Salons et Galeries: un marché à plusieurs vitesses
[30/10/2018]Les chiffres globaux montre une progression phénoménale du Marché de l’art : +1 700% d’augmentation depuis l’an 2000, avec l’art contemporain comme locomotive. Tous les acteurs du marché ne bénéficient pas pour autant de la même façon de cette formidable croissance. A travers le prisme des divers salons qui se sont tenus récemment à Paris, Artprice revient sur les problématiques d’un marché de l’art contemporain à plusieurs vitesses.
Le bilan est positif pour la Fiac, dont le flux incessant de visiteurs a généré 72 500 entrées sur quatre jours. Bien que l’affluence soit en légère baisse comparé à la précédente édition (près de 74 000 visiteurs), les ventes sont satisfaisantes selon les exposants. Cette 45ème édition du salon a mis à l’affiche 195 galeries internationales (27 pays représentés). C’est la ligne choisie par cette foire « internationale » d’art contemporain, qui dépasse le champ de la création strictement « contemporaine » et présente un nombre plus conséquent d’artistes très établis sur le marché que de découvertes récentes. Nombreux sont en effet les galeristes à avoir minimisé les risques en profitant des valeurs sûrs de l’art. Parmi les nombreux chefs-d’oeuvre du XXe siècle ainsi présentés sur la dernière édition de la Fiac, citons des toiles remarquables de Francis PICABIA (chez Nahmad et Michael Werner) dont le marché est très favorable aux enchères (indice des prix en hausse de + 368% depuis 2000), et de grands « classiques » tels que De Stael, Picasso, Dubuffet, Fontana, Klein ou Joan Miro. Des choix rentables. Un positionnement gagnant. La participation à la Fiac constitue un engagement financier important d’où les choix stratégiques des exposants, comme la galerie Templon, qui présentait une sculpture majeure de Joan MIRO, L’oiseau lunaire, en écho à la rétrospective en cours de l’artiste Grand Palais, c’est à dire à la porte voisine de celle de la Fiac. L’oeuvre a trouvé acquéreur sur la Fiac pour un prix annoncé de 6,8m$.
La possibilité d’exposer à la Fiac est restreinte par le prix élevés des stands, des prix prohibitifs pour les jeunes galeries, véritables têtes chercheuses de l’Art Contemporain (il faut compter près de 30 000 $ pour « petit » stand). Des repositionnements sont-ils possibles pour soutenir le travail des galeries plus prospectives ou pour des professionnels engagés dans l’accompagnement d’artistes établis mais en mal de reconnaissance internationale ? A l’heure des prises de conscience, certains acteurs du Marché envoient des signaux favorables vers des tentatives de ré-équilibrage: il y a quelques semaines, les organisateurs des salons Art Basel et Frieze annonçaient leur volonté d’adapter le prix de leurs stands (sur la Art Basel Suisse et sur la Frieze de Los Angeles) aux galeries, avec un mètre carré plus cher pour les galeries les plus puissantes, laissant plus de « place » aux galeries émergentes. Le galeriste David Zwirner avait déjà soulevé cette problématique au printemps dernier à l’occasion d’une conférence à Berlin, suggérant que les grandes galeries devraient subventionner les plus petites sur les foires. Mais devraient-elles proposer un soutien sous forme d’aide économique ? Et les directeurs de foires sont-ils sur la bonne voie en proposant d’adapter le prix des stands selon le poids économique de leurs clients ? Ne faudrait-il pas explorer d’autres pistes plus collaboratives où les galeries les plus importantes dédieraient, par exemple, une partie de leur stand à une jeune galerie invitée ? La force de collaboration pourrait être une solution pertinente pour assurer un rayonnement véritable aux galeries émergentes sur les salons de premier plan.
L’écosystème fragiles des foires Off
Tandis que les allées de la Fiac ne désemplissaient pas, l’affluence sur les salons off était bien plus mesurée. Se pose la question du réel bénéfice que tirent les foires off de « l’effet Fiac », tant les évènements satellites sont nombreux. La programmation est riche et diversifiée, certes, mais elle est trop dense pour imaginer qu’un conseiller artistique ou qu’un collectionneur chevronné trouve le temps et la motivation de sillonner l’ensemble des propositions off après avoir digéré près de 3 000 artistes présentés sur les stands de la Fiac. Des choix s’imposent pour tout amateur dépourvu du don d’ubiquité… Pour relancer leur attractivité, certaines « off » ont tenté un repositionnement (changement d’identité du Yia devenu le « Paris Contemporary Art Show », changement de site pour la Outsider Art Fair dans l’Atelier Richelieu), des tentatives qui paraissent pourtant insuffisantes… Un nouveau salon « off » mérite cependant une mention spéciale, « Bienvenue », qui a repensé le format et la stratégie du salon classique, tout en soignant la sélection des exposants : entrée gratuite (contre un ticket de 38 euros pour la Fiac), durée d’exposition allongée (deux semaines), mutualisation via des espaces ouverts et des galeristes en capacité de renseigner les visiteurs intéressés par des artistes sur les stands « concurrents ».
Bienvenue offre une alternative intéressante en connaissance de cause, car le directeur du salon, Olivier Robert, a conscience que de nombreuses galeries ne se sont pas remises d’avoir investi sur des salons par le passé. Plusieurs d’entre elles ont mis la clef sous la porte suite au salon de trop, des galeries provinciales, comme des parisiennes déjà mise en difficulté par l’augmentation du coût des loyers dans la capitale. Les galeries modestes tentent de résister quittent à faire quelques compromis : bon nombre d’entre elles louent leurs murs entre deux expositions, afin d’équilibrer leurs budgets. En déambulant dans le quartier du Marais aujourd’hui, les indications d’espaces « à Louer » ou de « pop up galerie » sont désormais aussi fréquentes que les annonces d’expositions en cours…