Répartition géographique du Marché de l’Art

Après une période de léthargie menant à une forte contraction du marché, les sociétés de ventes rebondissent d’autant plus rapidement que le processus d’acquisition ne s’interrompt pas pendant la crise sanitaire. Le bilan de cette année 2020 s’avère extrêmement encourageant malgré un contexte inédit.

Repartition geographique

Les résultats clefs

Le Marché de l’Art se montre bien plus résilient que lors des précédentes crises, notamment celle de 2009, où le résultat mondial des ventes de Fine Art avait fondu de -36%. En 2020, il ne perd que -21% (10,57Mrd$), une baisse étonnamment faible compte tenu de l’impact de la crise de la Covid-19 sur le Marché de l’Art.

Cette inflexion est principalement liée à la perte de vitesse fort compréhensible du marché haut de gamme. Dès le premier confinement, beaucoup de grands collectionneurs préfèrent différer leurs ventes en attendant des jours meilleurs.

Plus de 500 œuvres millionnaires manquent ainsi à l’appel et le nombre de lots de cette catégorie baisse d’un tiers comparé à 2019. Les résultats sont très affectés par la pénurie de chefs-d’œuvre côté occidental, avec une baisse de -30% du produit de ventes annuel malgré un nombre de transactions stable. En revanche, le résultat chinois progresse légèrement (+2%) en dépit d’un nombre de transactions en forte baisse (-40%), grâce à des ventes de haut niveau réalisées au cours du deuxième semestre.

Artprice : La Chine redevient la première place de marché mondiale en 2020, avec 39% du produit de ventes aux enchères, loin devant les USA (27%). Que faudrait-il faire pour que cette domination se confirme en 2021 ?
Gong Jisui – Consultant d’Art Market Monitor d’Artron (AMMA) : La prospérité du Marché de l’Art chinois devrait durer. Il y aura certainement des ajustements de prix selon les catégories d’œuvres ou selon leur style. L’art traditionnel pourrait connaître des hauts et des bas, mais la valeur des jeunes artistes va certainement augmenter. L’Art Moderne chinois, dont les prix sont déjà au plus haut, pourraient être revus à la baisse, mais pas les chefs-d’œuvre de l’art traditionnel. Ceux-ci se feront de plus en plus rares et leurs prix devraient rester élevés. AMMA reste très confiant concernant la stabilité du prix des œuvres d’art chinoises. L’ampleur des enchères et l’enthousiasme des collectionneurs sur le Marché de l’Art chinois ne peuvent qu’augmenter. Cependant, les œuvres d’art rassemblées par les nouvelles générations de collectionneurs changeront inévitablement. De plus en plus de jeunes collectionneurs rejoindront, et transformeront, le Marché de l’Art.

CA Monde

CA par pays (top 5)

CA par pays (top 5)

→ Les réactions diffèrent d’un pays à l’autre en cette première année de crise sanitaire. En France, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les résultats chutent de -30% à -39%, mais ils progressent en Chine (+2%) et en Allemagne (+11%), malgré une offre restreinte. La Chine reprend la première place mondiale, grâce à d’importantes ventes d’œuvres anciennes et modernes au cours du deuxième semestre.

Évolution des lots vendus et invendus

Évolution des lots vendus et invendus

→ 130.000 œuvres manquent à l’appel, soit une baisse globale de -14% des lots offerts en comparaison avec 2019. Cependant, grâce à des estimations attractives et à une forte demande tout au long de l’année, le taux d’invendus est au plus bas: 34%, contre 38% en 2019.

Asie et Occident

La performance chinoise est époustouflante: malgré un nombre de lots vendus en baisse de 40%, son chiffre d’affaires progresse de +2%, pour s’établir à 4,16Mrd$. La Chine pèse 39% du Marché de l’Art en 2020, c’est presque autant que les États-Unis (27%) et le Royaume-Uni (15%) réunis.

Artprice : Comment expliquez-vous la performance du Marché de l’Art en Chine, malgré un début d’année 2020 profondément marqué par la pandémie ?
Gong Jisui – Consultant d’Art Market Monitor d’Artron (AMMA) : Il y a quatre raisons à cela. Tout d’abord, le pouvoir d’achat repose sur une minorité d’acheteurs fortunés qui n’ont pas été lourdement impactés par la pandémie. Ils sont restés actifs. Deuxième point: les montants générés par la vente d’œuvres aux enchères ont peu évolué par rapport à 2019, mais la nature des achats a changé. La qualité des œuvres vendues tend en effet à augmenter et cette hausse qualitative a un effet positif sur les ventes courantes. Troisièmement, certains collectionneurs ont été confrontés à des difficultés financières à cause de la pandémie, ce qui les a conduits à vendre certaines de leurs œuvres. Ils ont ainsi alimenté le marché, parfois avec de véritables chefs-d’œuvre. Dernier point, et c’est le point le plus important, en raison de la politique d’impression monétaire dans de nombreux pays en 2020, les amateurs d’art issus des classes fortunées sont plus enclins à transformer leurs liquidités en œuvres d’art, ce qui profite au marché.

Les maisons de ventes leaders en Asie

Les maisons de ventes leaders en Asie
Premier continent touché par la crise sanitaire, l’Asie peut compter sur une forte reprise d’activité des maisons de ventes au cours du deuxième semestre 2020.
Avec près d’1Mrd$ cumulé, Poly International et China Guardian représentent le tiers du marché en Chine continentale. On note aussi une percée spectaculaire de Yongle Auction à Pékin, avec plus de 360m$ de résultat.
Sotheby’s mène cependant la danse depuis Hong Kong (Chine). La société américaine réalise le meilleur résultat de toute l’Asie en écoulant plus de 563m$ d’œuvres d’art en 2020. Hong Kong (Chine) représente une part essentielle de son activité, près du quart de son résultat mondial pour le Fine Art.

Évolution du produit de ventes en Chine

Évolution du produit de ventes en Chine

→ Après un premier semestre catastrophique en Chine, les ventes d’œuvres d’art s’accélèrent considérablement au deuxième semestre, pour finir sur un résultat en progression par rapport à 2019 (+2%).

Zhu Dunru - Running and Cursive Script Calligraphy

Running and Cursive Script Calligraphy
22,9m$ – 1er décembre 2020 – China Guardian Pékin

Les maisons de ventes en Occident : Sotheby’s en tête

Les maisons de ventes en Occident : Sotheby’s en têteAprès plusieurs semaines d’incertitude et d’ajustements, les majors Sotheby’s, Christie’s et Phillips réactivent une offre prestigieuse au début de l’été 2020. Le 29 juin, la vente d’un triptyque de Francis Bacon par Sotheby’s pour 84,5m$ relance la confiance.
Au terme de l’année, Sotheby’s conserve son avantage sur le marché américain. Elle s’impose également sur les marchés britannique et italien. Numéro 1 en France, Christie’s compte, avec Sotheby’s et Artcurial, parmi les seules sociétés de ventes offrant des niveaux d’adjudications supérieurs à 5m$ en France. Ensemble, les trois maisons représentent presque les deux tiers du chiffre d’affaires du pays (61%).
À l’échelle du marché occidental, Sotheby’s et Christie’s représentent environ 60% du produit de ventes d’œuvres d’art (3,7Mrd$).

Évolution du produit de ventes en Occident

Évolution du produit de ventes en Occident

→ La crise sanitaire a un fort impact sur le résultat occidental (-30%) malgré un nombre stable de lots vendus (468.000) par rapport à 2019. Le marché américain affiche les plus lourdes pertes. Son résultat annuel est amputé de 1,8Mrd$, le nombre d’œuvres à plus de 10 millions de dollars étant quasiment réduit de moitié à New York (30 contre 58 en 2019). Le Royaume-Uni perd 653 millions, suite à la contraction de son marché haut de gamme également.

Découpage de l’année : S1 et S2

Le premier confinement bouleverse l’écosystème d’un Marché de l’Art qui dépend de la circulation des publics, des œuvres et des collectionneurs. Cette rupture brutale crée un fossé dans le découpage des résultats annuels.

Au cours du premier semestre, la paralysie (reports et annulations) des ventes aux enchères engendre des pertes colossales, de l’ordre de -60% du produit de ventes en Occident et de -91% en Chine (S1 2020 vs S1 2019), mais un sursaut de la demande se fait vite ressentir. Fin juin déjà, Sotheby’s génère 231m$ lors de sa vente d’Art Contemporain, puis 194m$ pour De Rembrandt à Richter, fin juillet. Le 7 juillet, le résultat de la vente ONE: A Global Sale of the 20th Century de Christie’s flirte avec les 300m$. À Hong Kong (Chine), le mois de juillet est le plus dynamique de l’année. Pendant ces temps forts, Francis BACON (Inspired by the Oresteia of Aeschylus, 84,5m$, Sotheby’s), Roy LICHTENSTEIN (Nude with Joyous Painting, 46,2m$, Christie’s) et SAN Yu (Quatre Nus, 33,3m$, Sotheby’s Hong Kong (Chine)) obtiennent, chacun, leur troisième meilleur résultat de ventes.

Évolution mensuelle en Occident (2020)

Évolution mensuelle en Occident (2020)

→ Les sessions d’automne et d’hiver sont décisives. Fort heureusement, les sociétés de ventes sont mieux armées et les acheteurs à nouveau mobilisés pour remporter de nouvelles victoires. Par exemple, le 6 octobre, à New York, Christie’s réalise la meilleure session de l’année (20th Century, 309m$). En décembre, le succès de ses ventes d’Art Moderne et Contemporain de Hong Kong (Chine) permettent un nouveau record pour “Christie’s Asia” (224,7m$). Le dynamisme du marché se manifeste jusqu’aux derniers jours de l’année et cet élan propulse les résultats au-delà des performances obtenues en 2019 (S2), avec une hausse de +7% du résultat occidental et, surtout, de +71% côté chinois.

Évolution mensuelle à Hong Kong (Chine) (2020)

Évolution mensuelle à Hong Kong (2020)

Artprice : Le second semestre enregistre à lui seul 96% du produit des ventes de l’année 2020 en Chine. Comment les maisons de ventes chinoises ont-elles réussi à concentrer les activités de presque toute une année sur six mois seulement ?

Gong Jisui – Consultant d’Art Market Monitor d’Artron (AMMA) : Chaque saison de ventes se prépare longtemps à l’avance. Les maisons de ventes ont complètement cessé leurs ventes au premier semestre, mais elles se sont préparées aux enchères du second semestre.
Ainsi, la quasi-totalité des lots prévus l’année entière ont été vendus au cours du second semestre 2020. Le marché de l’art chinois fonctionnant depuis longtemps, le nombre de lots et le chiffre d’affaires ont fait preuve d’inertie. Cela reflète la liquidité du marché de l’art chinois. Cela montre aussi que les maisons de ventes ont fait de gros efforts pour mobiliser toutes leurs ressources disponibles au second semestre. La pression a été plus forte que jamais. La charge de travail, comme leurs relations avec les clients, ont été soumises à des conditions bien plus stressantes que d’ordinaire.

Évolution mensuelle à New York (CA 2020)

Évolution mensuelle à New-York (CA 2020)

Évolution mensuelle à Paris (CA 2020)

Évolution mensuelle à Paris (CA 2020)