Résultats mitigés à New-York

[26/05/2009]

 

A l’issue du premier trimestre 2009, l’indice des prix de l’art s’est effondré de –10% à l’échelle mondiale. A New-York, haut lieu des ventes de prestige, la crise frappe particulièrement fort : ce même indice perdait -35% depuis janvier 2008. Les vacations de mai étaient donc attendues à Manhattan, non sans une certaine fébrilité. Le marché haut de gamme fut testé sur une dizaine de jours avec l’art impressionniste et moderne (5 mai chez Sotheby’s, 6 mai chez Christie’s), puis l’art d’après guerre et contemporain (entre le 12 et le 16 mai).

En une semaine de ventes new-yorkaises, les trois auctioneers ont dispersé 734 œuvres d’art contemporain, pour un chiffre d’affaires global de 180M$… soit 660M$ de moins que les performances réalisées en 2008 lors des mêmes vacations de mai ! La spéculation faisait alors valser les enchères millionnaires. En 2009, la détérioration des conditions du marché engendre inexorablement des contre-performances importantes. On compte par exemple trois fois moins d’adjudications millionnaires pour le secteur contemporain : soit 40 en mai 2009, contre 132 en mai 2008.

Fin de l’ère spéculative, demande essoufflée entraînant une restriction de l’offre et estimations révisées à la baisse ont largement amputé les chiffres d’affaires des trois ténors du marché Sotheby’s, Christie’s et Phillips de Pury & Company. La chute est particulièrement rude pour Sotheby’s. L’auctioneer annonçait une baisse de 58% du résultat au premier trimestre 2009 par rapport à la performance de 2008 et espérait relever la barre grâce aux ventes new-yorkaises. Il n’en fut rien : les 81,5M$ espérés de la vacation impressionniste et moderne du 5 mai se sont réduits à un produit des ventes de 52,9M$, soit 155M$ de moins que l’an dernier sur la même période. Une semaine plus tard, le résultat de sa Part I d’art contemporain dégringolait de –87,4% par rapport à la cession de mai 2008.

Rappelons qu’en mai 2008, Sotheby’s réalisait sa plus belle performance pour une vacation d’art contemporain avec un chiffre record de 320,6M$, au-delà des prévisions les plus optimistes. Cette année, Sotheby’s doit se contenter de 40M$… Cette vacation exceptionnelle de mai 2008 fut couronnée par un Triptych de Francis BACON adjugé 77M$ au milliardaire russe Roman Abramovic. Ce seul coup de marteau frappé pour le Triptych de Bacon flirte cette année avec le produit des ventes de la vacation contemporaine de Christie’s (80,8M$ pour 49 lots vendus).
Sotheby’s vendaient 39 lots sur 40 présentés le 12 mai 2009, contre 73 lots dispersés pour la cession contemporaine de 2008. Les résultats sont mitigés pour les pièces phares de la vacation : la grande toile de Martin KIPPENBERGER s’est vendue dans sa fourchette d’estimation à 3,6M$, l’œuf de pâque baroque de Jeff KOONS partait 1,2M$ sous les prévisions (4,7M$), ainsi que le monumental Camouflage d’Andy WARHOL qui fut frappé 1,45M$, contre une attente de 1,8M$. Parmi les autre enchères millionnaires de Sotheby’s, une toile de Mark ROTHKO, sombre et dramatique intitulée Black, red-brown on violet partait pour 1,4M$, (estimation 1,5M$-2M$). Le lendemain, Christie’s ravalait une œuvre plus colorée du même artiste, surestimée à 3M$-4M$.
L’américain Richard PRINCE et la britannique Cecily BROWN furent plus ardemment soutenus : la toile Can You Imagine de Richard Prince, partait pour 1,15M$ contre une estimation de 600 000 – 800 000$, et Girls Eating Birds de la protégée de Charles Saatchi décrochait 1M$, contre une estimation haute de 900 000$ (Sotheby’s).Au final, Sotheby’s décrochait 14 enchères millionnaires pour l’art contemporain contre 26 chez Christie’s. Les meilleurs résultats chez Christie’s furent emportés par Roy LICHTENSTEIN (Frolic, 5,3M$), Jean-Michel BASQUIAT (Mater, 5,15M$), David HOCKNEY (Beverly Hills Housewife, 7M$), Peter DOIG (Night Fishing, 4,1M$) et Richard DIEBENKORN (Ocean Park No 117, 5,8M$). Jeff Koons décrochait un résultat étonnant pour la sculpture Jim Beam – J.B. Turner Engine, frappé 2M$, au double de l’estimation.

Les résultats sont décourageants pour Phillips de Pury et Company : en mai 2008, il vendait 83 œuvres d’art contemporain lors de la Part I, signant 13 enchères millionnaires. En 2009, le maigre produit de ventes de 6,4M$ représente la moitié du résultat espéré. De plus, aucun enchérisseur ne s’aventura au million de dollar pour cette cession. Le meilleur résultat de la vente fut signé à 895 000$ pour la toile Anxiety de Philip GUSTON. Le lot star de la vente, oeuvre de Robert GOBER, fut ravalée. En cause : son estimation de 2,5 à 3,5M$ était calquée sur les enchères spéculatives de mai 2008. A l’époque, une sculpture hyper-réaliste de Gober – représentant une jambe humaine émergeant d’un mur – explosait son estimation de 1,2-1,8M$ chez le même auctioneer, pour finir à 3,5M$.

Les résultats sont encore très mitigés concernant les artistes contemporains chinois, peu présents sur ces ventes de mai. Les têtes d’affiches WANG Guangyi, FENG Zhengjie et ZHANG Xiaogang n’ont pas trop lourdement pâti de la déflation des prix : Phillips adjugeait le 14 mai une œuvre de Wang Guangyi 230 000$. Une autre signée Feng Zhengjie partait à 105 000$. Christie’s vendait deux toiles de Zhang Xiaogang (Untitled, 400 000$ et The Sisters (The Grand Family no.7) , 600 000$).
Par contre, YUE Minjun résiste moins bien : on ravalait plus d’œuvres entre l’automne 2008 et les ventes de mai 2009 qu’en 10 ans d’enchères (13 en l’occurrence). Phillips allongeait la liste des invendus avec Backyard Garden, toile monumentale de 2005 attendue entre 500 000 et 600 000$.

En quelques mois, les prix de l’art à New-York sont retombés à leur niveau de 2005. Ces baisses de prix ont un impact mitigé sur le moral des acteurs de marché de l’art : le baromètre de confiance d’Artprice, l’AMCI, s’est en effet essoufflé après les ventes de mai (tombant de 30 points à 20 points). La grande majorité des votants (70%) voient pourtant dans ce réajustement des prix des opportunités d’achats et le désir d’acquisition d’œuvres d’art reste fort.