Roy Lichtenstein

[18/02/2014]

 

Les prix flambent pour les valeurs sûres de l’art américain du XXème siècle. Lorsque Andy WARHOL s’affirme comme l’artiste le plus rentable de la planète, son acolyte Roy LICHTENSTEIN suit la tendance et réalise sa meilleure année d’enchères en 2013.

Un demi-siècle après leur création, les figures réfléchies par Andy Warhol, Roy Lichenstein, Jasper JOHNS et Robert RAUSCHENBERG sont considérées comme des oeuvres classiques de la seconde moitié du XXème siècle et peuvent atteindre plusieurs millions de dollars aux enchères. Pourtant, lors de leur création celles-ci s’adressaient à un large public. Mouvement très médiatique, le Pop art affiche une production emblématique. Les oeuvres se sont en quelque sorte mues des icônes modernes. Certains artistes ont récupéré les symboles de l’Amérique de leur temps, d’autres ont matérialisé l’œuvre d’art à partir de produits de consommation courante pour offrir des messages accessibles au plus grand nombre. Ces images cultes circulent en masse grâce aux procédés sérigraphiques. Logiquement, le marché du Pop art devrait faire face à une masse de consommateurs mais les prix atteints par ses stars, notamment pour les œuvres uniques, le rendent inaccessible à la plupart.

Le pape du Pop, Andy Warhol, est aujourd’hui l’artiste le plus rentable du monde des enchères : il signait 40 résultats millionnaires en dollars au cours de l’année 2013, dont un nouveau record à 94 m$ plus de 70 millions d’euros), soit 1 m$ de moins que le record de Pablo Picasso pour une œuvre intitulée Silver Car Crash (Double Disaster) (vente du 13 novembre 2013 chez Sotheby’s New York). Lichtenstein n’atteint pas encore ces sommets et culmine quant à lui à 50 m$ (soit 38,5 millions d’euros) mais depuis quatre ans, sa meilleure enchère est invariablement réévaluée chaque année… Les acheteurs les plus fortunés se ruent sur les oeuvres historiques des années 60 et 70, oeuvres dont les sujets et les qualités stylistiques sont diverses car Lichstentein à beaucoup joué avec la peinture et son histoire. En effet, si Lichtenstein fut à l’avant-garde du Pop dans les années 60, il fut aussi l’un des premiers artistes « post-modernes » en s’amusant à détourner les figures tutélaires de l’histoire de l’art. Presque aussi connus que ses scènes pixellisés détournées des Comics, ses natures mortes, paysages ou portraits inspirés de grands maîtres modernes dont Matisse, Picasso et Léger affichent eux aussi des performances de plus en plus étonnantes.

Plus cher que Claude Monet

Les oeuvres de Lichtenstein atteignent déjà allègrement le million à la fin des années 80 mais tout s’accélère dans les années 2000 : l’artiste passe le seuil de 5 m$ en 2002, puis de 10 millions en 2005 et de 40 millions en 2012… cette progression spectaculaire amène finalement l’artiste au niveau de prix des valeurs-étalons du marché, car certaines de ses toiles valent une œuvre de Picasso ou de Monet. Un sommet de 40 m$ atteint en 2012 lui permet alors de devancer l’impressionniste Claude Monet dans le classement des meilleures enchères 2012… une Sleeping girl, issue de la série des sexy comic books, devient ainsi plus chère que l’une des séries les plus célèbres de l’histoire, celle des Nymphéas de Monet (39 m$ pour des Nymphéas de 1905, le 5 novembre 2012, Christie’s NY). Cet exemple par le prix témoigne du rajeunissement du marché : un maître est un maître, qu’il soit impressionniste ou Pop. Les acheteurs n’ont aucun mal à valoriser les générations d’après-guerre et contemporaine au même titre les modernes. Par ailleurs, un tel sommet de 40 m$ ne peut être atteint que grâce à une demande véritablement mondialisée. Pour Sleeping girl, les enchérisseurs ont téléphoné depuis la Chine, les États-Unis, l’Amérique latine et l’Europe, se livrant bataille pour obtenir le nouveau graal : l’une des oeuvres les plus chères du Pop art, répondant à un précédent record de 38,5 m$, décroché six mois plus tôt par I Can See the Whole Room!… and There’s Nobody in it (Christie’s NY). La compétition s’est confirmée en 2013, année au terme de laquelle Lichtenstein s’est imposé comme le huitième artiste le plus coté au monde, générant 140,5 m$ de produit de ventes annuel.

2013 : année historique

Espérée au-delà de 30 m$, la version selon Lichtenstein d’une femme au chapeau picasienne – un portrait de Dora Maar – part pour 50 m$ (38,5 millions d’euros) le 15 mai 2013 chez Christie’s New York. L’œuvre marque là l’un des plus beaux coups de marteau de l’histoire des enchères et le meilleur de l’histoire de l’artiste, celui qui enterre de 10 m$ un précédent exploit frais d’un an (Sleeping Girl, adjugée 40 m$, le 9 mai 2012 chez Sotheby’s New York). L’oeuvre détentrice du nouveau record, Woman with Flowered Hat, imposante et bien datée (127 x 101.6 cm, 1963), est soumise à enchères à point nommé, en parallèle d’une grande rétrospective de l’artiste à la Tate Modern de Londres. L’artiste Pop est âgé de 38 ans lorsqu’il réalise cette œuvre qui témoigne d’un Picasso digéré par la culture populaire. Derrière l’aspect comique de la figure revisitée, le respect est sous-jacent pour le maître moderne car Lichtenstein confie parodier ceux qu’il admire. Galvanisé par ce nouveau record, les enchérisseurs mobilisés ce 15 mai se sont emballés pour un autre Lichtenstein de la même vente, le lot 49, une œuvre tardive intitulée Nude with Yellow Flower. La toile s’est envolée 5 m$ au-dessus de son estimation haute. Prix final : 21 m$, plus de 16 millions d’euros, non pas pour une toile historique mais pour une œuvre de 1994 ! Chose inimaginable il y a peu, la cote des oeuvres récentes suit celle des pièces historiques, si bien que trois enchères à plus de 20 m$ récompensent des oeuvres des années 90 depuis deux ans . L’artiste a dégagé en 2013 le meilleur produit de ventes annuel de son histoire avec 20 adjudications millionnaires. Sa hausse de prix (+152 % sur la décennie) suivant avec un décalage de quelques années celle de Warhol, Lichtenstein pourrait aller plus loin encore si le marché haut de gamme newyorkais tient le cap.

La moitié des oeuvres accessible

Un Lichtenstein à moins de 5 000 euros ? C’est possible. Cela concerne d’ailleurs la moitié de ses oeuvres mises à l’encan car l’artiste fut aussi un graveur dès la fin des années 1940. Sa pratique s’intensifie à la fin des années 60 avec la réalisation des Cathedrals (Cathédrales) et des Haystacks (Meules de foin) d’après Monet. Chaque année ou presque, il réalise une nouvelle série, cherchant les innovations techniques auprès d’ateliers réputés. Il multiplie les supports (feuilles plastiques, métalliques ou papiers) et explorent diverses techniques, parfois sur une même feuille(sérigraphie, lithographie, eau-forte, gravure sur bois, etc.). Les estampes les plus riches passent aisément le seuil des 10 000 euros dès lors qu’elles sont numérotées sur moins de 100 exemplaires et signées. Les oeuvres abordables à moins de 5 000 euros se trouvent souvent être des affiches lithographiques signées. Plus intéressant néanmoins pour le chercheur assidu : quelques lithographies éditées et numérotées sur 250 exemplaires ou plus passent en salle. Pour les emporter, il faut avoir l’oeil partout car elles sont proposées aux quatre coins du monde, Séoul, Londres, Tokyo, Paris, Berlin, Chicago, New York… Suivant la hausse, les oeuvres multiples se font de plus en plus cher. Un nouveau record à 265 000 $ – plus de 192 000 euros – fut d’ailleurs emporté en 2013 par une rare lithographie de 1994, éditée sur 10 exemplaires (Nude with Blue Hair, State I, from Nudes Series, Christie’s New York le 30 octobre dernier).