Sotheby’s, la réunion fait la force

[14/12/2020]

Les grandes sociétés de ventes misent plus que jamais sur la transversalité en cette fin d’année. Il en va ainsi de la récente vacation de Sotheby’s, qui, depuis New York, affichait un catalogue d’œuvres restreint mais solide, libéré du traditionnel découpage par périodes de création. Une vacation mélangeant l’art du passé à l’extrême nouveauté, l’impressionnisme à l’ultra-contemporain.

25 lots composaient cette vente, plus hybride que jamais, du 8 décembre dernier. 25 lots seulement, triés sur le volet, dans une réunion inédite de signatures parmi les plus demandées du marché. En rupture avec la tradition et les frontières temporelles, le catalogue amenait Glenn Ligon à coté de Marc Chagall, Matthew Wong de Claude Monet, Jenny Saville de Henri Matisse… un voyage totalement décomplexé à travers 150 ans de création artistique.

Une soirée à 63,4m$

Parmi ces 25 lots, très peu d’invendus affichés (8%), mais il faut savoir que cinq lots ont été retirés avant la vente, dont une œuvre d’Edvard MUNCH (1863-1944) attendue entre 3 et 4 m$. Il est probable que ces œuvres n’aient pas suscité suffisamment d’intérêt avant le début des enchères et qu’elles aient été retirées pour éviter qu’elles ne soient “grillées”, pour reprendre le jargon des marchands.

Loin de l’éclat des années passées lors des grandes ventes new-yorkaises d’art impressionniste, moderne et contemporain, le résultat final reste solide au vu des lots offerts. Sotheby’s a vendu pour 63,4 millions de dollars ce 8 décembre, contre une estimation comprise entre 40,1m$ et 58,6m$.

matthew wong

Matthew Wong, Pink Wave 2017

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Le plus beau Calder de l’année

Une oeuvre s’est démarquée plus que tout autre : Mariposa, un superbe mobile de CALDER aux “pétales” rouges, jaunes et noires dansants dans l’air. Annoncée entre 6 et 8 millions de dollars, l’œuvre est partie 10 millions au-dessus de la fourchette haute, pour un prix final de 18,2m$. Elle devient la quatrième sculpture la plus cotée d’Alexander Calder sur le marché des enchères. Cette œuvre avait été achetée l’année même de sa création, en 1951, pour la collection de la société Neiman Marcus dont le fondateur, Stanley Marcus, se voit contraint de vendre sa collection d’entreprise pour cause de dépôt de bilan.

Un Picasso raisonnable

Seule oeuvre plus estimée que celle de Calder, Buste de femme assise (1962) de Pablo PICASSO est partie pour 11,2 m$, soit sept millions sous le Calder.  Mais la cote de ce Picasso a explosé si l’on trace son historique de vente. Il y a 27 ans, Christie’s vendait en effet ce même Buste de Femme pour 481.000$ à Londres. La valeur de cet étonnant portrait de Jacqueline a donc augmenté de plus de 10 millions, et la révision de son prix implique un taux de progression de 2.224% en un peu moins de trois décennies.

Matthew Wong, absorbé par le marché un an après sa mort

Aujourd’hui, les nouveaux Picasso proposés dans les catalogues de ventes se nomment Amoako Boafo ou Matthew WONG (1984-2019). Une œuvre de ce dernier était proposée chez Sotheby’s le 8 décembre, accompagnée d’une littérature rapprochant le style de Wong à celui de Peter DOIG et de Vincent VAN GOGH. Des arguments forts, nécessaires pour justifier une estimation haute de 400 000$, soit plus ou moins la valeur du Buste de femme assise de Picasso au début des années 1990.
Ces arguments ont, somme toute, plaidé en faveur de la toile Pink Wave de Wong, finalement vendue au prix de 2,3m$. Mais ce qui aura plaidé avec encore plus d’éloquence est ce record spectaculaire, emportée quelques jours auparavant par une autre toile du jeune prodige : estimée autour d’un million de dollars par Phillips Hong Kong River at Dusk (2018) s’envolait à près de 5m$ le 3 décembre ! Un prix exorbitant pour un artiste dont le travail n’avait jamais été présenté aux enchères avant 2020…

Tragiquement disparu l’an dernier à l’âge de 35 ans, Matthew Wong a été salué comme “l’un des peintres les plus talentueux de sa génération” par Roberta Smith, critique d’art au New York Times. Il a surtout été absorbé post-mortem par un marché toujours en quête de nouveaux mythes.