Robert Indiana. LOVE

[12/06/2018]

« Je fais partie des jeunes peintres qui se sont tournés vers des sources triviales : Coca-Cola, sodas, supermarchés, panneaux d’autoroute. Ils sont avides de regards. Ils éclatent (they pop). » (Robert Indiana, 1963).

HOPE, LOVE, ART, EAT…. 1, 2, 3 ,4, 5, 6….

Décédé en mai dernier à l’âge de 89 ans, Robert Indiana est parfois décrit comme un artiste lexical et numéral. Mots et chiffres, mais aussi objets et figures géométriques, compose le vocabulaire plastique de cet artiste auto-proclamé « peintre américain des signes ».

Né Robert Clark en 1928 à New Castle, il prend le nom de Robert INDIANA en hommage à l’état de l’Indiana, où il vécu une enfance heureuse, marquée par d’incessants road-trip avec ses parents (21 déménagements avant l’âge de 17 ans). Après un passage par l’US Air Force, il entame sa formation artistique à l’Art Institute de Chicago en 1949 puis, il séjourne au College of Art d’Edimbourg, voyage en Europe et revient aux Etats-Unis en 1954, choisissant New York plutôt que Chicago. De là, il participe à la naissance du Pop Art, puisant sa matière dans la culture populaire, l’imagerie publicitaire et les codes de la signalisation routière (les souvenirs d’enfance). En six décennies de création Robert Indiana a exploré l’identité américaine et en a décortiqué le langage, tout en insufflant à ses œuvres une dimension politique et poétique. Sa disparition n’éteint pas un emblème en quatre lettres, qui ne cesse de se diffuser dans les espaces publics, privés et dans les salles de ventes : LOVE.

LOVE. L’emblème

Avec sa lettre O en bascule, le fameux LOVE de Robert Indiana n’est pas seulement devenu l’un des emblèmes du Pop Art. Sa diffusion virale et planétaire s’est imposée comme un mot d’ordre, un symbole, un cri de ralliement, ainsi que l’espérait l’artiste lui-même. LOVE est une oeuvre typographique, dont le lettres LO sont situées au-dessus des lettres VE. Sous le mot simple, l’artiste dissimule plusieurs strates de sens, à la fois autobiographiques et politiques. Le choix des couleurs d’origines (bleu, vert, rouge) serait un hommage direct à son père, ayant travaillé dans une station à essence Phillips 66 pendant la Grande Dépression américaine des années 1930. Quant au mot LOVE, « Amou », il renverrait au contexte religieux de son enfance. L’église Scientiste qu’il fréquentait avec sa mère était en effet ornée du message « God is Love » que l’artiste détournera en « Love is God ».

Voici plus d’un demi-siècle que son LOVE se diffuse dans le monde. Tout à commencé avec une carte de vœux pour le prestigieux MoMA de New York, en 1965, largement imprimée. L’année suivante, la série LOVE est exposée au sein la Stable Gallery de New York et entre dans le circuit plus prestigieux du marché de l’art contemporain américain. Rapidement, cette œuvre devient l’une des plus populaires de l’art du XXème siècle, et l’icône de toute une génération qui lutte contre la guerre du Vietnam. En 1970, elle est encore abondamment diffusée sur la jaquette du livre d’Erich Segal, Love Story. Trois ans plus tard, LOVE se multiplie sur les timbres postaux américains à l’occasion de la Saint Valentin. C’est un succès sans précédent : plus de 300 millions de timbres sont vendus. Du timbre poste à la sculpture monumentale, l’oeuvre sera déclinée à l’infini par son créateur, parodiée par les autres, dans toutes les langues et tous les pays. Par cette répétition obsessionnelle, Indiana espérait réveiller l’amour même, en inondant le monde de son signe.

Certains trouvent regrettable que la prolifération et la popularité du LOVE ait occulté le reste de son œuvre, notamment ses premières créations. Il est vrai qu’au jeu des enchères, le marché repose essentiellement sur cette pièce. Sur les six premiers mois de l’année 2018, une soixantaine d’oeuvres affichant LOVE se sont présentées aux enchères, soit la moitié des œuvres d’Indiana proposées sur cette période, toutes thématiques confondues. Les collectionneurs les plus fortunés sont prêts à débourser plus de deux millions de dollars pour un LOVE sur toile ou en sculpture. Plus de 4m$ – un record – furent payés en mai 2011 pour Love Red-Blue en aluminium peint sur trois exemplaires (Christie’s New York, le 12 mai 2011). Mais la diversité des supports et des éditions permet à des collectionneurs plus modestes d’accéder à cette oeuvre : il faut compter entre 4 000 et 6 000 $ pour une sérigraphie signée sur 200 exemplaires, et autour de 300 $ pour une sérigraphie exempt de signature et plus largement éditée. LOVE poursuit sa diffusion à travers les salles de ventes du monde entier, des Etats-Unis au Royaume-Uni, en passant par la Turquie, la France, la Belgique, l’Autriche, l’Italie ou l’Allemagne. La soif d’amour semble intarissable…