TÀPIES ET BARCELÓ – Deux générations de « matiéristes » espagnols

[03/08/2006]

 

Outre leurs origines espagnoles, Antoni TAPIES et Miquel BARCELO ont bien des accointances. Leurs œuvres imposent toutes deux une présence physique d’une rare puissance, de part la densité de la couche picturale qui est grattée, accidentée, empâtée, tachée ou additionnée de matériaux hétérogènes. Si Joan MIRO encouragea Tàpies à exploiter les matériaux les plus divers, Barceló fut fasciné par André BRETON dont l’idée de « rencontre fortuite » (des objets comme des idées) l’a peut-être inspiré dans la quête expérimentale qui l’amène à utiliser autant le sable que la cendre, la céramique que l’ossement.

Antoni Tàpies et Miquel Barceló font rayonner l’art espagnol contemporain dans le monde entier. Né en 1923 à Barcelone, Tàpies est un artiste révolutionnaire qui, après une courte période figurative (entre 1949 et 1951), intégra à ses œuvres des matériaux annexes au champ de l’art et ce, dès les années 50’. Barceló n’a pas encore 50 ans et affiche une cote supérieure à celle de son aîné. En effet, 50% des adjudications pour Barceló excèdent les 30 000 €, contre moins de 10% pour Tàpies. L’importance du marché des estampes de Tàpies (plus de 80% des transactions contre 20% seulement pour Barceló) explique en partie ce fossé. Comptez moins de 1000 € pour des tirages à plus de 500 exemplaires.

L’engouement pour les œuvres de Barceló s’est manifesté précocement puisque il fut exposé pour la première fois dans une galerie espagnole à l’âge de 17 ans. A l’heure actuelle, ses œuvres s’arrachent et le taux d’invendus n’a jamais été si bas (5% en 2005 contre 25% en 2004). Son produit de ventes 2005 (4,1 millions d’€) est au même niveau qu’en 2002, année de sa seule enchère millionnaire pour l’œuvre imposante Autour du lac noir (230 x 296 cm, 850 000£, 1,3M d’€ chez Sotheby’s Londres le 26 juin 2002). Ses œuvres riches en matières sont très convoitées : lors des vacations du 22 juin dernier, deux petits formats des années 90’ étaient proposés : l’huile sur toile Taxi brousse a atteint 70 000 £ (102 263 €, 30 x 41 cm, Sotheby’s Londres) tandis que Plaza con 2 puertas mélangeant huile, sable et papier sur toile a doublé son estimation basse pour une adjudication à 320 000 £ (467 488 €, 47 x 56 cm, Christie’s Londres) ! Au total, son indice des prix affiche une progression de +264% entre janvier 1998 et mai 2006, soit une hausse deux fois plus rapide que pour Antoni Tapiès.

Aucune enchère millionnaire n’a été enregistrée par Tàpies. Mais ses toiles de plus d’1 mètre cotent désormais plus de 100 000 €. Le 22 juin 2006, les 4 œuvres de grands formats dispersées chez Sotheby’s Londres ont passé la barre des 100 000 €. Sa meilleure adjudication date du 9 février 2005 pour Rosa con Franja Negra réalisée en 1963 à l’aide de sable (380 000 £, 552 178 € chez Christie’s Londres).A l’instar de Barceló, certains petits formats très travaillés font de bons scores : l’empâtement de Relief with two symmetrical marks trouva acquéreur pour 130 000 £ (189 423 €, huile, résine et sable, 50 x 61 cm, Christie’s Londres le 9 février 2006). Cette pièce avait été acquise 55 000 £ le 28 juin 1995 chez Sotheby’s Londres. Il y a 20 ans, l’amateur pouvait emporter un petit format autour de 2 000 € : le 25 mars 1986 par exemple, une huile d’environ 25 x 35 cm partit pour 1 100 £ (1 761 €) chez Christie’s Londres.

En « maîtres de la matière », ils travaillent tous deux la céramique. Sur ce terrain, Tàpies affiche une cote 2 fois supérieure à celle de Barceló dont les rares pièces s’échangent autour de 15 000 €. Là encore, ces créations aux formes organiques condensent avec brio les possibilités expressives de la matière.