Yves Klein. Un art de l’immatériel au prix fort

[17/07/2018]

Yves Klein aurait eu 90 ans en 2018. Retour sur l’un des artistes français les plus cotés internationalement.

Yves KLEIN (1928-1962) est l’artiste français le plus cher de la seconde moitié du XXème siècle. Il doit notamment cette formidable cote à son esprit d’ouverture qui l’emmenait à New York en 1961 pour exposer chez Castelli. Rappelons que Léo Castelli est l’immense galeriste qui découvrit, entre autres, Jasper Johns et Andy Warhol et qui participa à faire de New York la capitale mondiale de l’art.

Un soutien si influent a permis d’installer rapidement une cote puissante et, dès la fin des années 80, les œuvres d’Yves Klein emportent déjà des résultats millionnaires. La hausse des prix s’accélère dans les années 2000, et la gloire advient en 2008, avec trois œuvres majeures vendues entre 17 et 24 millions de dollars chacune, lors des grands sessions de ventes new-yorkaises. Yves Klein triomphe, avec un produit de ventes annuel de près de 92 m$ (en 2008), du jamais vu pour un artiste contemporain français. L’ascension n’est pas terminée pour autant, bien au contraire. Au cours de l’année 2012, la société de vente Christie’s propose deux œuvres majeures sur le marché : une majestueuse anthropométrie au feu de trois mètres (FC1 (Fire Color 1)), la dernière créée avant son décès. L’oeuvre fait grimper les enchères à près de 36,5 m$ en mai à New York. Le mois suivant, Christie’s fait mieux encore avec un relief-éponge imprégné de pigments roses : Le Rose du bleu (RE 22) s’envole à près de 36,7 m$, cette fois à Londres. Par la puissance de ces résultats, Yves Klein devient l’un des rares Français capables de rivaliser avec les artistes américains les plus cotés du XXème siècle. Mais de telles œuvres sont rares… Les spécialistes d’Yves Klein ont recensé un peu moins de 200 monochromes peints en sept ans de carrière. Les œuvres les plus impressionnantes sont bien souvent déjà dans les musées, et le centre Pompidou possède une vingtaine d’oeuvres à lui seul.

Malgré tout, il existe des pièces plus abordables, notamment des sculptures imprégnées de bleu éditées sur 300 exemplaires. Les Nouveaux Réalistes comme Arman ou César détournaient des objets de consommation courante dans leurs œuvres. Le « gardien du bleu » s’est quant à lui attaqué à des sculptures emblématiques, dont le fameux Esclave Mourant de Michel-Ange, la Victoire de Samothrace ou la Vénus d’Alexandrie. Dans son « recyclage poétique », Yves Klein a en effet imprégné de couleurs ces fétiches de l’histoire de l’art. Le prix à payer pour ces œuvres emblématiques va de 50 000 $ pour un Esclave Mourant à 150 000 $ en moyenne pour une Victoire de Samothrace.

Imprégner le quotidien

A l’occasion de son exposition baptisée Le Vide en 1958, Yves Klein piégea les invités en servant pour le vernissage un cocktail au bleu de méthylène. Ce n’est qu’en urinant leur cocktail que les invités se rendirent compte qu’ils avaient été imprégnés de l’intérieur, à leur dépend… Yves Klein s’amusa à diffuser son bleu de différentes façons, notamment en imprégnant des timbres qui servirent de vignettes d’affranchissement pour les cartons d’invitation de ses expositions chez Iris Clert et Colette Allendy (entre 1957 et 1959). Une quarantaine de courriers affranchis avec ces timbres bleus sont connus, dont deux enveloppes se sont vendues en avril 2018, pour 4 500 et 4 800 $, sous le marteau de Cornette de Saint-Cyr.

D’autres objets du quotidien intéressent les collectionneurs : il s’agit de tables basses transparentes remplies de pigments bleus, roses ou de feuilles d’or. Leur édition fut initiée par Klein en 1961 et supervisée depuis par sa veuve, Madame Rotraut Klein-Moquay. Il faut compter entre 20 000 et 30 000 $ en moyenne pour s’offrir un apéritif sur une table dans l’esprit d’Yves Klein, table dont le nombre d’exemplaires édités restent flou au demeurant.