Takashi Murakami – L’art manga à l’occidental

[27/09/2010]

 

Les artistes contemporains les plus cotés s’avèrent aussi d’excellents chefs d’entreprises. Comme le Britannique Damien HIRST et l’Américain Jeff KOONS, le nippon Takashi MURAKAMI est un redoutable homme d’affaires distillant son œuvre dans tous les interstices possibles : de l’art “noble ” à la peluche, en passant par des accessoires de mode et des pochettes de CD, Murakami inonde le marché.

L’artiste japonais le mieux connu en Occident depuis Katsushika HOKUSAI et Tsuguharu FOUJITA est souvent perçu comme le fils spirituel de Andy WARHOL, avec lequel il confie vouloir rivaliser par le nombre d’œuvres produites, Murakami lance la Hiropon factory en 1996, devenue la société de production Kaikai Kiki Co. en 2001. Cette société faisant travailler une centaine de personnes sur des œuvres uniques, en séries limitées, des produits dérivés, des films d’animation ou des pochettes de disques, lui permet d’assouvir ses ambitions. L’effet Kaikai Kiki, cumulé à sa première exposition à la Fondation Cartier de Paris (2002) et à sa collaboration avec Louis Vuitton allaient provoquer une véritable boulimie d’achats. En 2003, le nombre de ses transactions en salles des ventes augmentait de +650% propulsant son chiffre d’affaires aux enchères de +258%. L’année 2003 est un jalon dans sa carrière, car elle signe le début d’une fructueuse collaboration avec Louis Vuitton. Les deux parties y ont trouvé leur compte : la marque de luxe française lançait ainsi une opération séduction pour relancer son 1er marché, le Japon, et l’esthétique de Murakami devenait définitivement tendance, envahissant les rues des grandes métropoles. La progression de ses produits des ventes aux enchères annuels illustre une belle réussite : en 2002, son volume d’affaires en salles était inférieur à 1 m€, il affichait 3 m€ sur l’année 2003 pour culminer à 21,4 m€ sur l’année 2008 !

Le chiffre d’affaires spectaculaire de 2008 doit beaucoup à My lonesome cowboy, une sculpture de 2,54 mètres représentant l’éjaculation triomphante d’un satyre version manga. L’œuvre défrayait la chronique en signant un record à 13,5 m$ (8,7 m€) en mai à New York, contre une fourchette d’estimation de 3-4 m$. Il existe quatre épreuves du Cow-boy lubrique, dont une est conservée à la pointe de la Douane, récent sanctuaire d’exposition vénitien de la collection François Pinault. Le célèbre collectionneur enrichissait encore en 2009 sa collection du Palazzo Grassi (Venise) d’une immense toile de plus de sept mètres intitulée The Emergence of God at the Reversal of Fate, toujours signée Murakami.

Sur la période juillet 2009-juin 2010, les scores du nippon sont en berne, malgré sa 25ème place parmi les artistes contemporains classés par produit de ventes. Ses recettes sont en effet tombées de 8 m€ entre juillet 2008 et juin 2009 à 3,4 m€. Murakami, qui affichait un marché particulièrement spéculatif pendant la bulle, s’est fait discret en salle des ventes : parmi les 223 œuvres vendues entre juillet 2009 et juin 2010, outre la pléthore d’œuvres multiples et abordables, il enregistrait neuf enchères à plus de 100 000 €, mais aucun score millionnaire. A défaut de résultats spectaculaires en salles de ventes, Takashi Murakami se retrouve sous les feux de la rampe grâce à son exposition théâtrale au Château de Versailles, qui se poursuit jusqu’au 12 décembre 2010.

Ses fans dépourvus d’un budget suffisant pour espérer acquérir une toile ou une importante sculpture peuvent se consoler avec la manne de figurines et de lithographies très largement éditées, dont les prix s’échelonnent de quelques dizaines à quelques centaines d’euros. Les sérigraphies inondent le marché et représentent 63% des œuvres de l’artiste proposées aux enchères dans le monde.
La distinction entre l’œuvre d’art et le produit dérivé est annihilée dans l’art de Murakami, si bien que l’on trouve même des planches de skateboard sérigraphiées en salles des ventes. Comptez entre 800 et 1 000 € pour vous déplacer sur une planche dans le pur style Poku.