Une rentrée sur les chapeaux de roues

[09/10/2018]

Portées par le « coup » de Banksy dont l’oeuvre millionnaire s’est autodétruite chez Sotheby’s, par un exceptionnel record de plus de 65 m$ emporté pour une œuvre de Zao Wou-ki et par de fortes intentions d’achats selon l’indicateur de confiance AMCI d’Artprice (68% des acteurs du marché se trouvent dans une position d’achat), la saison des enchères démarre fort ! Artprice fait pour vous le bilan des premiers résultats marquants.

 

Du côté de l’Asie

La reprise des choses sérieuses commence traditionnellement en Asie avec les premières grandes ventes consacrées à l’art moderne et contemporain. Christie’s a inauguré la reprise saisonnière à Shanghai le 21 septembre, en mixant les signatures les plus demandées de la scène asiatiques telles que Zao Wou-Ki, Chu Teh-Chun, Yoshitomo Nara ou Yayoi Kusama, à quelques valeurs sûres occidentales parmi lesquelles Marc Chagall, Salvador Dali ou Andy Warhol. Le lot le plus attendu était une toile de ZAO Wou-Ki de deux mètres de hauteur, dont le titre 13.02.92 indique la date d’achèvement, comme à l’habitude de le faire un autre maître abstrait, Pierre Soulages. 13/02/92 est une œuvre de maturité que Zao Wou-Ki a exécuté à 71 ans, et qui a été présentée par Christie’s comme l’une des meilleures œuvres de cette période de création. Le résultat final n’a pas démenti l’importance de la toile, laquelle est partie d’une estimation basse de 2-3 m$ pour achever sa course à 6,6 m$ frais acheteurs inclus. Prise de valeur depuis son dernier passage en salle il y a six ans : 4,7 m$, puisque 13.02.92 atteignait 1,9m$ sous le marteau de China Guardian le 15 mai 2015 à Pékin.

Cette envolée n’était qu’une mise en bouche dont tous les acteurs du Marché avaient bien conscience. Tous attendaient un autre résultat, celui d’un triptyque de dix mètres de long réalisé par Zao Wou-Ki entre juin et octobre 1985, et proposé à la vente par la grande concurrente de Christie’s, le 30 septembre à Hong Kong. Sotheby’s présentait Juin-Octobre 1985 (c’est son titre) non seulement comme la plus grande œuvre de l’artiste sur le marché mais aussi comme « l’exemple parfait de la fusion des techniques et des philosophies orientale et occidentale ». Un nouveau record fut atteint ce 30 septembre à hauteur de 65,2 m$, dépassant de loin le précédent sommet établi à près de 26 m$ l’année dernière chez Christie’s (29/01/64, le 25 novembre 2017 à Hong Kong).

Histoire de parfaire sa domination sur cette signature explosive en Asie comme ailleurs, Sotheby’s donnait, le 2 octobre à Hong Kong toujours, une vente exclusivement consacré à l’art de Zao, 16 œuvres regroupées sous le titre irrésistiblement aguicheur : The Sublime – Wou-Ki Zao.

Les ventes de cette première semaine d’octobre affichent de bons résultats pour les signatures attendues, notamment pour les japonais Foujita, Kusama, Murakami et Nara qui vendait une quinzaine d’œuvres en deux jours (1er et 2 octobre), mais aussi pour l’explosif SAN Yu dont un Pot De Pivoines à flirté avec les 9 m$ le jour du record mondial de Wou-Ki, enfin, pour les grands incontournables occidentaux, de Picasso à Richter en passant par Basquiat et Mitchell.

Reprise en France

Direction la France ou il question plus de passion que de spéculation avec la dispersion attendue de ce qu’il restait de la collection de Daniel Cordier, le 27 septembre dans l’antenne parisienne de Sotheby’s. Ancien secrétaire de Jean Moulin, résistant exemplaire décoré de la Grand-Croix de la Légion d’Honneur, passionné d’art et ardent défenseur des artistes de son temps, Daniel Cordier a consacré 75 de ses années à acquérir des milliers d’œuvres dont la majeure partie fut donner au Musée national d’Art Moderne de Paris (donation de 500 œuvres en 1989) puis aux Abattoirs de Toulouse. Les 164 œuvres demeurant pour cette ultime vacation ont témoigné de éclectisme de Monsieur Cordier, acheteur de Dado comme de Christo, de Fred deux comme de Dubuffet, de Roberto Matta (a qui, galeriste, il consacra un grand nombre d’expositions) comme de Louise Nevelson… L’ensemble affichait une estimation d’environ 1 million de dollars, une estimation très basse en regard de l’importance de certaines pièces et de la qualité de leur provenance. Ces prévisions furent finalement révisées par quatre, le résultat final de cette vente avoisinant les 5 millions. La dispersion Cordier a constitué un moment important pour les amateurs d’Henri MICHAUX (23 lots vendus), pour ceux de DADO (12 œuvres vendues) et d’Eugène GABRITSCHEVSKY (10 œuvres vendues dont le record mondial avoisinant les 10 000 $ pour un ensemble de trois petites gouaches non titrées). Le lot le plus attendu, une rare Texturologie de Jean Dubuffet achevée en 1958 atteint à peu de choses près son estimation haute de 350 000 $, tandis qu’un reliquaire de Bernard RÉQUICHOT signe le nouveau record de l’artiste à 175 000 $ (Reliquaire des rencontres de campagne, 1960-1961). Le record de Bernard Réquichot démontre encore une chose : que les collectionneurs français soutiennent les artistes qui leurs paraissent singuliers et forts dans la grande histoire de la création, en-dehors des effets de mode ou de spéculation.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, une toile de BANKSY vient de s’autodétruire en direct de la vente d’art contemporain de prestige de Sotheby’s qui venait de l’adjuger plus d’un million de dollars. Les salles de ventes ne sont plus seulement le théâtre des performances financières de l’Art, elles sont devenues un terrain de jeu pour les artistes contemporains capables d’anticiper le marché, de le stimuler tout en le critiquant dans ce cas particulier. Damien Hirst le prouvait d’une toute autre façon il y a 10 ans en prenant les rennes de son marché et en dispersant ses propres oeuvres, Banksy réalise cette fois un coup de maître qui relance bien évidemment sa notoriété comme sa cote…