Le palmarès des maisons de ventes
Les deux premières maisons de ventes mondiales, Christie’s et Sotheby’s, rassemblent 9,7Mrd$ pour les seules ventes aux enchères de Fine Art. Ce chiffre représente 59% du volume d’affaires mondial contre plus de 70% au début du millénaire, avant l’arrivée des maisons de ventes chinoises. Malgré cette concurrence, leurs chiffres d’affaires continuent d’augmenter du fait de l’accroissement du prix des chefs-d’œuvre et du nombre grandissant d’acheteurs à travers le monde. Face au recul ponctuel du Marché de l’Art chinois, les deux sociétés dominent nettement le marché le plus haut de gamme, en détenant 90 des 100 meilleures adjudications de l’année.
Répartition géographique du produit des ventes aux enchères Fine Art et NFT de Sotheby’s, Christie’s et Phillips (2022)
Christie’s se taille la part du lion
Avec près de 5,8Mrd$ d’œuvres vendues aux enchères dans l’année, Christie’s réalise plus du tiers du volume d’affaires mondial (35%). La qualité extraordinaire des collections privées qu’elle a su disperser y est pour beaucoup, puisque les collections Bass, Allen et Amman représentent à elles seules 2,4Mrd$, soit 41% du produit des ventes aux enchères mondial de Christie’s pour le Fine Art. On doit à ces trois collections 40 des 100 meilleures adjudications de l’année.
Christie’s domine donc largement sur la crête des prix, remportant au total 58 des 100 meilleures adjudications annuelles : deux proviennent de Paris et autant de Hong Kong, contre neuf à Londres et quarante-cinq à New York, où la société réalise presque 70% de son produit des ventes annuel.
Le développement de Christie’s est aussi porté par une nouvelle génération de collectionneurs : dans son bilan de fin d’année, on apprend que 35% d’entre eux sont de nouveaux clients, dont 34% des millennials (contre 31% en 2021). Enfin, c’est dans la zone Asie Pacifique que la maison de ventes enregistre la croissance la plus rapide de ces nouveaux collectionneurs.
Répartition géographique du produit des ventes aux enchères Fine Art et NFT de Christie’s (2022)
Sotheby’s mise plus fort sur l’Asie
Il en va de même pour Sotheby’s qui constate, dans son bilan de fin d’année, que
68% des nouveaux enchérisseurs en 2022 viennent de pays d’Asie. Cette nouvelle donne représente une manne financière non négligeable pour la maison de ventes, puisque ses collectionneurs asiatiques dépenseraient 20% de plus en moyenne que leurs homologues dans le reste du monde.
Bien implantée à Hong Kong, où elle enregistre 12% de son chiffre d’affaires pour les enchères de Fine Art (après 22% à Londres et 58% à New York), Sotheby’s affiche des plans d’expansion ambitieux en Asie. Il s’agit notamment de l’ouverture de locaux à Shanghai en 2023 et, en 2024, de l’établissement d’un nouveau siège à Hong Kong et de l’ouverture d’un espace d’exposition et d’une salle des ventes dans le quartier du Landmark Chater. Cette année, elle a déjà ouvert un bureau à Tokyo et organisé sa première vente aux enchères à Singapour depuis 15 ans.
Bien que Sotheby’s ait annoncé que 2022 était l’année la plus faste de l’entreprise pour la totalité de ses activités (y compris les ventes de voitures anciennes, le Real Estate, etc.), son chiffre d’affaires pour la vente d’œuvres d’art aux enchères recule de -11%, avec 3,9Mrd$ contre 4,4Mrd$ en 2021. Le maintien d’un résultat fort passera certes par son développement en Asie, mais aussi par sa possibilité de proposer des œuvres d’exception en 2023.
Répartition géographique du produit des ventes aux enchères Fine Art et NFT de Sotheby’s (2022)
Phillips, une adversaire de taille pour les œuvres du 20e siècle
À la troisième place, Phillips dépasse pour la deuxième fois le milliard de chiffre d’affaires toutes activités confondues (1,3Mrd$) et engrange 729m$ pour les seules ventes d’œuvres d’art aux enchères. Cette société dynamique commence à se révéler sur le marché très haut de gamme, une niche sur laquelle ses concurrentes avaient jusque-là la mainmise.
Phillips enregistre huit adjudications supérieures à 10m$ cette année et se hisse dans le Top 10 des adjudications mondiales avec une toile de Jean-Michel BASQUIAT vendue pour 85m$ à un collectionneur asiatique (Untitled《无题》, 1982, ancienne collection de l’homme d’affaires japonais Yūsaku Maezawa). C’est un pas important pour la société britannique qui signe ici la plus belle adjudication de toute son histoire. Autre résultat à retenir : une vente d’art contemporain de novembre totalise 140 millions, dont une belle part repose sur un tableau de Cy TWOMBLY, payé 41,6m$.
Grande absente du marché européen, Phillips renforce son ancrage à New York (64% de son produit des ventes), Londres (23%), Hong Kong (13%) et devient une adversaire de taille pour la vente d’œuvres exceptionnelles du 20e siècle.
Répartition géographique du produit des ventes aux enchères Fine Art et NFT de Phillips (2022)
Bonhams part à la conquête de l’Europe
Quatrième maison de ventes occidentale après les asiatiques China Guardian, Zhong Cang Yi Sheng auction et Poly Auction, Bonhams atteint le milliard de dollars de ventes toutes activités confondues pour la première fois depuis sa création en 1793. Ses ventes d’œuvres d’art aux enchères représentent quant à elles 214,7m$. Par ailleurs, la société basée à Londres développe solidement sa présence sur d’autres territoires. Elle fait notamment l’acquisition de quatre maisons de ventes aux enchères en 2022 afin de renforcer son réseau sur le marché intermédiaire (prix inférieur au million de dollars), dont le potentiel de croissance est important, en particulier chez les jeunes acheteurs. Bonhams a d’abord racheté la société danoise Bruun Rasmussen, puis l’américaine Skinner, la suédoise Bukowskis, et enfin la française Cornette de Saint Cyr, installée à Paris et à Bruxelles. L’Europe constitue son plus gros axe de croissance d’après la compagnie, qui viserait par ailleurs d’autres opportunités d’achat, notamment en Asie.
Artcurial, première société française
Pour finir, Artcurial réalise sa meilleure année depuis sa création il y a 20 ans avec 102m$ pour ses ventes de Fine Art. La première société de ventes française (10% des performances du pays) se classe cinquième sur le plan occidental et parvient à céder plusieurs lots millionnaires malgré la rude concurrence de Christie’s et Sotheby’s sur la place parisienne. Ses plus belles ventes sont un remarquable tondo ancien d’Abel GRIMMER cédé pour 1,5m$ (Dix mois de l’année), une toile de SISLEY vendue près de 1,3m$ (Printemps au bord du Loing), un chef-d’œuvre de Pierre SOULAGES acquis pour 2,9m$ (Peinture 92 x 73 cm, 12 août 1959) et, surtout, une célèbre nature morte de Jean-Baptiste Siméon CHARDIN, emportée pour 26,8m$, un record du monde pour un tableau ancien français vendu aux enchères.