Sotheby’s et Taubman : une collection trop marketée?

[29/12/2015]

 

Trêve hivernale ! Les sociétés de ventes bouclent leur année et affinent les ventes à venir au premier trimestre 2016. Sotheby’s est déjà bien prête pour la dispersion des œuvres de maîtres anciens ayant appartenu à Alfred Taubman, le businessman-collectionneur qui fut président de l’illustre société de ventes. Cette vente, prévue le 27 janvier 2016, sera la troisième et avant-dernière cession sous le label Alfred Taubman.

Trois volets de ventes dédiées à cette pléthorique collection ont déjà rythmé l’automne : la première et la plus importante dispersait 77 chefs-d’oeuvre triés sur le volet, à grand renfort médiatique. La vacation eu lieu le 4 novembre 2015. Sotheby’s vendait pour 377 m$ d’oeuvres (dont 12 œuvres vendues plus de 10 m$ et le portrait de Paulette Jourdain, d’Amedeo Modigliani cédé 42,81 m$), un résultat impressionnant pour une collection privée, mais un résultat décevant malgré tout…

Deux semaines passèrent avant que ne soit dispersé un volet de la collection Taubman, réservé à l’art américain des XIX et XXème siècles : une « petite » vente en regard de la première, qui fit moins de bruit, générant 13 m$ de recettes et signant au passage le record mondial de l’artiste Martin Johnson HEADE à 5,85 m$ (avec The Great Florida Sunset)… un nouveau record certes, mais une déception ici encore, car la toile de Heade était attendue entre 7 et 10 m$.

Le manque d’enthousiasme des ventes Taubman, arrivées après un premier semestre délicat pour Sotheby’s (cours de son action en chute de 7,45% sur le premier semestre), ne fit que plomber un peu plus l’action de la société (chute 16 % après les ventes de novembre). Les coûts élevés pour la préparation et l’organisation des grandes ventes, le système des garanties (la seule vente Taubman était garantie à hauteur de 500 m$) et le manque de surenchères ont placé Sotheby’s dans un réel inconfort. Le nouveau directeur Tad Smith annonçait d’ailleurs cet automne un plan de départ volontaire au sein de la compagnie, une méthode douce avant de procéder à d’éventuels licenciements. Tad Smith est décidé à faire des économies, mais certainement pas à lâcher prise, en témoigne l’embauche récente de Marc Porter (décembre 2015), ancien responsable de Christie’s Amérique.

Un autre volet de la vente Taubman se tiendra le 27 janvier 2016. Sotheby’s annonce à cette occasion des icônes absolues de l’histoire de l’art telles que Raphaël et Dürer. Ces signatures sont bien au catalogue, sans l’être avec des œuvres spectaculaires pour autant : de RAPHAEL sera mis aux enchères un Portrait de Valerio Belli peint à l’huile sur un petit panneau ovale de 12 centimètres. Cette œuvre, l’un des rares Raphaël encore en mains privées, est attendue entre 2 et 3 m$. Quant à l’oeuvre de Albrecht DÜRER, il s’agit d’un dessin à l’encre d’un Christ cloué sur la croix, estimé 1-1,5 m$. Le clou de cette vente sera le Blue Page de Thomas GAINSBOROUGH, attendue entre 3 et 4 m$. Outre ces trois chefs-d’oeuvre, la vente Taubman risque de manquer de sel…

Une épreuve de rattrapage aura lieu le lendemain, le 28 janvier 2016, où l’excitation promet de monter d’un cran via une autre vacation de prestige dédiée au maîtres anciens qui, outre de magnifiques tableaux de Cranach et de Jordaens, offrira aux enchérisseurs l’une des toiles baroques les plus importantes vue en salle depuis des décennies : une magnifique Danaë d’Orazio GENTILESCHI, que les visiteurs ont pu admiré ces deux dernières années au Metropolitan Museum of Art. Si celle-ci se vendait dans son estimation de 25-35 m$, elle signerait le record absolu de Gentileschi, record qui culmine à 7 m$ depuis 20 ans (vente de la toile The Finding of Moses chez Soheby’s Londres, le 6 décembre 1995).

La vente Taubman est une chose, mais les chefs-d’oeuvre sont loin d’être son exclusivité. Sotheby’s n’aurait-elle pas trop médiatisé cette collection au dépend d’autres ventes qualitativement plus intéressantes ?