La demande s’intensifie pour l’Art Contemporain

Editorial

Avec la collaboration de son partenaire étatique chinois AMMA (Art Market Monitor of Artron), Artprice a recensé 262 300 lots Fine Art (+0,1%) vendus aux enchères publiques dans le monde sur le premier semestre 2019. L’ensemble de ces transactions a totalisé un chiffre d’affaires de 6,98 milliards $, enregistrant une diminution de -17,4% par rapport au S1 2018.

L’indice des prix calculé par Artprice sur base de la méthode des ventes répétées affiche cependant une augmentation de +5%. A l’heure des taux bancaires négatifs ou proches de zéro, les rendements des oeuvres d’art devraient favoriser l’expansion du Marché.

Il se crée un déséquilibre entre l’offre et la demande sur le Marché de l’Art”, explique thierry Ehrmann, Fondateur et Président d’Artprice.

Les résultats montrent que la demande ne désemplit pas pour les oeuvres de qualité muséale, mais l’offre ne parvient plus à suivre le rythme en salles de ventes. Le Marché de l’Art tel qu’il s’est développé depuis 1975 a visiblement atteint ses limites structurelles : les maisons de ventes peinent à maintenir leurs marges opérationnelles mais aussi à convaincre les collectionneurs de vendre leurs meilleures pièces. Elles ne cessent d’augmenter leurs frais acheteurs et, au même moment, mettent en place des systèmes pour rassurer les vendeurs. Les garanties permettent d’encourager certaines ventes mais ce mécanisme ne peut être une solution globale. Il est temps que le Marché de l’Art entre dans une nouvelle ère numérique”.

Le rachat de la société Sotheby’s ainsi que la mutation d’Artprice.com en Artmarket.com (nouvelle dénomination sociale soumise à l’AGE) sont deux changements qui annoncent l’entrée du Marché de l’Art dans l’ère de l’Internet.

Chiffres clés

S1 2019 S1 2018 Variance (%)
Produit de ventes 6 980 144 500 $ 8 445 850 000 $ -17,4%
Meilleur résultat 110 747 000 $ 157 159 000 $ -29,5%
Prix moyen 26 600 $ 32 200 $ -17,4%
Prix médian 970 $ 1 030 $ -5,8%
Sessions de ventes 3 500 3 800 -7,9%
Lots vendus 262 300 262 100 0,1%
Taux d’invendus 40 % 39 % 1,6%
© AMMA & Artprice.com
  • Les USA (-20%), la Chine (-12%) et l’Angleterre (-25%) ralentissent
  • Le nombre de lots vendus entre 10 m$ et 100 m$ est en chute de -41%
  • L’Art Moderne (-21%) et l’Art Ancien (-38%) en manque de belles pièces
  • Claude Monet domine le S1 2019 : 23 oeuvres vendues pour 251m$
  • Les prix de l’Art Contemporain affichent une hausse de +40%
  • Record absolu pour un artiste vivant : Rabbit (1986) de Jeff Koons atteint 91 m$
  • Le rendement annuel moyen atteint +4,6%, pour une durée moyenne de 13 ans
  • L’Artprice100© enregistre une croissance de +16% sur le S1 2019

 

Wassily Kandinsky - Vertiefte Regung (1928)

Wassily Kandinsky – Vertiefte Regung (1928)

5 682 500 $ – 5 mai 2010, Sotheby’s New York
6 410 000 $ – 5 novembre 2015, Sotheby’s New York
8 072 000 $ – 28 février 2019, Sotheby’s Londres

L’offre diminue et fait grimper les prix

Les résultats du premier semestre 2019 révèlent une situation paradoxale : les volumes de ventes ont diminué de -17,4% alors que l’indice global des prix a grimpé de +5%. La valeur des oeuvres tend donc à augmenter pendant que le Marché se contracte. Le ralentissement du produit des ventes ne peut cependant pas être attribué à une simple diminution du nombre de transactions, qui reste parfaitement stable. Reste donc la nature des oeuvres elles-mêmes.

Le premier semestre 2018 a été porté par la vente de la collection Rockefeller, dont la grande session du soir a généré 646 m$ pour seulement 44 lots vendus. A titre de comparaison, la plus belle vente du S1 2019 – la session d’Art Contemporain et d’Après-Guerre de Christie’s du 15 mai 2019 à New York – a généré 539 m$ pour 51 lots vendus.

Tout au long du S1 2019, les chefs-d’oeuvre de l’Art Moderne – coeur du marché haut de gamme – ont clairement manqué en salles de ventes. Encouragée par une situation économique forte ainsi que des taux bancaires négatifs ou proches de zéro, la demande pour ces oeuvres continue de croître, tandis que l’offre ralentit. Certains collectionneurs préfèrent sans doute ne pas clôturer trop vite des investissements compétitifs, mais attendre avant de se séparer de ces oeuvres dont les prix continuent de progresser. D’autant plus que les frais de transactions restent particulièrement élevés en salle de ventes, comme en galerie.

Evolution semestrielle du produit des ventes aux enchères

Evolution semestrielle du produit des ventes aux enchères

Les oeuvres capables de dépasser les 100 m$ forment un segment du Marché de l’Art crucial, mais fragile cependant en raison du très faible nombre de transactions. Au S1 2018, deux oeuvres avaient dépassé ce seuil, Fillette à la corbeille fleurie (1905) de Pablo Picasso et Nu couché (sur le côté gauche) (1917) d’Amedeo Modigliani. La première faisait partie de la mythique collection Rockefeller dont la dispersion était considérée comme “la vente du siècle”. La seconde a été emportée par une enchère unique, qui garantissait la vente.

Au S1 2019, seul le tableau Meules (1890) de Claude Monet a dépassé les 100 m$, un nouveau record attendu, compte tenu de l’évolution des prix enregistrés pour cet artiste. Mais la prise de valeur de Meules (1890) n’en demeure pas moins remarquable sur le long-terme : la toile affiche un rendement annuel moyen de +12% depuis son dernier passage en vente publique en 1986, chez Christie’s à New York. Le prix de cette oeuvre est ainsi passé de 2,5 m$ à 110,7 m$ sur les 33 dernières années.

La vente de gré à gré – deux jours avant sa vente aux enchères à Toulouse – du tableau Judith et Holopherne attribué au Caravage, estimé entre 100 m$ et 150 m$, montre à quel point ce marché tient à peu de chose. La France est la première perdante du retrait d’un lot aussi exceptionnel, 13 jours après la clôture des inscriptions des enchérisseurs.

Nombre de lots vendus par gamme de prix

S1 2019 S1 2018 Variance (%)
≥100m$ 1 2 -50 %
10m-100m$ 63 106 -41 %
5m-10m$ 100 122 -18 %
1m-5m$ 683 786 -13 %
500 000-1m$ 778 883 -12 %
100 000-500 000$ 4 896 5 369 -9 %
50 000-100 000$ 4 909 5 443 -10 %
5 000-50 000$ 44 203 47 609 -7 %
© Artprice.com

Les grandes maisons de ventes doivent désormais courtiser les vendeurs, ce qu’elles font notamment avec les garanties. Mais ces montages les forcent à prendre davantage de risques et à réduire leurs marges opérationnelles. Enfin, les garanties déforment l’équilibre entre l’offre et la demande.

A la foire Art Basel 2019, la journaliste de Bloomberg, Katya Kazakina, a relevé que la toile The Architect’s Home In the Ravine de Peter Doig était à nouveau mise en vente par Larry Gagosian pour 25 m$. L’oeuvre est pourtant passée cinq fois aux enchères en moins de 20 ans, comme l’a observé Artprice dans son dernier Rapport du Marché de l’Art Contemporain 2018, dont deux fois sur les trois dernières années, tirant les prix de Peter Doig vers le haut :

  • 474 800 $ – 26 juin 2002, Sotheby’s Londres
  • 3 624 000 $ – 15 mai 2007, Sotheby’s New York
  • 11 975 900 $ – 13 février 2013, Christie’s Londres
  • 16 346 100 $ -11 février 2016, Christie’s Londres
  • 19 958 600 $ – 7 mars 2018, Sotheby’s Londres

Bloomberg a révélé que l’investisseur Abdallah Chatila a garanti la vente de cette toile chez Sotheby’s, dont il a négocié les frais acheteurs à 1 m$. Il a remporté ce lot qu’il ne voulait pas conserver. Voilà pourquoi un an plus tard The Architect’s Home in the Ravine a été de nouveau mise en vente à Art Basel… Et sa valeur continue encore de grimper.

Cette anecdote souligne l’importance pour l’ensemble du Marché de l’Art des oeuvres dont le prix dépasse le million de dollars aux enchères. Elles constituent une reconnaissance pour les artistes, les galeries et les collectionneurs, ainsi que des transactions très lucratives pour les maisons de ventes.  Or, le nombre de lots vendus dans cette gamme de prix a subi la plus lourde baisse en ce début d’année.

Claude Monet - Meules (1890)

Claude Monet  – Meules (1890)

110 747 000 $ – 14 mai 2019, Sotheby’s New York
2 530 000 $ – 14 mai 1986, Christie’s New York

Claude Monet - Meule (1891)

Claude Monet  – Meule (1891)

81 447 500 $ – 16 novembre 2016,  Christie’s New York
11 992 500 $ – 11 mai 1999, Sotheby’s New York

 

 Les nouveaux “classiques” de l’Art Contemporain

L’Art Moderne, qui a abreuvé le marché haut de gamme tout au long des 20 dernières années, n’a pas encore brillé cette année. Il subit une baisse de -22% de son chiffre d’affaires. Pas de pièces majeures en effet pour Pablo Picasso, Amedeo Modigliani ou Alberto Giacometti en ce début d’année 2019… Chacun d’eux compte pourtant plusieurs adjudications supérieures à 100 m$ (frais acheteurs inclus), neuf au total à eux trois sur les 16 frappées à ce jour dans le monde. L’Art Moderne reste le premier segment du Marché de l’Art, sans créer la sensation au S1 2019.

Répartition du produit des ventes mondial par période de création

Répartition du produit des ventes mondial par période de création

En l’absence de chefs-d’oeuvre modernes, la demande s’est tournée vers d’autres signatures, d’autres mouvements et d’autres périodes de création. L’intérêt des collectionneurs s’est d’abord porté à Londres sur plusieurs grands noms du XIXème siècle.

Le premier semestre 2019 appartient sans conteste à Claude Monet. L’année avait mal commencé, puisque Saule pleureur et bassin aux nymphéas (1916-19), estimée à 60 m$, n’a pas trouvé preneur chez Christie’s le 27 février à Londres. Mais cet échec contribue à l’équilibre entre l’offre et la demande, car sur les 27 oeuvres de Monet mises en vente sur le premier semestre 2019, plus de 85% ont été vendues. Ces ventes totalisent 251 m$ et font de Claude Monet l’artiste le plus performant du S1 2019, devant Pablo Picasso et Zao Wou-Ki.

Plus surprenants sont les nouveaux records enregistrés pour le post-impressionnisme. Ceux de Paul Signac, Gustave Caillebotte et Pierre Bonnard montrent que les plus belles toiles de cette période sont aujourd’hui encore très recherchées. De son côté, Paul Cézanne réalise une performance en salle de ventes qu’il n’a plus connu depuis 20 ans, enregistrant la deuxième plus belle enchère de son histoire à 59,3 m$. La valeur de Bouilloire et fruits (c. 1888-90) a doublé depuis son dernier passage en salle de ventes en 1999.

Top 10 records artistes aux enchères au S1 2019

Artiste Œuvre Prix Vente
1 Claude MONET (1840-1926) Meules (1890) 110 747 000 $ 14 mai, Sotheby’s New York
2 Jeff KOONS (1955-) Rabbit (1986) 91 075 000 $ 15 mai, Christie’s New York
3 Robert RAUSCHENBERG (1925-2008) Buffalo II (1964) 88 805 000 $ 15 mai, Christie’s New York
4 Louise BOURGEOIS (1911-2010) Spider (1997) 32 055 000 $ 15 mai, Christie’s New York
5 Frank STELLA (1936-) Point of Pines (1959) 28 082 500 $ 15 mai, Christie’s New York
6 Paul SIGNAC (1863-1935) Le Port au soleil couchant (1892) 25 934 200 $ 27 fév., Christie’s Londres
7 Gustave CAILLEBOTTE (1848-1894) Chemin montant (1881) 22 160 700 $ 27 fév., Christie’s Londres
8 Pierre BONNARD (1867-1947) Une terrasse à Grasse (1912) 19 570 000 $ 13 mai, Christie’s New York
9 BALTHUS (1908-2001) Thérèse sur une banquette (1939) 19 002 500 $ 13 mai, Christie’s New York
10 KAWS (1974-) The Kaws Album (2005) 14 772 700 $ 1 avr., Sotheby’s Hong Kong
© Artprice.com

 

En parallèle, le Marché s’est montré capable de produire de nouveaux “classiques” parmi les oeuvres les plus exceptionnelles de l’Art d’Après-Guerre et de l’Art Contemporain.

La vente de la sculpture Rabbit (1986) de Jeff Koons a fourni l’exemple le plus éclatant de cette capacité qu’ont aujourd’hui les maisons de ventes à élever certaines oeuvres d’art, réalisées durant la seconde moitié du XXème siècle, au rang de véritables chefs-d’oeuvre. Cette sculpture en acier inoxydable d’un mètre de haut, réalisée en trois exemplaires (plus une épreuve d’artiste), est la dernière de la série encore en circulation. La pièce numérotée 2/3, exposée par Christie’s dans une salle blanche immaculée, présentée comme “a chance to own the controversy”, est devenue l’oeuvre la plus chère au monde pour un artiste vivant, remportant la 20ème plus belle enchère de tous les temps pour une oeuvre d’art.

Evolution du prix record aux enchères pour un artiste vivant

Evolution du prix record aux enchères pour un artiste vivant

En l’absence d’oeuvres majeures pour Jean-Michel Basquiat, Andy Warhol ou Jackson Pollock, le marché de l’art américain s’est enthousiasmé en ce début d’année 2019 pour plusieurs autres grands noms de son Histoire de l’Art. A commencer par Robert RAUSCHENBERG. Suite à sa disparition en 2008 et à la rétrospective que lui a consacrée le MoMA en 2017, le marché américain attendait avec impatience une pièce importante en salle de ventes. La toile Buffalo II (1964), une ode à l’Amérique des années Kennedy, a dépassé toutes les attentes ce 15 mai 2019 chez Christie’s, tout juste cinquante ans après le premier pas de l’homme sur la Lune.

Un nouveau record est également enregistré pour le peintre et poète Marsden HARTLEY, dont l’influence est essentielle sur la peinture américaine. Sa toile Abstraction (1912/13), passée aux enchères pour la troisième fois en 30 ans, affiche une progression de prix constante, qui en fait en pratique une valeur sûre sur le marché américain:

  • 1 155 000 $ – 3 décembre 1992, Sotheby’s New York
  • 2 205 750 $ – 30 novembre 2000,  Sotheby’s New York
  • 6 744 500 $ – 22 mai 2019, Christie’s New York

Aux Etats-Unis toujours, Louise Bourgeois enregistre la deuxième meilleure enchère de tous les temps pour une artiste femme : 32 m$ pour l’une de ses sculptures arachnéennes géantes, Spider (1997). Seule la toile Jimson Weed/White Flower No. 1 (1932) de Georgia O’Keeffe, vendue 44,4 m$ en novembre 2014, a fait mieux en salle de ventes.

L’abstraction américaine continue de briller du côté des artistes femmes. Après des records en mai 2018 pour Joan Mitchell (16,6 m$) et Helen Frankenthaler (3 m$), c’est la compagne de Jackson Pollock, Lee KRASNER que le marché continue de redécouvrir avec une vente record à 11,7 m$ en ce début d’année pour sa toile The Eye Is the First Circle.

Top 10 records pour des artistes femmes aux enchères au S1 2019

Artiste Œuvre Prix Vente
1 Louise BOURGEOIS (1911-2010) Spider (1997) 32 055 000 $ 15 mai, Christie’s New York
2 Lee KRASNER (1908-1984) The Eye Is the First Circle 11 654 000 $ 16 mai, Sotheby’s New York
3 Yayoi KUSAMA (1929-) Interminable Net #4 (1959) 7 953 200 $ 01 avr., Sotheby’s Hong Kong
4 Elisabeth VIGÉE-LEBRUN (1755-1842) Muhammad Dervish Khan (1788) 7 185 900 $ 30 janv., Sotheby’s New York
5 Julie MEHRETU (1970-) Black Ground (Deep Light) (2006) 5 631 700 $ 1 avr., Sotheby’s Hong Kong
6 Carmen HERRERA (1915-) Blanco Y Verde (1966/67) 2 900 000 $ 1 mars, Sotheby’s New York
7 MI Qiaoming (1986-) Buddha In The Dream (2018) 1 773 500 $ 15 juin, Hanhai Pékin
8 Monir FARMANFARMAIAN (1924-2019) Untitled (2018) 1 082 900 $ 11 janv., Auction Téhéran
9 Angelica KAUFFMAN (1741-1807) Portrait of Three Children 915 000 $ 30 janv., Sotheby’s New York
10 LALAN (1921-1995) La lune est voilée (1974) 863 000 $ 31 mars, Sotheby’s Hong Kong
© Artprice.com

 

Les records pour les artistes femmes montrent une plus grande diversité que ceux des hommes : la moitié des dix plus beaux records du S1 2019 ont été enregistrés par des plasticiennes qui ne sont pas d’origine européenne ou américaine. C’est le cas de la peintre Julie Mehretu, qui vit et travaille aujourd’hui à New York, mais est née à Addis-Abeba en Ethiopie. Bien qu’elle n’ait encore jamais été exposée en Asie, elle enregistre déjà un fracassant record à Hong Kong, quelques mois avant sa première grande rétrospective, prévue pour l’été 2020 au Whitney Museum de New York.

 

Leng Jun - View of the world No. 3 (1995)

Leng Jun – View of the world No.3 (世纪风景之三 ) (1995)
© Leng Jun

6 330 000 $ – 3 juin 2019, China Guardian Pékin
4 054 000 $ – 22 décembre 2016, Poly Shanghai

Soft Power : le ralentissement général profite à Hong Kong

Le volume des ventes décline sur l’ensemble des grandes places de marché de la planète. Seule l’Allemagne garde le rythme, mais le pays ne pèse plus que 2% du chiffre d’affaires mondial. En revanche, la Chine, les Etats-Unis, l’Angleterre, la France et l’Italie font face à la même épreuve : maintenir l’intensité des transactions sur le marché haut de gamme.

Sotheby’s et Christie’s, qui sont présentes dans chacun de ces pays, n’ont pas encore décidé de recentrer leurs ventes dans certaines villes. Mais cela pourrait devenir nécessaire. En Occident, la domination de New York et de Londres pourrait ainsi s’accroître un peu plus au détriment de Paris et de Milan. Déjà, les Italian sales ont attiré une part importante du marché italien en Angleterre. L’accord sur le Brexit aura dans ce contexte une incidence certaine.

Répartition géographique des ventes aux enchères de Fine Art

S1 2019 S1 2018 Variance (%)
1 États-Unis 2 677 835 000 $ 3 346 268 000 $ -20 %
2 Chine 1 762 875 000 $ 1 997 226 000 $ -12 %
3 Royaume-Uni 1 408 229 000 $ 1 866 638 000 $ -25 %
4 France 329 649 000 $ 376 738 000 $ -12 %
5 Allemagne 131 567 000 $ 128 470 000 $ 2 %
6 Italie 108 473 000 $ 121 590 000 $ -11 %
7 Suisse 70 280 000 $ 76 974 000 $ -9 %
8 Japon 52 772 000 $ 68 668 000 $ -23 %
9 Autriche 49 983 000 $ 54 216 000 $ -8 %
10 Australie 32 264 000 $ 33 563 000 $ -4 %
11 Inde 29 845 000 $ 38 352 000 $ -22 %
12 Corée du Sud 29 842 000 $ 35 838 000 $ -17 %
13 Belgique 29 820 000 $ 38 757 000 $ -23 %
14 République Tchèque 29 145 000 $ 23 527 000 $ 24 %
15 Suède 28 072 000 $ 24 515 000 $ 15 %
© AMMA & Artprice.com

 

Avec +4% de croissance, la place de marché hongkongaise se consolide tandis que toutes ses concurrentes sont fragilisées. Hong Kong s’est montrée plus forte que jamais (du moins avant les tensions politiques survenues en juin), totalisant 700 m$ aux enchères sur le S1 2019. Elle est aujourd’hui la première plaque tournante d’oeuvres d’art en Asie, pesant jusqu’à 40% du marché de l’art chinois. Sa croissance repose essentiellement sur les ventes d’Art Contemporain, +56%, un secteur dans lequel Hong Kong est désormais en mesure de concurrencer Londres et New York, même pour les nouvelles stars du marché de l’art occidental.

Répartition géographique du produit des ventes du top 20 artistes au S1 2019

Artiste Produit de ventes New York Londres Pékin Hong Kong
1 Claude MONET (1840-1926) 251 165 100 $ 67 % 31 % 0 % 1 %
2 Pablo PICASSO (1881-1973) 243 085 600 $ 65 % 31 % 0 % 0 %
3 ZAO Wou-Ki (1921-2013) 155 827 800 $ 0,1% 0 % 7 % 76 %
4 Andy WARHOL (1928-1987) 148 977 700 $ 85 % 8 % 0 % 1 %
5 ZHANG Daqian (1899-1983) 110 686 700 $ 1 % 3 % 42 % 53 %
6 Jeff KOONS (1955-) 103 501 700 $ 93 % 6 % 0 % 0,1%
7 Paul CÉZANNE (1839-1906) 98 418 200 $ 71 % 29 % 0 % 0 %
8 WU Guanzhong (1919-2010) 95 895 200 $ 1 % 0 % 47 % 52 %
9 Francis BACON (1909-1992) 93 626 300 $ 69 % 30 % 0 % 0 %
10 Robert RAUSCHENBERG (1925-2008) 90 964 400 $ 99 % 0 % 0 % 0 %
11 David HOCKNEY (1937-) 88 956 700 $ 26 % 72 % 0 % 0 %
12 Roy LICHTENSTEIN (1923-1997) 85 324 300 $ 69 % 26 % 0 % 4 %
13 Amedeo MODIGLIANI (1884-1920) 85 051 900 $ 71 % 28 % 0,1% 0 %
14 Mark ROTHKO (1903-1970) 79 994 500 $ 100 % 0 % 0 % 0 %
15 René MAGRITTE (1898-1967) 76 110 700 $ 4 % 84 % 0 % 9 %
16 KAWS (1974-) 70 047 900 $ 30 % 11 % 0 % 54 %
17 Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) 65 796 000 $ 42 % 57 % 0 % 0,2%
18 Gerhard RICHTER (1932-) 63 301 200 $ 24 % 67 % 0 % 5 %
19 Yayoi KUSAMA (1929-) 60 714 600 $ 18 % 3 % 5 % 50 %
20 Marc CHAGALL (1887-1985) 56 071 000 $ 46 % 37 % 0,2% 0 %
© Artprice.com

 

C’est le cas cette année de l’artiste américain street art KAWS, mis en lumière par un coup de marteau spectaculaire à Hong Kong le 1er avril 2019 chez Sotheby’s : 14,8 m$ pour sa toile The Kaws Album (2005), soit 15 fois l’estimation haute. La cote de Kaws progresse de manière exponentielle depuis deux ans, depuis que son marché met en compétition les collectionneurs à la fois à New York, Londres et Hong Kong.

Le sculpteur anglais Tony Cragg enregistre lui-aussi un nouveau record peu attendu à Hong Kong. Sa pièce en inox Untitled (2008) a frôlé le million de dollars le 27 mai 2019 chez Holly International. Fondée en 1994 à Guangzhou, la maison de ventes chinoise a organisé au S1 2019 ses premières ventes à Hong Kong. Elle rejoint ainsi les prestigieuses maisons chinoises, Poly et China Guardian, ainsi que la coréenne Seoul Auction. Celle-ci a frappé sa plus belle enchère du premier semestre à Hong Kong justement, 7,2 m$ pour Le chant des sirènes (1953) du peintre surréaliste belge René MAGRITTE.

Simultanément, Hong Kong parvient à attirer le meilleur de la création artistique chinoise. Zao Wou-Ki y enregistre la plus belle vente pour tout le continent asiatique pour le S1 2019 ; Zhang Daqian y concentre 53% de son produit des ventes ; et beaucoup de nouveaux peintres contemporains chinois y sont aujourd’hui révélés. C’est le cas cette année de HAO Liang (1983) qui a désormais un nouveau record aux enchères à Hong Kong, le 1er avril 2019 chez Sotheby’s, avec la vente d’une encre sur papier de soie, intitulée An Anecdote from the Grove (2011), pour 1,9 m$.

Enfin, la force de la place de marché hongkongaise repose sur sa domination régionale, qui lui permet de rassembler les meilleures oeuvres de toute l’Asie. Le S1 2019 a notamment été marqué par la vente à 6,8 m$ d’Untitled (1971) du peintre abstrait coréen Whan-Ki KIM, le  26 mai 2019 chez Seoul Auction. Hong Kong enregistre également de nouveaux records importants pour les Japonais Yayoi KUSAMA, Yoshitomo NARA et la jeune Ayako ROKKAKU, respectivement 8 m$, 4,4 m$ et 151 300$.

La position de Hong Kong est aujourd’hui essentielle en Asie. Capable de proposer à la fois le meilleur de l’art chinois et de tout le reste de l’Asie, Hong Kong forme aussi un point d’entrée en Chine pour le marché de l’art occidental.

Ainsi, le nouveau prix record pour une oeuvre du plasticien allemand Anselm Kiefer, enregistré contre toute attente à Pékin, a été rendue possible par l’entremise de Hong Kong. Sa toile The fertile crescent (2009) a atteint 4 m$ dans la capitale chinoise ce 3 juin 2019. Seulement le lot devait être retiré à Hong Kong : le catalogue stipulant en effet que l’oeuvre ne pouvait être rapportée sur le continent chinois qu’en s’acquittant des frais de douanes (~25%).

 

Oeuvre collective / thierry Ehrmann, La Demeure du Chaos - Anselm Kiefer (2019)

Oeuvre collective / thierry Ehrmann, La Demeure du Chaos – Anselm Kiefer (2019)

Les performances de l’Art attirent les investisseurs

Sur la base de 1 850 oeuvres achetées aux enchères et revendues par le même canal au cours du 1er semestre 2019, Artprice observe un rendement annuel de +4,6% pour une durée de détention moyenne de 13 années. 51% des oeuvres enregistrent une plus-value, contre 48% qui voient leur valeur diminuer (1% ne changeant pas de prix).

L’indice Artprice100© progresse pour sa part de +16% sur le premier semestre 2019. Ce portefeuille, constitué des 100 artistes les plus performants sur le second marché entre 2014 et 2018, pondérés selon leur poids relatif, surperforme l’ensemble du Marché de l’Art grâce notamment aux résultats de Fu Baoshi et Wu Guanzhong côté chinois, et ceux de Robert Rauschenberg, Frank Stella et Martin Kippenberger, côté occidental.

L’indice des prix de l’Art Contemporain bondit de +40%. Les performances de Jeff Koons, Peter Doig, Keith Haring permettent à ce segment d’être le plus performant de tous sur le S1 2019. Sur le long terme, les performances de l’Art Contemporain rivalisent avec celles des marchés boursiers américains et de l’action Sotheby’s.

Indice Artprice de l’Art Contemporain vs. marchés financiers

Indice Artprice de l’Art Contemporain vs. marchés financiers

La plus-value la plus spectaculaire du S1 2019 revient à une sculpture de la série Pumpkin (1998) de l’artiste japonaise Yayoi Kusama. Vendue 156 000$ à New York le 23 avril 2019 chez Phillips, cette pièce numérotée 31/100 est une petite oeuvre d’une artiste majeure, qui vient d’enregistrer un nouveau record à 8 m$. La prise de valeur de Pumpkin (1998) est immense sur 10 ans. Lors de son dernier passage en salle de ventes, chez Christie’s à Londres en 2009, cette pièce avait été achetée 5 800$ seulement. L’opération correspond à un rendement annuel moyen de +39% sur dix ans. A titre de comparaison, l’action Apple (NASDAQ : AAPL) enregistre une croissance de +26 % par an sur la même période ; le S&P 500, +12 %.

Ventes aux enchères de Pumpkin (1998) de Yayoi Kusama (édition de 100)

Ventes aux enchères de Pumpkin (1998) de Yayoi Kusama (édition de 100)

Sotheby’s sort du marché public réglementé

C’est une situation que l’on rencontre fréquemment : une entité prend le contrôle d’une entreprise qu’elle estime sous-performante… Mais dans le cas de Sotheby’s, l’une des deux géantes des ventes aux enchères de Fine Art, présente dans neuf pays et pesant à elle seule 31% du produit des ventes publiques dans le monde, c’est toute l’industrie qui est pointée du doigt.

D’un point de vue technologique, le Marché de l’Art compte plusieurs dizaines d’années de retard. Les rares tentatives pour franchir le gap (comme le projet “Basel Online” de la galerie David Zwirner) ne font que souligner un peu plus encore la difficulté qu’ont les grands acteurs de ce marché à se numériser. En 2017, Sotheby’s a décidé de supprimer complètement les frais acheteurs sur ses ventes en ligne, espérant ainsi les faire enfin décoller. Mais six mois plus tard, sans résultats probants, la société réhabilite les frais acheteurs sur ses ventes en ligne.

Sotheby’s enregistre une baisse de -7,4% de son produit des ventes Fine Art par rapport au S1 2018. Elle a pourtant frappé la plus belle adjudication du premier semestre : 110 m$ pour Meules (1890) de Claude Monet.

L’offre de rachat de Sotheby’s par le tycoon des télécoms et des networks Patrick Drahi (avec un premium de +61% par rapport au cours de l’action) a non seulement été accueillie très favorablement par le comité de direction de Sotheby’s, mais elle aurait également été suivie par deux autres offres d’achat, a révélé le New York Times. La première en provenance de Wall Street, à l’initiative du collectionneur et PDG de Blackstone, Stephen Schwarzman ; l’autre venue de Chine, faite par Taikang Asset Management, l’actuel principal actionnaire de Sotheby’s.

Cet engouement souligne l’immense potentiel économique qu’ont identifié les grands investisseurs européens, américains et chinois. La sortie du marché public réglementé doit permettre à Sotheby’s de moins s’exposer aux pressions de ses actionnaires, notamment au niveau de ses marges opérationnelles. Davantage de flexibilité qui devrait permettre à Sotheby’s de défendre une stratégie sur le long-terme, qui passera sans aucun doute par une plus grande dématérialisation de ses activités, et donc du Marché de l’Art.

 


Méthodologie

L’analyse du Marché de l’Art présentée dans ce rapport a été réalisée sur la base des résultats de ventes aux enchères publiques de Fine Art enregistrés par Artprice et Artron entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2019.

Cette analyse concerne uniquement les peintures, sculptures, dessins, photographies, estampes, vidéos, installations et tapisseries, à l’exclusion des antiquités, des biens culturels anonymes et du mobilier.

Tous les prix indiqués dans ce document se rapportent aux résultats de ventes aux enchères publiques, frais acheteurs inclus. Toute mention $ fait référence au dollar américain.

La segmentation par période de création respecte le découpage suivant:

  • Les “Maîtres Anciens”: œuvres réalisées par des artistes nés avant 1759.
  • Le “XIXème Siècle”: œuvres réalisées par des artistes nés entre 1760 et 1859.
  • L’“Art Moderne”: œuvres réalisées par des artistes nés entre 1860 et 1919.
  • L’“Art d’Après-Guerre”: œuvres réalisées par des artistes nés entre 1920 et 1944.
  • L’“Art Contemporain”: œuvres réalisées par des artistes nés après 1945.
Sommaire
La demande s’intensifie pour l’Art Contemporain