Roman Opalka – Composer avec le temps

[16/08/2011]

 

Rares sont les œuvres devenues projets de vie, celle de Roman OPALKA restera dans l’histoire de l’art comme l’une des plus acétique et des plus cohérente qui soit.
L’artiste est décédé brusquement le 6 août 2011 à l’âge de 79 ans, achevant une œuvre de 45 ans laquelle, intitulée 1965-∞, change de titre pour 1965-2011.

Il faut une rigueur hors du commun pour tenir un protocole de création aussi strict que le sien. Chez Opalka, tout l’œuvre est sous contrôle hormis le moment de son achèvement. Depuis la première oeuvre recouverte d’une suite numéraire partant du chiffre 1, il utilise toujours le même format de toile, la même qualité de peinture, le même type de pinceau.A partir de 1972, lorsqu’il atteint le premier million, il radicalise et densifie ce protocole, en décidant d’ajouter d’une toile à l’autre 1% de blanc au fond gris de sa toile (jusqu’à la rencontre blanc sur blanc), enregistre la numération qu’il énonce à voix haute en polonais (sa langue maternelle) et se prend en photo à la fin de chaque séance de travail.
L’œuvre se construit avec la durée, rythmée par des chiffres qui sont autant les alliés rassurants de l’œuvre (le temps artistique est une promenade maitrisée) que les témoins d’une mécanique sadique qui mène à l’effacement.

Son marché aux enchères s’est lui aussi imposé avec le temps.Dans les années 90, ses dessins et acryliques se sont d’abord échangés à Varsovie, à Cologne et à Paris. Ses détails à l’encre sur papier (format 33 x 24 cm) étaient alors accessibles entre 2 500 et 10 000 $. Dans les années 2008-2011, il faut désormais compter entre 30 000 et 100 000 $ pour emporter ces mêmes œuvres aux enchères. Celles-ci s’échangent par ailleurs plus chèrement dans les salles de Londres et de Paris que de Munich, Cologne, Berlin ou Varsovie.
Ses Détails à l’acrylique sur toile, cédés entre 60 000 et 90 000 $ en moyenne entre 1990 et 2004 commencèrent à emmener les enchères au delà du seuil des 100 000 $ à partir de 2004. Les meilleurs prix réalisés aux enchères sont signés à partir de 2010 avec la dispersion de la collection Sammlung Lenz Schönberg le 10 février 2010 puis celle de la collection Peter Stuyvesant Collection le 8 mars 2010 chez Sotheby’s Amsterdam. A Londres d’abord, les trois acryliques Détails 5006016 – 5023628; 5023629 – 5049738; 5049739 – 5065512 vendues ensemble se sont arrachées 600 000 £ (est. 240 000-360 000£), soit plus de 1,1 million de dollars si l’on inclut les frais.
Le mois suivant à Amsterdam, l’œuvre issue de la collection Peter Stuyvesant quintuple son estimation basse pour un coup de marteau équivalent à 354 000 $ (260 000 €, 1965/1-∞, detail 2890944 – 2910059), puis en octobre 2010, un triptyque change de mains pour 680 000 £ (plus d’1 m$, Christie’s Londres, 14 octobre).

Parallèlement aux détails numéraires, des détails photographiques sont parfois (rarement) proposés en salles. Leur radicalité fait écho aux œuvres peintes car ces autoportraits photographiques affichent au fil des années, la même lumière diaphane, la même neutralité d’expression, l’immuable chemise blanche, le fond immanquablement blanc dont la couleur des cheveux et le visage chenu tendent à se rapprocher. Le visage de Roman Opalka traverse le temps autant qu’il est traversé par lui. La cote de ses photographies uniques, en noir et blanc, est passée de 4 000 à 12 000 $ entre le début et la fin de la décennie (2006-2009).

En France, l’exposition intitulée Le vertige de l’infini permet de découvrir les différentes facettes de cette aventure artistique extrême (à Thonon du 02/07 au 02/10/11, chapelle de la visitation).