Les chiffres-clés de 2022
Chiffres-clés des ventes aux enchères d’œuvres Fine Art et NFT dans le monde (2022)
Dans un monde bousculé par d’importantes tensions géopolitiques, notamment suite à la guerre en Ukraine, mais aussi climatiques, sanitaires, économiques et sociales, le Marché de l’Art semble faire preuve de résistance. En effet, au vu des chiffres d’affaires historiques réalisés par les maisons de ventes et du contenu des collections privées présentées cette année, les aléas du monde auraient épargné les performances du commerce d’œuvres d’art aux enchères. Une compétition plus intense que jamais s’est même déroulée pour des chefs-d’œuvre de l’Histoire de l’Art comme Le Panier de fraises de CHARDIN ou L’Empire des lumières de MAGRITTE, et la vente d’œuvres exceptionnelles des collections Paul Allen, Macklowe, Thomas Ammann, Yusaku Maezawa ou encore Hubert de Givenchy a fortement pesé dans le bilan annuel, qui compte parmi les plus fastes de l’histoire du Marché de l’Art.
Évolution de l’Asie et du reste du monde
Le produit des ventes mondiales d’œuvres d’art aux enchères s’établit à 16,5Mrd$, ce qui constitue le quatrième meilleur résultat de l’histoire, après les sommets de 2011 (18,5Mrd$), 2014 (18Mrd$) et 2021 (17Mrd$). Mais le marché 2022 présente aussi un déséquilibre conjoncturel inédit entre l’Asie, où il s’est fortement contracté, et l’Occident, où il a atteint des sommets.
La réalité du Marché de l’Art est loin d’être lisse. Toutes les grandes places du marché mondial ne réagissent pas de la même façon. Les volumes d’affaires sont extrêmement contrariés dans certains pays, tandis qu’ils se consolident, voire s’améliorent généreusement dans d’autres. En Asie, le Japon gagne 18 millions lorsque la Corée du Sud en perd 100, par exemple. Cependant, la chute la plus spectaculaire a lieu en Chine, socle du marché asiatique, qui perd deux milliards, notamment suite au report de nombreuses sessions de ventes initialement prévues en 2022. Après sa résistance à l’impact de la pandémie en 2020 et 2021, la valeur du Marché de l’Art chinois se contracte en effet de -34%, avec un résultat situé sous le seuil des quatre milliards (3,9Mrd$), ce qui n’était pas arrivé depuis plus de 10 ans.
Le reste du monde affiche au contraire une croissance remarquable de +16% grâce aux performances fastueuses des États-Unis, qui gagnent 1,5Mrd$ de plus qu’en 2021 (+26%). Animé par une demande croissante et, surtout, par la présence d’œuvres d’exception en provenance de collections privées remarquables, le marché américain est la locomotive d’un marché qui, hors Chine, double allègrement son résultat comparé à une année 2020 amputée par la crise de la COVID-19. Le chiffre d’affaires mondial hors Chine atteint ici son plus haut niveau historique, avec 12,6Mrd$ d’œuvres vendues aux enchères, soit 76% du Marché de l’Art mondial.
Évolution du produit des ventes de Fine Art et NFT aux enchères (2022)
→ États-Unis, Chine et Royaume-Uni concentrent 81% de la valeur du Marché de l’Art mondial aux enchères, mais les trois pays n’évoluent pas à la même vitesse cette année : le Marché de l’Art chinois se contracte fortement en perdant deux milliards, tandis que le marché américain gagne un milliard et demi pour atteindre son plus haut niveau historique à 7,3Mrd$. Le marché britannique retrouve quant à lui son niveau anté-pandémique, avec 2,1Mrd$.
Poids économique par catégorie
Sur un marché plus dynamique que jamais, avec plus d’un million d’œuvres présentées aux enchères cette année, la plupart des médias traditionnels (peinture, sculpture, estampe), ainsi que la photographie et les NFT, enregistrent des niveaux records de transactions, tandis que des chiffres d’affaires historiques se limitent aux catégories de la peinture et de l’estampe.
La peinture, dont le chiffre d’affaires représente 70,9% des performances mondiales pour 37% des échanges, reste la catégorie reine et le socle économique du Marché de l’Art. À travers le globe, des collectionneurs très demandeurs ont considérablement attisé les transactions sur la dernière décennie (+73% en dix ans). Mais la peinture est surtout la technique la plus prospère, car elle rassemble les chefs-d’œuvre les plus convoités de l’Histoire de l’Art occidentale. C’est sur cette technique traditionnelle que reposent les 25 meilleures adjudications de l’année 2022, la plupart revenant aux maîtres de la fin du 19e et du début du 20e siècles que sont CÉZANNE, VAN GOGH, GAUGUIN, MONET, PICASSO, KLIMT et SEURAT, notamment grâce aux chefs-d’œuvre de la collection Paul Allen dispersés par Christie’s New York en novembre. Face à ces grandes figures de l’art européen se dressent les monstres sacrés de l’art américain d’Après-Guerre : WARHOL, en premier lieu, puisqu’il flirte désormais avec les 200 millions pour une toile, mais aussi Jean-Michel BASQUIAT, Mark ROTHKO, Jasper JOHNS et Jackson POLLOCK, qui remportent chacun au moins une vente supérieure à 50 millions cette année.
Deuxième segment le plus important après la peinture, le dessin pèse 14% du produit des ventes mondial pour 21% des transactions. En Chine, ce secteur souffre d’une contraction du marché très haut de gamme au profit de la peinture amorcée avant même la pandémie. Les transactions millionnaires s’essoufflent depuis 2015 et leur nombre (249 en 2022) est à peu près divisé par deux, comparé aux exercices compris entre 2010 et 2017. Cependant, les grands artistes chinois dominent toujours le marché du dessin : CUI Ruzhuo, XU Beihong et QI Baishi remportent chacun une vente à plus de 10 millions et une œuvre de ZHANG Daqian dépasse les 47 millions cette année. Chez les artistes occidentaux, les plus belles ventes annuelles reviennent à MICHEL-ANGE, George WEATHERILL, Jean-Michel BASQUIAT, Pablo PICASSO et Edgar DEGAS, dont les meilleurs dessins s’acquièrent entre 8,9m$ et 24,3m$.
Évolution annuelle du produit des ventes aux enchères mondial du dessin
Le marché de la sculpture (9% du volume d’affaires mondial) renoue avec ses meilleures années, notamment grâce à trois adjudications imposantes pour des sculptures en bronze de Pablo PICASSO, Henry MOORE et Alberto GIACOMETTI. Pablo PICASSO renouvelle son record en trois dimensions avec un exemplaire de Tête de femme (Fernande)《女子头像(费尔南德)》 (1909) provenant de la prestigieuse collection du Metropolitan Museum of Art, vendu 48,48m$. Henry MOORE décroche 31m$ avec un monumental Reclining Figure: Festival《躺卧人像:英国节》 (1951) initialement commandé par le Conseil des arts de Grande-Bretagne pour le Festival de Grande-Bretagne de 1951. La troisième sculpture la plus précieuse de l’année est signée Alberto GIACOMETTI. Il s’agit d’un exemplaire de Femme qui marche [I]《行走的女人[I]》 (1932/36) issu de la collection Hubert de Givenchy, dont Christie’s assurait la dispersion en juin à Paris. Vendue 28,3m$, cette silhouette longiligne est désormais la sixième meilleure adjudication de l’histoire du marché des enchères en France.
En marge de ces résultats multi-millionnaires, la sculpture est aussi un secteur très bien alimenté par des multiples abordables d’artistes contemporains (KAWS, MURAKAMI, KOONS, KUSAMA…) dont les productions contribuent allègrement à un record historique situé autour de 59 000 transactions. Les ventes de sculptures, dont les multiples, augmentent chaque année depuis 10 ans, affichant une puissante hausse de +151% depuis 2012.
Les transactions progressent aussi pour l’estampe, segment de marché dont les échanges s’étaient accélérés pendant la pandémie, à contre-courant des autres catégories de création. Le marché de l’estampe a doublé en dix ans, tant en termes de transactions que de chiffre d’affaires, dépassant allègrement les 500m$ pour la deuxième année consécutive. L’estampe séduit par son accessibilité (plus de 90 000 lots vendus moins de 500$ dans l’année) et permet d’accéder à toutes les grandes signatures de l’Art Ancien (REMBRANDT, DÜRER…), Moderne (PICASSO, MIRO, MATISSE, CALDER…), d’Après-Guerre (LICHTENSTEIN, WARHOL…), Contemporain (BANKSY, NARA, HIRST…). Les feuilles importantes sont néanmoins très bien valorisées avec un record de 21 estampes millionnaires cette année, majoritairement pour des sérigraphies d’Andy WARHOL, mais aussi pour des tirages de Pablo PICASSO dont le nouveau record personnel dans cette catégorie vient d’être établi à 8m$ : à ce prix, son célèbre Le repas frugal《简朴的一餐》 (1904) devient la deuxième estampe la plus chère du monde après Piscine De Medianoche de David HOCKNEY.
Le marché de la photographie fait moins recette qu’il y a dix ans, bien que les ventes se soient accélérées. Il n’y a pas de désaffection pour le médium, mais bien un repositionnement vers les épreuves les plus accessibles. En effet, les ventes de photographies atteignent un record cette année en dépassant les 24 000 lots vendus, soit une hausse de +75% en dix ans, mais la part des photographies cédées à moins de 500$ a quadruplé depuis 2012, tandis que les photographies valorisées à plus de 100 000$ sont presque deux fois plus rares à l’échelle de la décennie. Ce marché est donc moins faste qu’autrefois, bien que l’on remarque de très fortes adjudications pour les photographes historiques et modernes, comme en témoignent les récents records de Edward STEICHEN (The Flatiron, 1904 :11,8m$) et MAN RAY (Le Violon d’Ingres《安格尔的小提琴1924》, 1924 : 12,4m$).
Distribution du produit des ventes aux enchères de Fine Art et NFT par catégorie (2022)
→ Porté par des œuvres majeures de l’Art Moderne européen et de l’Art d’Après-Guerre américain, le chiffre d’affaires de la peinture est au plus haut, dépassant le palier des dix milliards de dollars annuel. En revanche, le marché haut de gamme du dessin est moins bien alimenté : la raréfaction d’œuvres importantes, notamment sur le marché chinois, implique une baisse de chiffre d’affaires depuis quelques années. Il demeure néanmoins un secteur extrêmement dynamique avec des transactions au plus haut niveau : environ 150 000 cette année. Les échanges s’intensifient également pour la sculpture, la photographie, l’estampe et plus modestement pour les NFT dont le produit des ventes plonge néanmoins de -94% suite au Bear Market.