Le Marché de l’Art renoue avec une forte croissance en Occident

Le produit des ventes aux enchères de Fine Art progresse de +8,8 % au S1 2022, malgré une nouvelle vague de Covid-19 en Chine. Artprice fait état d’un nombre de transactions record dans le monde et relève un enthousiasme grandissant pour les artistes de la seconde moitié du 20ème et du début du 21ème siècle, dont les prix se montrent très volatils.

Quatre indicateurs de la santé des ventes aux enchères de Fine Art dans le monde au S1 2022

Quatre indicateurs de la santé des ventes aux enchères de Fine Art dans le monde au S1 2022

 

thierry Ehrmann, Président et Fondateur d’Artmarket.com : « L’étude complète des résultats de ventes aux enchères publiques révèle une compétition croissante entre New York, Londres et Hong Kong, susceptible de faire très rapidement grimper la cote de jeunes artistes jusqu’à atteindre des niveaux de prix habituellement réservés aux grands maîtres. À l’occasion des foires Frieze London et Paris+ par Art Basel, Artprice publiera un rapport exclusif dédié à l’Art « Ultra Contemporain » : une dynamique qui se développe autour des artistes de moins de 40 ans, tels que Matthew Wong, Avery Singer ou Refik Anadol ».

 

L’analyse du Marché de l’Art présentée dans ce Bilan du S1 2022 est réalisée sur la base des résultats de ventes aux enchères publiques de Fine Art enregistrés par Artprice et concerne uniquement les peintures, sculptures, dessins, photographies, estampes, vidéos, installations, tapisseries ainsi que les NFT, à l’exclusion des antiquités, des biens culturels anonymes et du mobilier. Tous les prix indiqués dans ce document se rapportent aux résultats de ventes aux enchères publiques, frais acheteurs inclus. Et toute mention $ fait référence au dollar américain.

 

LES CHIFFRES CLÉS DU S1 2022

  • Le produit des ventes aux enchères mondial de Fine Art atteint 7,49 Mrd$
  • Il s’agit du 5ème exercice (S1) le plus faste du Marché de l’Art
  • Une augmentation de +8,8 % par rapport au S1 2021
  • Un record absolu de 326 000 lots vendus en six mois, contre 313 400 au S1 2021
  • Christie’s enregistre la 2ème meilleure enchère de tous les temps à 195 m$
  • Le taux de lots invendus remonte à 31 %, contre 27 % au S1 2021
  • New York, 3,27 Mrd$, est sans conteste la 1ère place de marché au monde
  • Londres, 1,43 Mrd$, et Hong Kong, 610 m$, complètent le podium
  • Paris, 518 m$, attire toujours plus d’institutions internationales
  • Christie’s et Sotheby’s concentrent 38 % du produit des ventes mondial
  • La Collection Macklowe devient la plus chère du monde, totalisant 922 m$
  • 180 NFT ont été vendus aux enchères en six mois pour 8,5 m$

 

ORGANISATION ET STRUCTURE DU MARCHÉ DE L’ART

Alors que la crise sanitaire s’amenuise dans le monde, les ventes aux enchères de Fine Art retrouvent un taux de lots invendus à 31 %, soit près d’une œuvre sur trois mises en vente. Ce niveau correspond à une moyenne stable sur les vingt dernières années, avec des fluctuations entre 36 % en 2009 et 27 % en 2021. La différence entre les deux dernières crises est notable selon cet indicateur : tandis qu’en 2009, la crise économique avait obligé les collectionneurs à prendre moins de risques financiers, la crise sanitaire de 2021 a poussé les acheteurs vers un nouveau canal de vente, entièrement dématérialisé.

Au premier semestre 2022, la situation trouve un nouvel équilibre grâce à la coexistence de deux canaux de ventes différents et complémentaires (l’un physique, l’autre digital), qui multiplient les échanges et permettent d’atteindre le nombre historique de 326 000 lots Fine Art vendus aux enchères en six mois. Le S1 2022 connaît ainsi une intensité inégalée, et ce en dépit du report de nombreuses ventes aux enchères en Chine (-53 % du produit des ventes) causé par une vague de Covid-19 supplémentaire.

Distribution géographique du produit de ventes Fine Art aux enchères au S1 2022

Distribution géographique du produit de ventes Fine Art aux enchères au S1 2022

 

Les États-Unis +42 % et le Royaume-Uni +26 % portent la croissance. Les deux puissants marchés anglo-saxons pèsent à eux seuls exactement deux tiers du chiffre d’affaires Fine Art aux enchères cette année. La Chine ne participe pour sa part qu’à 12 % du produit des ventes mondial, un résultat qu’elle doit en bonne partie à la performance de Hong Kong. Celle-ci représente en ce début d’année 70 % de la valeur de toutes les œuvres adjugées en Chine (Chine continentale, Hong Kong, Macao et Taïwan inclus).

La France poursuit sa croissance (+14 %) et consolide sa 4ème place, en devançant l’Allemagne qui stagne (-5 %) après un exercice 2021 sensationnel. Outre la présence des géantes Christie’s et Sotheby’s, Paris peut compter sur les remarquables performances d’Artcurial (+42 %), d’Aguttes (+154 %), etc. La capitale française attire de plus en plus d’acteurs du Marché de l’Art international, comme en témoignent l’arrivée de David Zwirner et l’ouverture de nouveaux espaces pour les galeries Gagosian et Continua. Paris se réjouit de l’arrivée prochaine de Hauser & Wirth. Bonhams a, quant à elle, fait l’acquisition de la maison française Cornette de Saint-Cyr (opérant à Paris et Bruxelles). Enfin, la société Art Basel sera désormais l’organisatrice de la foire internationale d’automne organisée au Grand Palais, appelée Paris+, qui remplacera donc la FIAC.

Le Japon et la Suisse réalisent également un excellent début d’année, avec une augmentation de +74% et +145 % de leurs produits des ventes respectifs. Sans rivaliser directement avec Hong Kong (qui pèse encore sept fois plus lourd), Tokyo se positionne sur le continent asiatique comme une plaque tournante pour les artistes contemporains majeurs, parmi lesquels Andy Warhol, Yoshitomo Nara, Yayoi Kusama, mais aussi de jeunes talents comme Mr Doodle ou Ayako Rokkaku (née en 1982), dont les ventes aux enchères dépassent déjà les 18,6 m$ cette année. De son côté, la Suisse continue de se forger une place sur le marché Post-Impressionniste et Moderne, avec des ventes d’oeuvres importantes signées Ferdinand Hodler, Alberto Giacometti ou Marc Chagall.

Ferdinand HODLERDer Brienzersee von Breitlauenen aus (1906) ; vendu 2 875 000 CHF (~3 m$) le 17 juin 2022 par Galerie Kornfeld à Berne

Ferdinand Hodler, Der Brienzersee von Breitlauenen aus (1906)

 

TENDANCES : LES NFT ET L’ART ULTRA CONTEMPORAIN

Propulsés sur le devant de la scène en mars 2021 avec une première vente aux enchères publiques à 69,4 m$, les NFT (Non-Fungible Token) ont créé une sorte de révolution sur le Marché de l’Art, avec un nouveau type d’oeuvres, de nouveaux collectionneurs, une nouvelle monnaie, etc.

Sur les 277 NFT mis en vente aux enchères au S1 2022, 65 % ont été vendus pour un prix moyen de 47 000 $. Cette situation est très différente du S2 2021, au cours duquel 225 NFT avaient été proposés à la vente, mais avec un taux de conversion de 86 % et un prix moyen de 520 000 $. L’œuvre Human One (2021) de Beeple avait frôlé les 29 m$ en novembre dernier chez Christie’s, tandis que la meilleure vente NFT de ce début d’année plafonne à 1,38 m$ pour Living Architecture: Casa Batlló (2022) de Refik Anadol.

Les 104 CryptoPunks que Sotheby’s avait annoncés en février 2022 ont finalement été retirés de la vente, à la veille de celle-ci. Le retrait d’un tel lot, estimé entre 20 et 30 m$, souligne combien les acteurs du marché des NFT restent quelque peu dubitatifs par rapport au travail fourni par les intermédiaires traditionnels, dont les frais de transaction s’élèvent en moyenne à 20 %, (sans commune mesure avec ceux prélevés par les plateformes NFT, de l’ordre de 2 % à 3 %) et régis par un agenda beaucoup moins flexible. Les grandes Maisons de Ventes poursuivent néanmoins leurs efforts pour prendre part à ce marché naissant, bien qu’elles ne vendent plus que très rarement des collections NFT importantes (BAYC, WoW, etc.). De tels projets semblent, pour l’heure, ne plus avoir tellement besoin des efforts marketing ou de la légitimité des maisons de ventes réglementées.

À l’inverse, la volatilité des crypto-monnaies a renforcé la méfiance des collectionneurs traditionnels vis-à-vis de ce marché disruptif. Cette accalmie heureusement va laisser le temps à bon nombre d’artistes, de marchands, de collectionneurs et d’institutions, à commencer par les musées, de s’intéresser aux œuvres digitales et considérer acquérir des NFT sans subir la pression d’une pluie de ventes records et une sur-médiatisation.

Nos communiqués NFT 

Le phénomène NFT procède, de toute évidence, du même engouement que celui qu’Artprice relève pour les jeunes artistes, dont certains enregistrent des ventes multimillionnaires avant même d’avoir eu l’occasion d’exposer dans un grand musée ou de jouir d’une monographie. Les récents records, pour des artistes de moins de 40 ans aux enchères publiques (dont les œuvres toutes fraîches encore s’échangent déjà sur le second marché), seront analysés par le prochain Rapport Artprice de l’Art Ultra Contemporain, publié en octobre 2022. L’occasion de souligner, en particulier, l’influence croissante des jeunes peintres femmes.

Top 10 records personnels pour des artistes vivants de moins de 40 ans aux enchères au S1 2022
©artprice.com

  1. Avery Singer (1987) : 5 253 000 $
  2. Christina Quarles (1985) : 4 527 000 $
  3. Jennifer Packer (1984) : 2 349 000 $
  4. María Berrio (1982) : 1 562 500 $
  5. Robbie Barrat (1999) : 841 317 $
  6. Robert Nava (1985) : 639 401 $
  7. Issy Wood (1993) : 588 042 $
  8. Lauren Quin (1992) : 588 042 $
  9. Louis Fratino (1993) : 365 400 $
  10. Jordy Kerwick (1982) : 277 200 $

 

CINQ RÉSULTATS EXCEPTIONNELS AU S1 2022

Shot sage blue Marilyn (1964) d’Andy WARHOL a récolté la deuxième meilleure enchère de tous les temps. Pour la première fois depuis le Salvator Mundi de Léonard de Vinci en novembre 2017 (soit il y a quatre ans et demi), le marché ultra haut de gamme est de retour avec un résultat qui questionne à nouveau la notion de chef-d’œuvre absolu et de sa valeur. Cette vente de charité, qui était garantie par Christie’s, s’est conclue par une enchère à 195 m$ (frais inclus) faite par Larry Gagosian lui-même, le puissant galeriste qui avait déjà vendu cette toile à Thomas Ammann au début des années 1980.

La Maison de Ventes française Artcurial a, pour sa part, eu l’honneur de présenter une nature morte exceptionnelle de Jean-Baptiste Chardin, Le panier de fraises des bois, peinte en 1761 et exposée la même année au Grand Salon de Paris. S’il s’agit du premier passage de ce tableau en salle de ventes, l’expert Eric Turquin insiste sur l’immense importance de cette œuvre dans l’histoire de l’art. Une importance dont attestent, au verso, les étiquettes des prestigieuses expositions auxquelles elle aura participé à travers le monde. Estimé entre 13 et 16 m$, ce chef-d’œuvre de Jean-Baptiste Chardin, plein de douceur et de magie, a finalement été cédé pour 26,8 m$.

Jean-Baptiste CHARDIN, Le panier de fraises des bois (c. 1761) ; vendu 26,8 m$ le 23 mars 2022 par Artcurial a Paris

Jean-Baptiste Chardin, Le panier de fraises des bois (c. 1761)

 

La sensation de l’année a sans doute été créée par la vente de la toile The Sugar Shack (1976) d’Ernie Barnes. Né en 1938 et disparu en 2009, le peintre afro-américain a enregistré un nouveau prix record l’an dernier de 550 000 $. Mais la toile The Sugar Shack (1976), estimée entre 150 000 $ et 200 000 $ par Christie’s a finalement été vendue 15 275 000 $ le 12 mai dernier à New York, soit plus de 100 fois l’estimation basse. Au cours des jours et semaines qui ont suivi, six autres toiles importantes d’Ernie Barnes ont été présentées chez Christie’s et chez Bonhmas, où elles ont toutes été vendues bien au-delà de leurs estimations.

L’an dernier, l’artiste japonaise Yayoi Kusama devenait la première artiste femme à entrer dans le Top 10 des artistes calculé par Artprice (toutes périodes de création confondues). Elle signait ainsi la troisième meilleure performance de l’année pour un artiste vivant, derrière Gerhard Richter et Banksy. Yayoi Kusama répète cette performance, grâce à 208 lots vendus dans le monde cette année pour plus de 115 m$. Elle enregistre au passage un nouveau record mondial à 10,5 m$, grâce à la vente de Untitled (Nets) (1959), chez Phillips le 18 mai 2022.

Matthew Wong aurait 38 ans s’il n’avait pas mis fin à ses jours en 2019. Depuis sa disparition, ses toiles connaissent un succès étourdissant en salle des ventes. The Night Watcher (2018) a été acquise pour 5,9 m$ le 19 mai 2022 chez Christie’s à New York. Matthew Wong se classe 52ème dans le classement des artistes par produit des ventes aux enchères au S1 2022 (toutes périodes de création confondues). Un succès qui n’est pas complètement sans faire penser à celui de Basquiat, sans que l’on reconnaisse encore sa place dans l’Histoire de l’Art.

Produit de ventes semestriel de l’Art Contemporain (artistes nés après 1945)

Produit de ventes semestriel de l’Art Contemporain (artistes nés après 1945)

 

Les informations et les études économétriques d’Artmarket.com constituent uniquement une analyse et des statistiques du Marché de l’Art et ne peuvent en aucun cas être considérées comme un conseil, une incitation ou une sollicitation pour investir dans le Marché de l’Art.

 

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