Retour sur les grandes ventes d’octobre

[03/11/2020]

Art ancien, impressionniste, moderne et contemporain… les ventes de prestige se sont achevées il y a quelques jours. De la compétition entre un Tyrannosaure Rex et une toile de Monet chez Christie’s, à trois sculpturales alfa-romeo de Franco Scaglione suivant une oeuvre de Richard Prince chez Sotheby’s, ces ventes ont parfois étonné par leur hybridité. Les maisons de ventes sont-elles parvenues à capter l’attention des grands acheteurs ? Verdict avec ce retour sur les plus belles adjudications du mois d’octobre.

En ces temps de crise sanitaire trimbalant son lot de restrictions et ses doutes face à l’avenir, il n’est pas si aisé de convaincre les collectionneurs de se défaire de leurs plus belles oeuvres. Or, tout l’enjeu des sociétés de ventes réside dans la capacité à assurer un bon continuum qualitatif et un bon taux de ventes.

Malgré un contexte dont l’anormalité fini par devenir la nouvelle norme, les ventes étaient stimulantes avec des oeuvres signées Cranach, Twombly, Francis Bacon, Gerhard Richter ou encore Giacometti… Les résultats, eux, sont encourageants, puisque 299 oeuvres ont été vendues au-dessus du million de dollars, dont 20 à plus de 10 millions.

Deux maîtres chinois et un abstrait américain sur le podium

La plus belle adjudication n’est pas forcément là où on l’attendait. Elle ne provient ni de New York, ni de Hong Kong mais de Pékin, avec un maître ancien du XVIe siècle – WU Bin (c.1568-1620) – dont un immense rouleau mêlant calligraphie et paysage a atteint le prix spectaculaire de 76,6m$. Cette vente historique menée par Poly International signe le nouveau record pour le maître de la dynastie Ming, une cinquantaine de million de dollars au-dessus du précédent sommet de l’artiste. Ce qui n’est pas rien…

Pas moins de 299 oeuvres vendues au-dessus du million de dollars,
dont 20 à plus de 10 millions.

Le deuxième résultat le plus impressionnant revient aussi à un maître ancien chinois, actif cette fois au XIVᵉ siècle. Il s’agit de REN Renfa (1255-1327) dont le prestige et la rareté des oeuvres justifie un prix de 39,5m$, obtenu par Sotheby’s à Hong Kong. Un bémol est à apporter à ce remarquable coup de marteau car le prix de cette oeuvre perd -11% comparé à son adjudication de 2016 (Five Drunken Kings Return on Horses, 44,1m$, Poly International).

Le troisième tendrait à prouver que l’art contemporain est une valeur refuge au même titre que l’art ancien, puisque Cy TWOMBLY clos le podium. Chef-d’oeuvre de la vente Christie’s du 6 octobre (laquelle totalise 340,8m$), son oeuvre Untitled [Bolsena] de 1969 a fait mieux que le spectaculaire Tyrannosaure Rex. Comptez 38,7m$ pour l’abstrait américain contre 31,8m$ pour le roi des lézards. Lors de cette vente du 6 octobre, cinq autres oeuvres ont passé les 10 millions sous les signatures de Mark Rothko, Pablo Picasso, Paul Cézanne, Willem de Kooning et Jackson Pollock.

Les sociétés de ventes les mieux placées

Sotheby’s devance ses concurrents. Si l’on s’en tient aux 50 plus beaux coups de marteau d’octobre, 48% d’entre eux se rattachent à la société américaine propriété de Patrick Drahi, contre 38% pour Christie’s et 10% pour Poly International. Phillips et Bonhams complètent le tableau avec une enchère millionnaire chacune: la première pour Couple aux têtes pleines de nuages (1937) de Salvador DALI (10,6m$), la seconde pour un Georg BASELITZ de 1982 (Das letzte Selbstbildnis I, 6,4m$).

Près de la moitié des 50 meilleures adjudications proviennent de Sotheby’s.

Outre le Twombly vendu à plus de 30 millions de dollars, Sotheby’s a obtenu des résultats importants pour plusieurs oeuvres dont une grande abstraction de Gerhard RICHTER, qui s’est envolée pour 27,7m$ (Abstraktes Bild (649-2)).
Sa vente du 21 octobre (90,4m$) a par ailleurs confirmé le succès de BANKSY avec “Montre-moi le Monet”, vendue à un collectionneur privé asiatique pour 9,8m$. Quelques jours plus tôt à Hong Kong, Sotheby’s vendait déjà un Banksy de plus de six mètres de haut – Forgive us our trespassing – pour 8,2m$. Crise ou pas, les performances de Banksy ne cessent de progresser. L’année 2020 affiche déjà un produit de ventes record pour l’artiste, avec plus de 41 millions d’oeuvres vendues, contre 24 millions l’année dernière.

Crise ou pas, les performances de Banksy progressent.

Fin octobre, Sotheby’s a récolté 141m$ pour l’art impressionniste, moderne et contemporain, dont près de 15m$ pour trois alfa romeo conçues pour être admirées plus que pour être conduites. Seul lot mieux estimé que les voitures sculpturales, un chef-d’oeuvre de Mark ROTHKO attendu pour plus de 25m$ ne s’est malheureusement pas vendu. Un échec cuisant rattrapé par la vente d’un mobile de Alexander CALDER (Sumac 17, 8,3m$), une toile de Frank STELLA (sans titre, 8m$), puis par une sculpture de Alberto GIACOMETTI (Femme Leoni, 25,9m$), une toile de Vincent VAN GOGH (Fleurs dans un verre, 16 m$), de René MAGRITTE (14m$) et enfin de Giorgio DE CHIRICO, dont le nouveau record mondial établi à 15,9m$ rassure sur la tenue d’un marché dont l’action n’aura jamais été si contrainte.

Le nouveau record de De Chirico rassure sur la tenue d’un marché dont l’action n’aura jamais été si contrainte.