YBA 2003 : les jeunes britanniques font-ils toujours sensation aux enchères ?

[04/04/2004]

 

En 1988, lorsque Damien HIRST monte « Freeze », la première exposition collective des Young British Artists, à Londres, ses œuvres et celles de Gary HUME, Sarah LUCAS ou Fiona RAE ne valent pas grand chose. La renommée des Young British Artists ne dépasse pas les cercles d’initiés londoniens. Grâce au prosélytisme très efficace de leurs principaux mentors, le galeriste (et publicitaire de renom) Charles Saatchi et son confrère Jay Jopling, animateur de la White Cube Gallery, elle est très vite planétaire. Déjà en 1997 alors que l’exposition « Sensation », à Londres, attire 300 000 visiteurs, les résultats de la vente de la collection du Boston Children’s Heart Foundation chez Sotheby’s New-York préfigurent un élan spéculatif outre-Atlantique. La sculpture de Rachel WHITEREAD, Untitled, Double Amber Bed, estimée 30 000 à 40 000 $ s’arrache alors 150 00 $, établissant un nouveau statut pour toute une génération. En 1999 : le maire de New York, Rudolph Giuliani, condamne l’exposition «Sensation» qui se tient au Musée de Brooklyn. 4 ans plus tard la cote de ces artistes est au plus haut.

Dorénavant, les « YBAs » ne passent plus que dans les grandes salles de ventes, à New York ou à Londres. Un chiffre est parlant. En 1992, God, une installation de Damien HIRST était ravalée à 4 000 £ à Londres. Six ans plus tard, elle était emportée à 170 000 £. Miser il y a 10 ans de cela sur les « YBAs » était une excellente affaire : 100€ investis en 1996 en valent en moyenne 385 sept ans plus tard, soit nettement plus que le rendement moyen du marché de l’art. Une montée en puissance matérialisée par les résultats de 2003. Something Solid beneath the Surface of all Creatures Great and Small une immense installation de Damien Hirst, adjugée 1,05 millions de $ le 13 novembre 2003, est un nouveau record pour l’artiste et pour le groupe. Toutefois, les récentes évolutions montrent un essoufflement. Si les acheteurs s’arrachent les pièces importantes, les prix tendent à baisser depuis deux ans. Ils ont chuté en moyenne de 28% entre 2001 et 2003.

Young British Artists / Evolution des prix 1996-2003Artprice Index base 100 en 1996

Alors que le mouvement tend a être déprécié depuis quelques temps, de belles performances sont à noter en 2003. L’une d’elles est à mettre au crédit de Mark FRANCIS : un très grand format de 1996, Positive Clone, ravalé à Londres en dessous de 7000 £ en juin 2002 a atteint 10 fois les estimations, soit 72000 $, chez Phillips De Pury & Luxembourg en mai 2003. A souligner aussi les bons résultats de Damien Hirst. Sa cote a progressé de 13% en 2003 et son taux d’invendus ne cesse de baisser depuis 2 ans. Le vainqueur du Turner Prize de 1995, est depuis des années le leader incontesté du groupe : 28 œuvres adjugées pour un produit de ventes proche de 4 millions d’euros en 2003. Mais le pape du mouvement n’est pas forcément indétrônable. S’il conserve à son actif les prix les plus élevés du groupe depuis des années, Damien Hirst est suivi de près par sa cadette Jenny SAVILLE (née en 1970), dont les prix des peintures de facture classique n’ont cessé de progresser jusqu’en 2002. Figure 11.23 a été sa meilleure vente : 480 000 $ le 14 mai 2002 à New York. Mais 2003 est une mauvaise année pour la jeune artiste : sur les deux seules toiles proposées, l’une, Untitled, a été adjugée sous la fourchette d’estimations, l’autre, Nats, a été ravalée. Bien d’autres ont vu leur cote diminuer : les prix des sculptures de Sarah LUCAS, de Rachel WHITEREAD, de Marc QUINN ou encore de Tracey EMIN ont fortement baissé depuis 2001.

Selon les médiums employés, les effondrements de prix subis sont parfois encore bien plus rapides que le rythme fixé par le marché. A titre d’exemple, Marc Quinn avait fait parler de lui avec Self, un autoportrait sculpté dans son propre sang congelé. Cette œuvre particulièrement sensible aux changements de température a été récemment détruite lors de travaux chez Saatchi. Les Spot Paintings de Damien Hirst connaissent un vieillissement accéléré : la laque employée se craquelle au fil du temps sur les toiles trop souples. De tels problèmes ne sont pas sans incidences notamment vis à vis des assurances, même si certains artistes considèrent que la dégradation rapide due à l’usage de matériaux instables est inhérente à leur travail.