Le top de l’estampe contemporaine

[22/06/2018]

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème et s’attache cette fois aux estampes, un segment de marché particulièrement fructueux sous les signatures les plus brûlantes de la création contemporaine.

Rang Artiste Adjudication ($) œuvre Vente
1 Keith HARING (1958-1990) 964 410$ Andy Mouse 27/03/2018 Sotheby’s Londres
2 Kelley WALKER (1969) 795 386$ Black Star Press 06/03/2018 Christie’s Londres
3 Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) 590 869$ Back of the Neck 07/10/2017 Christie’s Londres
4 Christopher WOOL (1955) 493 202$ Three Women I…
08/03/2018 Sotheby’s Londres
5 Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) 372 500$ Anatomy 23/10/2017 Sotheby’s New York
6 Richard PRINCE (1949) 325 000$ Joke panels 02/03/2018 Sotheby’s New York
7 Anselm KIEFER (1945) 301 144$ Teutoburger Wald
07/10/2017 Christie’s Londres
8 Peter DOIG (1959) 295 011$ Untitled, Ping Pong Player 07/03/2018 Christie’s Londres
9 Cecily BROWN (1969) 250 000$ Untitled 16/11/2017 Christie’s New York
10 Jean-Michel BASQUIAT (1960-1988) 200 000$ Untitled (Per Capita)… 16/11/2017 Swann Galleries New York
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L’ombre de Warhol plane derrière les nouveaux records

La présence du champion de l’estampe au XXème siècle, alias Andy Warhol, plane sur ce classement. Sa puissante influence, son héritage, voire les références directes qui lui sont faites dans les œuvres, se révèlent en filigrane des récents records de Kelley Walker, de Jean-Michel Basquiat, et de Keith Haring, dont un nouveau record mondial a été enregistré en mars dernier, pour un ensemble de quatre sérigraphies de la série Andy mouse, vendu pas moins de 964 000$… soit 250 000 $ au-dessus du précédent record de l’artiste en matière d’estampe. Pourquoi débourser une telle somme pour des sérigraphies ? Tout simplement parce que les quatre estampes de cette série ultra célèbre se trouvait être signée par deux stars : “Andy Warhol and Keith Haring”. Quant au sujet lui-même, Andy Mouse, il est une icône pop, voire l’icône pop d’une icône pop… une mise en abyme racontée dans l’hybridation des deux personnages Andy Warhol et Mickey Mouse, croisement de deux influences majeures de Keith Haring et symbole ultime de l’Amérique des années 80. Haring aurait rêvé de travailler pour Walt Disney et il a plusieurs fois confié qu’il est devenu un véritable artiste reconnu grâce à Andy Warhol qui l’a pris sous son aile à partir de 1983. A la mort de Warhol, Haring a écrit : « La vie et l’œuvre de Warhol ont rendu mon œuvre possible. (…) il était le premier artiste public véritable, et son art et sa vie ont changé notre conception de l’art et de la vie au XXème siècle. ». En homme d’affaires avisé, Warhol a encouragé Haring a ouvrir Pop Shop sur Broadway (1986) pour commercialiser des produits dérivés d’après ses œuvres et démocratiser l’art. Effectivement, ce Pop shop a grandement contribué à l’éclat populaire de Keith Haring. Aujourd’hui, de nombreuses éditions et produits dérivés déclinent encore Andy Mouse, y compris des estampes non numérotées accessibles pour moins de 500 $, dont il est difficile de connaître le nombre d’exemplaires, mais dont la popularité ne faillie pas.

Autre record à signaler pour la sérigraphie Back of the Neck (1983) de Jean-Michel Basquiat, star de l’art américain qui fut révélé, comme Keith Haring, par Andy Warhol. Cette image sérigraphiée de près de trois mètres de long, qui valait environ 450 000 $ en 2011 (Christie’s Londres), puis 576 500 $ en 2016 (Sotheby’s New York), a passé les 590 000 $ en octobre dernier à Londres. En plus d’afficher des dimensions spectaculaires, Back of the Neck est une épreuve rare sur le marché, puisqu’il en existe seulement 24 exemplaires plus trois épreuves d’artistes.

L’artiste américain Kelley Walker n’a pas été soutenu par Warhol mais il affiche des centres d’intérêts communs avec lui. Il utilise notamment les techniques de sérigraphies, s’intéresse à la circulation des images et aux formes de diffusion de l’art à notre époque. Walker apparaît donc comme un héritier de la culture Pop tant son œuvre dissèque et transforme les images de notre société. Dans le cas de sa grande composition abstraite Black Star Press, seconde au Top 10, l’artiste a renversé une photographie des manifestations de 1963 sur les droits civiques à Birmingham, en Alabama, et il a éclaboussé la surface de couleurs vives. Ce travail particulier fait directement écho aux sérigraphies Race Riot d’Andy Warhol (1963-1964), sur le même thème. Plus d’un demi-siècle s’est écoulé entre le travail de Warhol, qui faisait référence à l’actualité, et celui de Walker mais le centre névralgique se rejoint, ce qui n’est visiblement pas pour déplaire aux collectionneurs américains, qui ont pris fermement position sur son œuvre en lui permettant d’atteindre un nouveau record mondial à plus de 795 000 $.

Autres prix en hausse

La sérigraphie contemporaine est toujours bien exploitée par les artistes actuels, tout comme les diverses techniques de gravures. La hausse des prix pour les œuvres multiples suit naturellement celles des œuvres sur toiles ou des sculptures, si bien que la revalorisation de certaines estampes peut s’avérer très puissante : le prix des trois sérigraphies Three Women I/Three Women II/Three Women III de Christopher Wool a grimpé de 60 000 $ en l’espace de trois ans, et celui l’ensemble de gravures d’Anselm Kiefer Teutoburg Forest (5ème au classement) a gagné près de 200 000 $ depuis 2006. Les enchères n’ont rien de timides sur de ces signatures dont l’accès aux œuvres uniques est désormais réservé à une élite financière.

Si la catégorie de l’estampe est un terme générique désignant a priori des œuvres multiples, elle intègre aussi la technique du monotype, œuvre unique par nature. Deux nouveaux records mondiaux apparaissent, l’un pour Peter Doig avec la vente de Untitled, Ping Pong Player pour près de 300 000$ ; l’autre pour Cecily Brown, dont le record mondial catégorie estampe passe de 79 000$ à 250 000 $ grâce à un ensemble de six monotypes acheté auprès de la galerie Gagosian en 2005.

Les résultats de ce classement ne reflète bien sûr que la crête de ce marché, un marché par ailleurs bien moins dense que les autres catégories que sont la sculpture, la peinture, la photographie et le dessin. L’an dernier (période été 2016/été 2017), près de 8 500 estampes contemporaines se sont vendues à travers le monde pour un résultat global de 22,4m$, ce qui donne un prix moyen de 2 600 $ par feuille.