Top mondial des estampes anciennes

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Cette semaine : le Top mondial des estampes anciennes.

Ce classement offre une vue globale des meilleures adjudications enregistrées à travers le monde pour l’estampe ancienne (non rehaussée à la main), c’est à dire réalisée par des artistes nés avant 1850. Outre les deux maîtres japonais Hokusai et Hiroshige, qui doivent leur présence dans ce classement grâce à leurs fameuses séries du Mont Fuji pour le premier et d’Edo pour le second, quatre artistes européens s’imposent comme les mieux cotés du genre grâce à des feuilles uniques et non des ensembles. L’estampe, qui est un art en soi, a encore pris de l’envergure cette année avec trois nouveau records, tous signés à New York.

Katsuchika Hokusai et Utagawa Hiroshige : la loi des sériesLe premier ouvre ce Top 10, tandis que l’autre le conclue presque. Katsuchika Hokusai est, avec Utagawa Hiroshige, l’un des principaux paysagistes de l’école japonaise. Vendues pour des prix abordables à l’unité (près de la moitié des oeuvres d’Hokusai se vendent moins de 3 000 $ et moins de 1 000 $ pour Hiroshige), les estampes atteignent des records lorsqu’elles restent en série.
Hokusai connaît un immense succès avec les Trente-six Vues du Mont Fuji, un ensemble qui compte en fait 46 planches, oscille entre tradition japonaise et mise en perspective occidentale. Un lot complet du Mont Fuji, édité entre 1830 et 1835 et vendu chez Sotheby’s Paris en 2002, lui vaut la meilleure enchère de l’histoire dans la catégorie « estampe ancienne » à hauteur de 1,13 m$ (adjudication de 1 350 000 € le 27 novembre 2002). Il s’agit par ailleurs de la seule adjudication millionnaire de l’artiste.
Les estampes du Mont Fuji comptent parmi les plus célèbres du monde. Elles eurent un impact fort sur quelques grands maîtres modernes occidentaux, Vincent Van Gogh et Claude Monet notamment, de même que la série Tokaïdo Gojusan Tsuji-no Uchi d’Utagawa Hiroshige. Composée de 53 estampes de la route du Tokaïdo, qui mène de Edo à Kyoto, cette suite a été éditée une première fois en 1833-1834 et rencontra un tel succès qu’elle fut reprise 15 fois par l’artiste, jusqu’en 1855. Cette série culmine à 180 000 $ aux enchères mais c’est une série plus dense encore, composée de 120 planches qui détient le record absolu d’Hiroshige à hauteur de 480 000 £, plus de 715 000 $ (The one Hundred Famous Views od Edo, 20 juin 2002, Sotheby’s Londres).

Rembrandt Van Rijn
Le maître de l’école hollandaise a laissé derrière lui une œuvre dense, dont environ 600 peintures, 300 estampes et 1 400 dessins. La moitié de ses oeuvres vendues en salles sont accessibles pour moins de 3 600 $, grâce au nombre important d’eaux-fortes, dont il existe de nombreuses variations, tant dans leurs divers états (plusieurs étapes de travail pour un même sujet) et leurs diverses qualités de conservation. En peinture, Rembrandt culmine à 29 577 600 $ pour un portrait d’homme vendu chez Christie’s Londres le 8 décembre 2009 (Portrait of a man with arms akimbo, adjugé 18 m£) et deux dessins à l’encre ont atteint le million en 2000. Dans le strict domaine de la gravure, l’artiste flirte avec le seuil millionnaire grâce à un record déjà ancien, celui-ci remontant à la dernière bulle spéculative de 1990.
Par deux fois dans ce classement d’estampes anciennes revient le Christ en croix entouré des deux larrons (Christ crucified between the two Thieves: The three Crosses, 1653, pointe sèche et burin. 373 x 428 mm au 1er état. 385 x 450 mm à partir du 2e état, cinq états). Seules douze planches représentant les Trois Croix ont été proposées en salles ces 25 dernières années, dont une enchère record à 990 000 $ enregistrée en 1990. Au début de l’année 2013, un quatrième état des Trois Croix se vendaient l’équivalent de 272 000 $ chez Sotheby’s Londres (180 000 £, 19 mars 2013). Les prix sont donc très variables selon la qualité de la feuille.Le pendant cette interprétation du calvaire, sujet représentant le Christ présenté au peuple, est la troisième planche au palmarès de l’artiste et elle figure en huitième position des meilleurs coups de marteau pour l’estampe ancienne. Ces deux oeuvres, les Trois Croix et la présentation du Christ, sont les plus grandes planches de l’artiste et furent toutes deux réalisées à la fin de sa carrière de graveur. Leur atmosphère surnaturelle et la puissance des noirs eut une grande influence sur des artistes postérieurs, notamment sur Odilon Redon, qui prend également part à ce Top.

Deux contemporains : Odilon Redon et Paul Gauguin
Leur indépendance et la modernité de leur visions leur valent à tous deux de compter parmi les artistes les plus prisés du monde en estampe : Odilon Redon et Paul Gauguin se rencontrèrent probablement en 1886 lors de la dernière exposition impressionniste, à laquelle ils participaient tous les deux. Ils ont entretenu par la suite une relation amicale et artistique pleine de respect mutuel.
Chacun tient deux adjudications de ce Top 10 mais Odilon Redon a pris une avance importante cette année grâce à deux adjudications record signées chez Christie’s New York le 29 octobre 2013. Redon voulut dissuader Gauguin de partir à Tahiti, puis admira le courage et la détermination dont son ami fit preuve en choisissant l’éloignement pour un retour aux sources. C’est à Tahiti que Gauguin réalisa ses meilleures oeuvres, au caractère brut et expressif, notamment dans le domaine du monotype et de la gravure sur bois. Trois monotypes réalisés sur l’île ont déjà passé le seuil des 500 000 $ depuis 1994. Les gravures constituent la part la plus importante du marché de l’artiste : près de 62 % des transactions, contre près de 20 % de dessins et 10 % d’oeuvres sur toile.

Le plus ancien : Albrecht Dürer (1471-1528) Albrecht Dürer se hisse en neuvième position du Top estampes anciennes grâce à une vente historique orchestrée au début de l’année 2013 par Christie’s, et entièrement consacrée au maître de la Renaissance allemande (le 29 janvier 2013). Cette dispersion riche de 62 gravures estimées entre 3 000 et 600 000 $ a rapporté plus de 4,9 m$ hors frais à Christie’s, et a permis d’enregistrer un nouveau record mondial avec la gravure sur bois The Rhinoceros adjugé 720 000 $. Cette représentation fantaisiste (Dürer n’avait jamais réellement vu de rhinocéros de sa vie) réalisée en 1515 fait partie, à l’instar des Vues du Mont Fuji, des estampes les plus célèbres au monde, dont l’influence fut immense sur les artistes des générations postérieures.