Deux nouveaux majors
Retrouver Jean-Michel Basquiat en première ligne des œuvres contemporaines les plus chères n’est pas une surprise. La star afro-américaine décédée en 1988 est à l’Art Contemporain ce que Picasso est à l’Art Moderne. Plus déroutante est l’arrivée de deux nouvelles signatures parmi les meilleures adjudications mondiales: celle de l’artiste numérique Beeple, dont la vente du premier NFT par Christie’s marque le tournant pris par les grandes maisons de ventes vers le filon de l’art digital, et celle du sino-américain Chen Danqing, avec un record multiplié par six en juin dernier, pour une toile devenue l’œuvre contemporaine chinoise la plus chère, au prix de 25,1m$.
Top 3 des artistes contemporains par record d’adjudication (2020/21)
Jean-Michel Basquiat (1960-1988)
Jean-Michel BASQUIAT fait de plus en plus fort: il détient cinq des 10 meilleures adjudications annuelles et pèse à lui seul 14% du résultat mondial pour l’Art Contemporain. En 12 mois et 162 lots, les collectionneurs ont déboursé 385,8m$ pour acheter ses œuvres aux enchères.
Les deux toiles les plus coûteuses de l’année (In This Case, 93,1m$ et « Versus Medici », 50,8m$) ont été vendues comme à l’accoutumée à New York, mais trois autres œuvres majeures ont changé de mains lors de ventes de prestige organisées par Christie’s et Sotheby’s à Hong Kong. L’artiste contemporain le plus performant du second marché est parti pour le rester: les 300m$ d’œuvres vendues au cours du premier semestre 2021 laissent présager une nouvelle année record…
Beeple (1981)
Inconnu aux enchères publiques l’an dernier, BEEPLE (1981) figure cette année parmi les trois artistes les plus chers de leur vivant, après David Hockney et Jeff Koons. En un coup de marteau aussi virtuel que retentissant, il remporte la deuxième meilleure adjudication de l’année pour l’Art Contemporain. La vente du premier NFT aux enchères publiques (Everydays: The first 5000 Days) se solde par un record de 69,3m$, alors que son prix de départ était de 100$ et que l’artiste échappait à tous les radars: pas de galerie, pas d’exposition, pas de ventes aux enchères… “Seulement” plusieurs millions de followers sur Instagram et le soutien de Christie’s, l’une des plus vieilles et des plus honorables maisons de ventes de la planète. En deux lots, Beeple représente 3% du Marché de l’Art Contemporain à lui-seul.
Chen Danqing (1953)
Inattendu… le troisième artiste du podium adjudications est CHEN Danqing (1953), avec un record révisé de 21,7m$. Début juin, Poly international Pékin a vendu une huile sur carton de moins de 80 centimètres de cet artiste Shanghaïen de naissance, installé aux États-Unis depuis les années 80’. Intitulée Tibetan series : Shepherds (西藏组画·牧羊人), la toile montrant un couple tibétain sur le point de s’embrasser sur fond des vastes prairies de Lhassa, a été propulsée à près de 25,2m$ contre un précédent sommet personnel enregistré à 3,5m$ par la même maison de ventes il y a 10 ans. Ce baiser volé de la série tibétaine devient l’œuvre contemporaine chinoise la plus chère et hisse Chen Danqing dans le top 20 des artistes mondiaux de l’Art Contemporain. Il devance même Damien Hirst en termes de produit des ventes annuel!
Poids du Top 5 artistes dans le produit des ventes d’Art Contemporain (2020/21)
→ Basquiat, Banksy, Nara, Condo et Beeple composent le nouveau “club des cinq”. Artistes les plus performants de l’année en termes de volume d’affaires, ils pèsent, ensemble, plus du tiers du Marché de l’Art Contemporain (32%).
Banksy (1974)
À 47 ans, le Street artist anonyme fait partie des cinq signatures les plus performantes du monde en salles de ventes, toutes périodes de création confondues. Sur le segment spécifiquement contemporain, il se classe en deuxième position derrière Basquiat, fort d’un volume d’affaires de 181m$, représentant 7% du résultat mondial. C’est un record absolu pour l’un des trois artistes les plus demandés du marché. Cet exercice exceptionnel compte deux adjudications supérieures à 10m$, dont un record personnel relevé à 23,2m$. 5m$ “seulement” étaient pourtant attendus pour la toile Game Changer (2020), qui a suscité un immense engouement. On y voit un jeune garçon délaissant son Batman et son Superman pour jouer avec une figurine de super-infirmière. La flambée de ce prix révèle les préférences des collectionneurs pour des œuvres en phase avec l’actualité. Elle s’explique aussi par la vocation caritative de la vente, Christie’s promettant de reverser la majorité du prix de l’œuvre au service de santé britannique (NHS, National Health System). Depuis cinq ans, le chiffre d’affaires de BANKSY croît de façon exponentielle: 3m$ en 2016, 7m$ en 2017, 16m$ en 2018, 29m$ en 2019, 67m$ en 2020 et 123m$ au S1 2021…
George Condo (1957)
La peinture tragi-comique de George CONDO a influencé de nombreux peintres de la génération de Glen Brown et John Currin. Exposées à New York, Londres, Shanghaï et Berlin au cours des derniers mois, ses œuvres sont très recherchées et les prix s’en ressentent: 100$ investis en 2000 sur l’une d’elle valent en moyenne 2.488$ (+2.388%) en juillet 2021. Sa cote a pris une autre envergure dès 2018 avec un résultat supérieur à 5m$ pour “Nude and Forms” (Christie’s, New York), puis un second record en juillet 2020 avec la vente de Force Field (2010) pour 6,8m$, le double des estimations fournies par Christie’s Hong Kong. Avec plus de 72m$ d’œuvres vendues entre New York, Londres et Hong Kong, George Condo pèse 3% du Marché de l’Art Contemporain.
Nombre d’artistes contemporains du top 500 par pays d’origine (2020/21)
→ Les nationalités dominant le top 500 révèlent le dynamisme des pays sur le marché des enchères. Les nationalités américaine et chinoise constituent la moitié des artistes les mieux valorisés en termes de produit des ventes annuel. Toujours en quête d’originalité, le marché américain est le mieux placé pour faire émerger les artistes digitaux (Beeple et Larva Labs intègrent notamment le top). La forte présence d’artistes japonais reflète quant à elle le succès de l’esthétique Manga avec Nara, Murakami, Rokkaku, mais aussi Madsaki et Masakazu.
Chez les créateurs anglais et français, l’essor de la demande pour les œuvres du Street art hissent très haut Banksy, Doodle et Stik côté britannique, face à Invader, Brainwash et Gully côté français. On note également que l’émergence de très jeunes artistes britanniques et américains est bien plus aisée que celle des artistes européens.