Des évolutions remarquables en Asie
La pandémie de Covid a créé une rupture en Asie, mais le marché reste en développement dans différentes régions, notamment à Tokyo, Singapour et Séoul, où la demande excède l’offre locale. Pékin reste tout de même le cœur du marché asiatique avec plus de 2 milliards d’œuvres vendues aux enchères en 2022. Cependant, les adjudications à cinq ou six chiffres s’y sont raréfiées. C’est plutôt à Hong Kong que se joue le marché le plus haut de gamme et le plus international. Les trois meilleures adjudications de toute l’Asie y sont remportées en 2022 à plus de 25 millions chacune par ZHANG Daqian, ZAO Wou-Ki et Gerhard RICHTER.
Top 10 des villes d’Asie par produit des ventes aux enchères Fine Art et NFT (2022)
Hong Kong consacre les trois premières sociétés de ventes
Hong Kong est le nouvel eldorado des trois premières sociétés d’enchères : Christie’s réalise 8% de son résultat mondial Fine Art sur place, lorsque Sotheby’s et Phillips y jouent respectivement 12% et 13% de leurs performances mondiales pour la vente d’œuvres d’art. Les trois maisons de ventes cumulent plus d’un milliard de dollars d’œuvres vendues à Hong Kong au cours de l’année 2022, soit 90% du résultat de la quatrième ville la plus importante du marché mondial.
Cinq adjudications hongkongaises s’inscrivent parmi les 100 meilleures mondiales cette année. La plus belle revient à l’artiste classique favori des chinois, ZHANG Daqian, dont un paysage, Landscape after Wang Ximeng (仿王希孟〈千里江山圖〉), vendu à hauteur de 47,2m$ signe la meilleure vente jamais réalisée par Sotheby’s pour une œuvre d’art chinoise, ainsi que le deuxième prix le plus élevé pour toutes les œuvres d’art vendues chez Sotheby’s Asia.
La deuxième meilleure adjudication hongkongaise repose sur un artiste dressant un pont culturel entre l’Asie et l’Occident, le franco-chinois ZAO Wou-Ki. Son œuvre 29/09/64《29.09.64.》, vendue 35,4m$ par Christie’s au mois d’avril, a gagné 15,8m$ depuis sa dernière adjudication il y a cinq ans (2017, Christie’s HK).
Parmi les ventes remarquables, citons encore celle d’Abstraktes Bild (抽象畫), 1990, œuvre de l’allemand Gerhard RICHTER, qui clôt le podium des adjudications hongkongaises à 25,5m$ chez Sotheby’s, mais aussi un Buste d’homme dans un cadre《画框中的男子半身像》 (1969) de PICASSO, acquis pour 22,3m$, deuxième prix le plus élevé jamais atteint pour PICASSO en Asie. Enfin, une envoûtante araignée en bronze de Louise BOURGEOIS, emportée pour 16,5m$, n’est autre que la sculpture la plus chère jamais vendue aux enchères en Asie. Cette Spider IV (蜘蛛 IV) gagne par ailleurs deux millions de dollars depuis 2017, date à laquelle Sotheby’s la présentait dans une vente new-yorkaise (16 novembre 2017), ce qui témoigne de la volonté d’acquisition et de l’esprit de compétition des collectionneurs asiatiques.
Évolution annuelle du produit des ventes aux enchères et du nombre de lots vendus de Fine Art et NFT à Hong Kong (2008-2022)
C’est toutefois dans l’efficacité de ses ventes d’art contemporain que Hong Kong étonne le plus. En effet, le tiers du produit de ses ventes repose aujourd’hui sur des artistes contemporains, voire ultra-contemporains (moins de 40 ans) et la ville s’impose depuis deux ans comme la deuxième place de marché mondiale devant Londres pour ce type d’échanges.
Plusieurs jeunes artistes américains sont les coqueluches des ventes hongkongaises. Loie HOLLOWELL en fait partie avec la toile Lick Lick in Orange and Blue (舔舔橙色和藍色) (2015), puissamment revalorisée de 137 500$ à 963 500$ entre une vente à New York et une autre à Hong Kong, en l’espace de trois ans (Christie’s NY, septembre 2019, puis Sotheby’s HK, avril 2022). Citons encore Shara HUGHES, Avery SINGER et Lucy BULL, qui doivent respectivement 16%, 39% et jusqu’à 64% de leur produit des ventes aux enchères annuel à la puissance de leurs performances hongkongaises. Cette année, les envolées de prix constatées pour les artistes occidentaux les plus recherchés proviennent moins de New York que des antennes hongkongaises de Christie’s et Sotheby’s.
→ Vendue plus de dix millions de dollars, cette toile obtient le nouveau record personnel d’Adrian GHENIE, depuis Christie’s Hong Kong. En proposant une œuvre si importante de l’un des plus grands artistes contemporains occidentaux, Christie’s participe à faire de Hong Kong l’un des principaux sites de vente de chefs-d’œuvre de notre temps. En 2022, Adrian GHENIE signe par ailleurs sa meilleure année aux enchères et se positionne dans le Top 50 des artistes mondiaux, fort d’un produit des ventes annuel avoisinant les 50 millions de dollars.
Christie’s redémarre à Shanghai
Après deux années de suspens, Christie’s a repris son activité à Shanghai après deux années de suspens, avec de très belles adjudications pour de grands artistes occidentaux. Fort de ses succès répétés à Hong Kong, BASQUIAT flirte avec les 15m$ (“Il Duce” (领导者), 1982) à Shanghai, pour sa toute première toile vendue aux enchères en Chine continentale. Zao WOU KI, Kees VAN DONGEN, Pablo PICASSO, Marc CHAGALL, mais aussi le fameux artiste ghanéen de 38 ans Amoako BOAFO, trouvent tous preneurs ici à des prix millionnaires, sous le contrôle de Christie’s, qui enregistre sa meilleure année dans cette ville.
Une année historique au Japon
La Corée du Sud, avec Séoul, et le Japon, avec Tokyo, constituent deux nouvelles places fortes asiatiques, où la demande concerne autant les artistes asiatiques que leurs homologues occidentaux. Septième place de marché mondiale, le Japon obtient un record annuel – 185m$ d’œuvres vendues aux enchères (+11%) – malgré des transactions moins nombreuses, ce qui reflète une tendance à la hausse des prix, donc un esprit de compétition assez fort chez les enchérisseurs japonais. Les plus belles adjudications de l’année récompensent les contemporains japonais Yayoi KUSAMA, Ayako ROKKAKU, Yoshitomo NARA, les grands classiques occidentaux Pierre-Auguste RENOIR et Paul DELVAUX, mais surtout Andy WARHOL, dont un portrait de Liz Taylor établit le record pour une œuvre d’art aux enchères publiques au Japon à 20,8m$.
Évolution annuelle du produit des ventes aux enchères et du nombre de lots vendus de Fine Art et NFT à Tokyo (2008-2022)
L’incontournable appel de Séoul
La Corée du Sud a vécu une année spectaculaire en 2021, multipliant presque par cinq son produit des ventes aux enchères Fine Art. Malgré un chiffre d’affaires en baisse cette année, le pays affiche une croissance remarquable de +140% depuis 2019, avant la pandémie. Lorsqu’il faut plus de 18 000 ventes à l’Australie pour récolter 118m$, la Corée du Sud génère 139m$ avec quelque 3 000 œuvres seulement et prend la neuvième place du classement mondial cette année.
À Séoul, les adjudications sont rares mais hautes, car les collectionneurs sont prêts à débourser beaucoup d’argent pour décrocher les œuvres des meilleurs artistes. Leur préférence va à leurs compatriotes les plus talentueux tels que Ufan LEE, Whan-Ki KIM ou KunYong LEE, mais leur favorite reste Yayoi KUSAMA, qui doit presque 10% de ses performances annuelles aux ventes organisées à Séoul. Les coréens recherchent aussi les mêmes signatures occidentales que celles proposées à Hong Kong : les américains Shara HUGHES et Emily Mae SMITH, ou l’espagnol Javier CALLEJA, dont le style Kawaii fait actuellement fureur en Asie.
La vitalité des enchères confirme en fait la place de Séoul en tant que plaque tournante de l’art en Asie : le succès de la première édition de l’incontournable salon Frieze, mais aussi le redéploiement de plusieurs grandes galeries internationales sur place en sont d’autres signes marquants. En 2022, Emmanuel Perrotin, Lehmann Maupin, Pace et Thaddaeus Ropac ont tous renforcé leur présence en inaugurant de nouveaux espaces sur place, preuve de leur confiance quant au potentiel de développement du marché coréen.
Évolution annuelle du produit des ventes aux enchères et du nombre de lots vendus de Fine Art et NFT à Séoul (2008-2022)