Ventes d’art ancien à Londres – La bonne surprise

[28/07/2008]

 

Si le marché de l’art résonne aux coups millionnaires de l’art contemporain, spéculatif et volatil, l’art ancien moins médiatique n’est cependant pas en reste. Les ventes Old Master Paintings de Christie’s et Sotheby’s des 8 et 9 juillet 2008 ont enregistré de nouveaux records, grâce à de rares chefs-d’œuvre issus de collections privées.

Du côté de Christie’s, la dispersion d’œuvres que l’on croyait perdues enflamma les collectionneurs : des dessins de Francisco José DE GOYA Y LUCIENTES dont on avait plus trace depuis 130 ans et une œuvre majeure de Jean-Antoine WATTEAU invisible depuis 160 ans furent les lots phares de cette vacation estivale !
Les dessins de Goya faisaient partie d’un album de 105 dessins dispersé à Drouot le 2 avril 1877. Tous ne trouvèrent pas preneur ce 8 juillet mais Christie’s enregistrait trois des quatre plus belles enchères pour des dessins de l’artiste. Le travail vif à l’encre intitulé Bajan Riñendo or Vision de Bajar Riñendo est, à 2 millions de livres sterling, le nouveau record pour une feuille du maître espagnol.

Un deuxième résultat historique fut enregistré par l’auctioneer pour La surprise, une toile majeure de Jean Antoine Watteau peinte vers 1718 et disparue depuis 1848. On l’a croyait détruite ou au mieux perdue. C’est lors d’une journée d’évaluation chez des particuliers britanniques en juillet 2007 qu’un expert remarqua l’œuvre dans le coin d’une pièce. Avant sa dispersion, le petit chef d’œuvre, à peine plus grande qu’une feuille de papier A4 (36,3×28,2 cm), fut exposé à New York en avril, avant de rejoindre Londres début juillet ou elle fut enfin soumise aux enchérisseurs le 8. La scène est typique des scènes galantes et du goût de l’artiste pour la comedia dell’arte : elle dépeint le baiser renversant d’un jeune couple, sous le regard complice d’un musicien à la guitare et l’attitude curieuse d’un petit chien, symbole de fidélité. Outre sa qualité exceptionnelle, le hasard de sa redécouverte contribua à une véritable émulation qui emporta La Surprise au triple de son estimation à 11 millions de livres sterling. Ce record déclasse très largement celui décroché en décembre 2000 à 2,2 millions de livres sterling par Le Conteur: Artists from the Commedia dell’Arte in a Landscape (Christie’s).

Pour Sotheby’s la semaine des ventes de maîtres anciens a généré 59,5 millions de livres sterling (117,3 millions de dollars), un résultat exceptionnel en hausse de 87% par rapport au mois de juillet 2006. C’est le deuxième plus haut chiffre d’affaires de l’auctioneer sur le marché de l’art ancien. Rappelons que Sotheby’s avait frappé le plus beau coup de marteau jamais enregistré dans ce secteur en adjugeant, en juillet 2002, le sublime Massacre des innocents (c.1608-1609) de Peter Paul RUBENS qui devint l’une des peintures les plus coûteuses au monde et la plus cher de l’art ancien avec une adjudication à 45 millions de livres sterling !
Le 9 juillet 2008 sa vente londonienne de prestige enregistrait pas moins de 19 records. Parmi les artistes actifs aux XVI et XVIIème siècles, des sommets furent atteints par : Jan I BRUEGHEL (1568-1625) pour The Edge of a Village with Figures dancing on the Bank of a Rive, un chef d’œuvre de 1616 adjugé 3,1 millions de livres sterling ; pour Aert I VAN DER NEER avec un paysage hivernal à 2,4 millions de livres sterling ; pour un superbe martyre de Saint Appoline par Guido RENI à 1,6 million de livres sterling, pour le portrait en clair-obscur d’un homme agé par Jacopo ROBUSTI (1,4 millions), pour un soldat fumant sa pipe de Frans I VAN MIERIS (1,15 million).
Le plus beau coup de marteau de la vente résonna pour un portrait de trois-quart de Samuel Ampzing réalisé par Frans I HALS vers 1635. L’enchère finale de 4,15 millions de livres sterling est, quatre fois au-delà des premières estimations, le second plus haut score de l’artiste aux enchères. Elle récompense un portrait brillant de réalisme où le modèle semble capter sur le vif et nous inviter dans sa lecture suspendue.