Trois paliers de prix pour l’art ancien

[10/06/2014]

 

L’art ancien est moins cher que l’art contemporain, et pour cause : outre les effets de mode et de spéculation sur l’art actuel, les chefs-d’oeuvre anciens sont rares et les collectionneurs plus enclins à les conserver longtemps. L’année dernière, le secteur des maîtres anciens dégageait 1 milliard de dollars contre plus d’1,7 milliard pour les artistes nés après 1945. Ce segment reste clef et bénéficie de vacations spécialisées plusieurs fois par an. Christie’s et Sotheby’s viennent d’achever leurs cessions new-yorkaises : si le résultat est honorable pour la première, avec trois toiles millionnaires et 17,9 m$ de résultat (frais inclus) le 4 juin 2014, il l’est beaucoup moins pour la seconde, qui n’excède pas 4,1 m$(5 juin). Les élans millionnaires s’enchainent donc moins bien que sur l’art contemporain, et l’amplitude de prix est très conséquente dans une même vente de prestige. Voici une sélection des oeuvres accessibles sur trois paliers de prix lors des dernières cessions.

Un maître ancien pour moins de 15 000 $ ?
Les ventes Old Masters regorgent d’oeuvres difficiles à identifier, d’attribuées à, de cercle de, d’école de, etc… mais aussi de petits maîtres particulièrement abordables.

Louis DE MONI : vendu dans l’estimation à 12 500 $
L’âge d’or de la peinture hollandaise signe l’épanouissement de la « peinture de genre ». A défaut d’être un artiste phare de la scène du XVIIIème siècle, Louis de Moni (Breda 1698-1771 Leiden) est une bonne signature abordable, dont le meilleur prix n’excède pas, aux enchères, 47 000 $ frais inclus (The Doctor’s visit, vendu 30 250 € frais inclus le 7 mai 2008 chez Sotheby’s Amsterdam). Le 4 juin, Christie’s proposait une scène d’intérieur paisible, typique de l’époque, où deux enfants se livrent au jeu de l’oie sous le regard d’une femme nettoyant un récipient en cuivre. Un morceau de la philosophie de vie du XVIIème payé 12 500 $ frais inclus.

Reinier DE LA HAYE : une toile XVIIème autour de 3 000 $
Reynier de la Haye fait lui aussi partie des signatures qui échappent aux effets de mode et dont les prix restent stables. Petit maître hollandais du XVIIème dont les oeuvres se paient rarement plus de 20 000 $, il est parfois abordable autour de 3 000 $ pour des huiles de petits formats. Un amateur s’est offert, pour 10 625 $ frais inclus chez Sotheby’s, une scène d’intérieur avec une femme jouant du luth sous le regard fidèle d’un petit chien (Portrait of a Young Woman Playing the Lute, 1674).

Autour de 50 000 $
Ce palier supérieur de prix permet d’accéder à des signatures phares de l’histoire de l’art. Sotheby’s vendait, pour moins de 50 000 $ un portrait de femme signé Thomas GAINSBOROUGH (Portrait of Lady Fludyer, 37 500 $ frais inclus) et un paysage de Hubert ROBERT (The Tomb of Jean-Jacques Rousseau at Ermonville, 37 500 $ frais inclus ). Chez Christie’s, il fallait allonger les enchères pour accéder à une toile représentant deux enfants et chien de Jean-Baptiste GREUZE (Two children and a dog, 60 000 $ frais inclus) ou à un tondo de la fin du XVème siècle, représentant une vierge à l’enfant de Luca SIGNORELLI, vendu à l’estimation basse (The Madonna and Child, 60 000 $ frais inclus).

Plus d’un million
Pour les chefs-d’oeuvre et les signatures de prestige, les estimations de départ sont une indication souvent reléguée à l’arrière plan par les plus passionnés et les plus fortunés. Lorsque des oeuvres clefs paraissent en salles, elles doublent allègrement les prévisions.

Caspar NETSCHER : deux millions de plus que prévu
Annoncé en couverture de catalogue, le lot phare de Christie’s, est une icône de la scène de genre hollandaise du XVIIème siècle, en l’occurrence un portrait de femme signée Caspar Netscher (1639, Heidelberg ou Prague – 15 janvier 1684, La Haye). Cette œuvre majeure offrait tous les arguments d’un chef-d’oeuvre, apte à signer un nouveau record mondial. Elle y parvint largement, puisqu’elle se paie au final 5 m$ frais inclus, soit trois fois le précédent record de l’artiste. Cette toiles comptait parmi les quelques milliers d’oeuvres spoliées par les Nazis pendant la Seconde guerre Mondiale. La Jeune fille au perroquet (Woman feeding a parrot) à d’ailleurs fait partie de la collection Goering en 1944. L’oeuvre fut restituée cette année seulement à la famille du collectionneur belge Hugo Daniel Andriesse. L’aventure tumultueuse de cette toile ajoute encore à sa valeur.

Pieter II BRUEGHEL : Le paiement de la dîme
Sur les douze derniers mois, sept toiles de Pieter Brueghel le Jeune (c.1564-1637/38) se sont arrachées au-delà du million de dollars, dont deux représentant le paiement de la dîme, scène plusieurs fois traitée par l’artiste. Christie’s annonçait un Paiement de la dîme dans une fourchette d’estimation particulièrement attractive de 500 000 $ – 800 000 $, compte tenu des récents résultats. The Payment of Titles, qui faisait partie de la même collection bruxelloise depuis 40 ans, se paie au final 1,685 m$ frais inclus. Brueghel fait partie des maîtres anciens les plus rentables en salles, la vente de ses oeuvres rapportant plus de 10 m$ chaque année.