Place aux jeunes femmes (2)

[24/06/2022]

Le 28 juin, Christie’s donne une vente très prestigieuse dédiée à l’art des 20e et 21e siècles à Londres. Parmi les chefs-d’œuvre de Monet, Chagall, Picasso et les monuments de l’art contemporain habituels, tels Damien Hirst ou Jeff Koons, se distinguent les noms de jeunes artistes encore inconnus pour beaucoup mais dont les performances s’avèrent déjà impressionnantes.

La semaine dernière, Artmarket by Artprice faisait le point sur les œuvres d’Anna Weyant et de Jadé Fadojutimi, proposées au catalogue de Christie’s le 28 juin. Portons cette fois notre attention sur Rachel Jones, Shara Hugues et Lucy Bull, trois autres artistes femmes nées après 1980 illustrant ce phénomène “red-chips”, qui désigne les jeunes artistes dont les prix flambent littéralement dès leur apparition sur le marché.

Rachel JONES (née en 1991)

Spliced Structure, 2019

Technique mixte  sur toile, 240 x 210 cm

Exposition : Londres, Royal Academy of Arts, RA Schools Show, 2019

 

Spliced Structure est une toile de belle envergure, près de deux mètres et demi de haut, créée en 2019 et présentée la même année pour l’exposition de fin d’études Rachel JONES à la Royal Academy of Arts de Londres. Christie’s en décrit les qualités plastiques comme suit : “Spliced Structure est une œuvre passionnante à grande échelle qui illustre le langage expressif de la couleur, de la texture et de la forme abstraite de Rachel Jones. L’artiste utilise le pastel à l’huile et le bâton gras avec une verve improvisée, créant un patchwork de brillants drames chromatiques. De larges bandes de magenta, de rose, de pourpre, de vert acide et de bleu de cobalt affrontent des fourrés noirs hachurés et des éclats de lumière chatoyants (…)”

 

“J’essaie d’utiliser la couleur pour décrire les corps noirs. Je veux traduire tout ce désir d’expression de soi dans un langage qui existe en dehors des mots, et qui se rapporte plutôt à voir et à ressentir avec nos yeux.”  Rachel Jones

 

La puissance de ces abstractions colorées est comparée à celle de Joan Mitchell, monument de la peinture abstraite américaine, et artiste femme parmi les plus performantes du Marché des enchères. En convoquant Joan Mitchell pour décrire Spliced Structure, Christie’s place d’emblée le travail de Rachel Jones dans une filiation extraordinaire, qui prend ses sources dans la peinture du père de l’Impressionnisme, Claude Monet.

Christie’s propose Spliced Structure dans une estimation comprise entre 122 000$ et 180 000$, mais il paraît évident que la toile explosera cette fourchette de prix volontairement attractive, car les deux œuvres de l’artiste déjà vendues aux enchères ont décuplé leurs estimations ! Les exploits remontent à mars dernier, avec A Slow Teething (2020) vendue pour 824 000$ le 2 mars, suivie de Spliced Structure (7) (2019), cédée pour 1,2m$, contre une estimation haute de 79 000$.

Rachel Jones a 31 ans mais elle bénéficie déjà d’une renommée internationale. En 2020, déjà, quelques mois après son exposition de fin d’études à la Royal Academy of Arts de Londres, elle est sélectionnée pour l’exposition collective A Focus on Painting par la Galerie Thaddaeus Ropac (Londres, 2020), qui lui consacre une exposition personnelle en 2021 (Rachel Jones: SMIIILLLLEEEE). Plusieurs de ses œuvres sont désormais conservées dans les collections des collections de la Tate, du Arts Council Angleterre, du Hepworth Wakefield, du Museum of Fine Arts de Houston, et de l’Institute of Contemporary Art de Miami.

 

Lucy Bull (née en 1990)

No More Blue Tomorrows, 2018

Huile sur lin, 106,7 x 106,7 cm

 

Après avoir obtenu son diplôme de l’Art Institute of Chicago en 2012, Lucy BULL déménage à Los Angeles, où elle vit et travaille aujourd’hui. Elle expose sur place via la galerie de David Kordansky tout en travaillant aussi avec la galerie Almine Rech. Lucy Bull a été introduite aux enchères très récemment, à l’occasion de The Now evening auction organisée par Sotheby’s le 19 mai 2022. Sa performance fut alors époustouflante, pour ne pas dire déstabilisante, s’agissant d’un premier test sur le marché des enchères, puisque la toile Special Guest (2019) a flambé à 907 200$, plus de 10 fois son estimation haute.

Christie’s présente ici une abstraction aux tonalités bleues, No More Blue Tomorrows, acquise il y a deux ans par son actuel propriétaire lors de l’exposition Squall, à Los Angeles. La toile est “timidement” annoncée dans une fourchette d’estimation comprise entre 73 000$ et 100 000$, dont on pressent qu’elle sera loin du compte au vue de l’agitation spéculative sur cette nouvelle signature…

 

Shara Hughues (née en 1981)

At Full Tilt, 2018

huile et acrylique sur toile, 198 x 167 cm

 

Troisième grande et belle abstraction d’une jeune artiste dont le marché est en surchauffe, At Full Tilt est décrite de façon dithyrambique par Christie’s comme “un ciel tonitruant de bleus, de violets et de jaunes éclatants (éclatant) d’énergie électrique” pour une “peinture (qui) invoque les palettes intenses du fauvisme et de l’expressionnisme allemand”.

Dans son catalogue, Christie’s rapproche At Full Tilt de deux toiles muséales, l’une de Lee Krasner (The Seasons, 1957, conservée au Whitney Museum of American Art, New York), l’autre de Ernst Ludwig Kirchner (Sertigweg im Sommer, 1924. Collection privée).

La toile de Shara HUGHES est estimée entre 490 000$ et 735 000$… une fourchette qui pourrait paraître trop haute pour une toile achevée il y a seulement quatre ans, mais qui ne l’est pourtant pas, car l’artiste a déjà fait ses preuves à des niveaux de prix nettement supếrieurs. Onze toiles de la jeune prodige ont en effet déjà dépassé le million de dollars, et ce en moins d’un an !

La pression est si forte sur le marché de Shara Hughes que nous assistons déjà à des cas de reventes pour des prises de plus-values importantes en un temps record. Ce fut le cas le 21 janvier 2022, avec la vente de la toile HERE AND THERE (2007) pour 208 000$ à Hong Kong, contre un prix de 73 000$ obtenu le 10 juillet 2020 dans la même ville. La plus-value enregistrée est de l’ordre de +188% pour deux années de détention seulement.

 

Shara Hughes : Résultats annuels en millions de dollars

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