Les œuvres les mieux adaptées au distanciel (catégories, périodes, prix)
Les ventes à distance sont adoptées par des collectionneurs aux profils divers et conviennent à toutes les catégories. Certaines se prêtent néanmoins davantage à ce mode d’achat.
Typologie des œuvres vendues
Les restrictions imposées par la crise sanitaire génèrent de nouvelles contraintes et impactent la typologie des œuvres vendues. Les acheteurs privilégient des lots engendrant un minimum de risques financiers, peu de frais logistiques (transport, assurance), et à l’abri d’une “mauvaise surprise” à réception du fait de leur conformité avec l’image du catalogue. Répondant parfaitement à ces critères, l’estampe et la photographie sont les seules catégories dont le volume de transactions progresse en 2020 (+2%). Portée par des éditions contemporaines très en vogue, typiques de “l’achat-plaisir”, l’estampe sort grande gagnante avec plus de 111.000 lots vendus au cours de l’année, ce qui constitue un record absolu de transactions dans l’histoire des enchères. Pour la première fois, le marché de l’estampe tient une place aussi importante que le dessin (23% des transactions) sur le marché mondial.
Les sculptures, en revanche, sont délaissées (-8% de transactions), notamment celles de grande envergure qui impliquent une logistique lourde et le besoin plus manifeste d’en faire le tour avant acquisition. On note quelques ventes importantes, dont le grand mobile Mariposa (1951) de CALDER (18,2m$, Sotheby’s, le 8 décembre), mais la sculpture demeure la catégorie la plus impactée par la crise, avec un résultat (726m$) en recul de presque -40%.
Distribution du produit de ventes par catégorie
→ Chaque grande catégorie de création conserve globalement sa part de marché, mais les résultats sont en forte baisse pour la sculpture (-38%), la peinture (-30%) et le dessin (-25%). La faute au manque de chefs-d’œuvre: le nombre de lots millionnaires chute de -31%.
Distribution du produit de ventes par période
→ Les parts de l’Art Moderne, d’Après-Guerre et Contemporain sont parfaitement stables. Seuls progressent les Maîtres Anciens, grande valeur refuge en 2020.
Périodes et styles les plus recherchés
Alors que les transactions baissent de -7% sur le marché global, PICASSO, artiste le plus vendu au monde, génère près de 245m$ avec 3.400 lots vendus en 2020. Le mythe Picasso se confirme. Par ailleurs, l’art ancien joue son rôle de valeur refuge pendant toute la crise sanitaire (+7% de lots vendus), tandis que l’art contemporain gagne de nouveaux adeptes au moment du confinement (+3%). Ces deux périodes de création sont donc les plus prisées de l’année, au point d’obtenir un nombre record de transactions.
Art ancien
Les œuvres de Maîtres Anciens génèrent des prix exceptionnels sur toutes les places de marché: 5,2m$ pour Georges DE LA TOUR à Cologne (Lempertz), près de 17m$ pour Giovanni Battista TIEPOLO à New York (Sotheby’s), 18,8m$ pour REMBRANDT à Londres (Sotheby’s), 39,5m$ pour REN Renfa à Hong Kong (Chine) (Sotheby’s), et jusqu’à 76,6m$ pour WU Bin à Pékin (Poly International).
Riche en art historique et constamment alimenté par de nouvelles découvertes, le marché français mobilise les acheteurs internationaux. À Paris, des collectionneurs chinois acquièrent cher La Belle Strasbourgeoise du portraitiste Nicolas DE LARGILLIERE (1,8m$, Christie’s) et La Madeleine pénitente d’Andrea SALAI, “favori” de Léonard de Vinci (1,6m$, Artcurial). Des records fleurissent également en province, où les chefs-d’œuvre ne manquent pas. Depuis Bordeaux, la société Briscadieu attire divers collectionneurs européens pour une toile d’Alexandre-François DESPORTES (2,4m$), dont elle obtient 10 fois l’estimation haute, éclipsant un précédent record de l’artiste à New York (850.000$, Sotheby’s, 1995). Les chefs-d’œuvre dispersés sur le territoire français obtiennent donc de très bons résultats, y compris en dehors de Paris.
Distribution des Maîtres Anciens par pays (2020)
Top 10 œuvres pour les Maîtres anciens (2020)
En Art d’Après-Guerre et Contemporain, le marché affiche clairement ses “tendances”, avec de nettes préférences pour le Street art, les grands abstraits et la peinture figurative.
Peinture figurative
Le marché haut de gamme se maintient pour une peinture figurative vive, joyeuse et audacieuse. En témoignent la troisième meilleure adjudication de Roy Lichtenstein et de David Hockney, les nouveaux records de William COPLEY, George CONDO et Nicolas PARTY et la demande exacerbée pour MAGRITTE (record de transactions et taux d’invendus au plus bas).
Un artiste se distingue plus que tout autre: le franco-chinois SAN Yu, deuxième artiste le plus performant cette année après Pablo Picasso. San Yu ne renouvelle pas son record d’adjudication, mais réveille les ventes de Hong Kong (Chine) avec Quatre nus, cédée 33,3m$ (Sotheby’s), soit 31,2m$ de plus qu’en 2005 (Christie’s Hong Kong (Chine)), Goldfish (21,9m$), dont le prix est multiplié par 88 depuis sa première vente en 1997 (Sotheby’s Taiwan) et les Chrysanthèmes roses, vendue 17,8m$ contre 420.000$ en 2005 (Christie’s Hong Kong (Chine)). Cette toile de 90 cm surpasse d’ailleurs de 5m$ un triptyque de 4 m signé Zao Wou-Ki, présenté à la même vacation (15/01/82, 12,2m$).
La demande est aussi très intense pour la peinture figurative du 21e siècle, surtout lorsque celle-ci aborde les thèmes des identités raciales et sexuelles, de genre et de queerness notamment (voir “Les révélations de l’année”).
Street art
Kaws, Shepard Fairey et Banksy sont toujours dans le top 10 des artistes les plus vendus en Occident et leur succès s’amplifie avec l’arrivée de nouveaux acheteurs online. En ces temps de contraction du marché, l’accélération des ventes de BANKSY est impressionnante (près de 900 lots vendus, un record). Son marché haut de gamme se porte lui aussi à merveille avec sept résultats millionnaires en 2020, dont un au seuil des 10 millions (Show me the monet, Sotheby’s Londres, 21 octobre). Banksy s’impose comme le 20e artiste le plus performant au monde (63,5m$ de CA contre 28m$ en 2019), devant Miro et Giacometti. Les produits de ventes inégalés de Shepard FAIREY et Shepard FAIREY, ainsi que l’arrivée fracassante de MR DOODLE sur le marché nippon, confirment le succès grandissant du Street art.
Abstraction
Côté abstrait, les valeurs historiques du 20e siècle sont toujours privilégiées: Rothko, Newman et Twombly remportent tous des résultats supérieurs à 30 millions. Joan MITCHELL obtient sa deuxième meilleure adjudication, 14,5m$, pour La Grande Vallée VII (1983), un diptyque dont la valeur a été multipliée par 44 depuis 1989 (330.000$). ZAO Wou-Ki (troisième artiste mondial avec un résultat de 158m$), RICHTER (12e mondial) et CHU Teh-Chun réalisent d’excellentes performances. Fait intéressant: Chu Teh-Chun enregistre un record au seuil des 15 millions à Hong Kong (Chine), dépassant le premier maître abstrait français de sa génération qu’est Pierre Soulages. D’autres artistes sont en passe de prendre une nouvelle place, dont Georges MATHIEU, remis au goût du jour par les galeries Perrotin et Nahmad. Son monumental Souvenir de la maison d’Autriche, vendu à Hong Kong (Chine) début décembre, s’emporte au prix record de 2,2m$ (Christie’s).
Gamme de prix
Du collectionneur boulimique au primo-acquéreur récemment conquis par les ventes en ligne, l’achat-plaisir domine les enchères cette année. Plus de 80% du volume de transactions reposent sur des œuvres acquises moins de 5.000$. Cette part de marché attractive et sans risque est la seule à progresser, de +3 points.
La structure du marché “intermédiaire” se maintient par ailleurs, avec 96% des échanges n’excédant pas 50.000$. Le marché haut de gamme est le seul à avoir véritablement souffert: le nombre d’œuvres millionnaires décline de -31% malgré une reprise du secteur fin juin après quatre mois en suspens. Finalement, quelque 1.149 œuvres sont millionnaires en 2020, deux fois plus que lors de la précédente crise de 2009.
Plusieurs indicateurs témoignent de la résistance et de l’énergie du marché, citons notamment la stabilité du nombre de nouveaux records et des lots vendus au-dessus des estimations. En règle générale, les prix de l’art ne sont pas remis en question.