots vendus contre 8 % pour l’exercice précédent.

La stratégie des maisons de ventes s’est avérée payante. L’adaptation de l’offre a permis la stabilisation des prix ; une amélioration dont atteste l’évolution indicielle.

Après un an de régression, les prix de l’Art Contemporain affichent une nette remontée sur le premier semestre 2016 et particulièrement sur le deuxième trimestre. Cette reprise, +15 %, s’avère plus vive que pour tout autre segment du marché.

Indices des prix de l’Art Contemporain et de l’Art d’Après-Guerre

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Base 100 en Janvier 1998

 Adaptation de l’offre

Le Marché haut de gamme a, en priorité, été soumis à une très forte sélection. Une seule œuvre a été achetée plus de 20 m$ au cours des 12 derniers mois, contre cinq lors de l’exercice précédent. Cette stratégie a permis de ne pas éprouver la demande, en risquant de fragiliser la cote des grandes signatures.

Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont par exemple observé une plus grande réserve dans la vente des œuvres de Jeff Koons et de Christopher Wool. Bien que ceux-ci enregistrent cette année, un beau résultat au-dessus de 10 m$ ils sont loin d’approcher leurs records personnels, qui s’élèvent respectivement à 58 m$ et à 30 m$.

Pour autant, une œuvre de toute première qualité de Jean-Michel Basquiat a été mise en vente au cours des 12 derniers mois, sans décevoir les attentes. Untitled (1982) a été acquise pour 57,3 m$ par le Japonais Yusaku Maezawa (Christie’s New York, le 10 mai 2016), établissant un nouveau record pour le peintre new-yorkais. Cette vente s’est tout de suite vue utilisée par les sociétés d’investissement en art comme symbole du potentiel de ce Marché. Et pour cause, l’opération s’avère extrêmement juteuse pour le collectionneur précédent qui avait acheté cette toile pour 4,5 m$ en juin 2004. La plus-value réalisée au cours des 12 années de détention a donc atteint 1 200 %, soit un rendement de + 24 % par an.

Top 10 des œuvres contemporaines vendues aux enchères

Artiste Œuvre Prix Date Maison de ventes
1 Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) Untitled (1982) 57 285 000 $ 10/05/2016 Christie’s New York
2 Maurizio CATTELAN (1960) Him (2001) 17 189 000 $ 08/05/2016 Christie’s New York
3 Christopher WOOL (1955) Untitled (1990) 16 965 000 $ 10/11/2015 Christie’s New York
4 Peter DOIG (1959) “The Architect’s Home in the Ravine” (1991) 16 346 086 $ 11/02/2016 Christie’s Londres
5 Jeff KOONS (1955) One Ball Total Equilibrium Tank
(Spalding Dr J Silver Series) (1985)
15 285 000 $ 08/05/2016 Christie’s New York
6 Peter DOIG (1959) “Cabin Essence” (1993-1994) 14 861 789 $ 16/10/2015 Christie’s Londres
7 Jeff KOONS (1955) Balloon Swan (Yellow) (2004-2011) 14 725 000 $ 10/11/2015 Christie’s New York
8 Christopher WOOL (1955) Untitled (1990) 13 914 000 $ 11/05/2016 Sotheby’s New York
9 Christopher WOOL (1955) “And If You” (1992) 13 605 000 $ 10/05/2016 Christie’s New York
10 Richard PRINCE (1949) “Runaway Nurse” (2005-2006) 9 685 000 $ 10/05/2016 Christie’s New York
juillet 2015 – juin 2016 / © artprice.com

Réflexe d’un Marché efficient, une baisse d’intensité générale du nombre d’œuvres contemporaines cédées aux enchères, -8 %, était elle aussi à prévoir. Le ralentissement a poursuivi la tendance observée sur l’exercice précédent : -1 %. Or, ce fléchissement correspond lui aussi à un ajustement nécessaire après cinq années de croissance, entre 2009 et 2014, durant lesquelles l’Art Contemporain avait quasiment doublé d’importance. Il était passé de 30 700 à 60 000 lots vendus sur 12 mois.

En dépit d’une légère contraction, le Marché de l’Art Contemporain réalise ainsi le troisième meilleur exercice de son histoire.

Nombre d’œuvres contemporaines vendues aux enchères

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Juillet 2005 – juin 2016

Sur le long terme, la demande se maintient, forte, internationale et exigeante, exaltée par des collectionneurs hyperconnectés, continuellement informés des réalités du Marché et au fait des dernières tendances. Malgré certaines hésitations, les acheteurs d’Art Contemporain n’ont pas interrompu leurs échanges et se sont parfaitement adaptés au contexte économique actuel.

Le taux d’invendus se veut, en effet, rassurant. Les plus grandes maisons de ventes (parmi lesquelles Christie’s et Phillips) affichent cette année encore un ratio inférieur à 30 %. Sotheby’s, pour sa part, présente une légère augmentation avec 34 % d’invendus. Ce taux reste néanmoins bien inférieur à ceux que l’on observe en périodes de crise sur le Marché de l’Art.

Depuis le début du XXème siècle, le chiffre pivot se situe à 37 % d’invendus. En périodes de crise, le taux général excède 50 %. A l’inverse, lorsque le Marché traverse une phase de spéculation intense, il descend en dessous de 20 %. La situation actuelle prouve donc que le Marché de l’Art est durablement stabilisé.

Maturité du Marché

L’Art Contemporain pèse désormais à lui seul 12 % des recettes mondiales, un poids non négligeable et en grande partie attribuable à un ensemble de signatures phares. Plusieurs artistes contemporains sont aujourd’hui en passe d’égaler les niveaux de prix de leurs aînés les plus illustres, au point que les dix meilleurs artistes contemporains figurent désormais dans le Top 100 des artistes les plus performants aux enchères, toutes périodes de créations confondues, aux côtés d’Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Cy Twombly, Gerhard Richter, Lucian Freud ou Zao Wou-Ki. Selon les sociologues du Marché de l’Art, c’est un bouleversement historique qui s’est effectué au cours des deux dernières décennies. La réalité actuelle du Marché de l’Art était inconnue et impensable au XXème siècle.

Valeur de l’Art Contemporain dans le Marché de l’Art Global

Juillet 2015 - juin 2016

Juillet 2015 – juin 2016

Depuis plus de 10 ans, l’évolution de l’indice des prix distingue l’Art Contemporain comme la deuxième période de création la plus porteuse du Marché. L’ascension de ses prix talonne celle de la prestigieuse période d’Après-Guerre (artistes nés entre 1920 et 1944), dont les prix ont explosé avec l’hégémonie des places de marché anglo-saxonnes : Londres et New York.

Le Marché de l’Art Contemporain a fait preuve d’une profonde maturité. Tirant leçon des précédentes crises, les grandes maisons de ventes ont démontré qu’elles étaient capables de contenir l’offre afin de maintenir les niveaux de prix. Cette réactivité a permis de stabiliser la demande en l’espace de quelques mois, tout en conservant l’intensité des transactions et un taux d’invendus stable.

Ainsi, l’Art Contemporain reste un investissement particulièrement performant sur le long terme. Il affiche un rendement annuel de +4,9 % sur les 16 dernières années, tandis que le produit des ventes a progressé de +1 370 % et que le nombre d’œuvres vendues s’est vu multiplié par quatre sur la même période, à l’échelle mondiale.