Pierre Soulages, leader de l’abstraction en France

[29/08/2016]

En France, l’Abstraction s’est révélée et exprimée sous bien des aspects à travers une tendance appelée L’Ecole de Paris. Tout comme l’Ecole de Nice, l’Ecole de Paris ne fut pas une véritablement une « école » telle que son nom l’indique. Il s’agit plutôt d’une formule artificiellement créée par les historiens de l’art, afin de regrouper divers artistes abstraits ayant exercé en France entre 1940 et 1965.

Au début du XXème siècle, le premier conflit mondial avait déjà attiré en France plusieurs d’artistes aux origines variées. Avec la Seconde Guerre Mondiale, et les années suivantes, d’autres artistes ont élu domicile à Paris, dont Serge Poliakoff venu de Russie, Hans Hartung d’Allemagne, Gustave Singier de Belgique, Jean-Michel Atlan d’Algérie, Vieira da Silva du Portugal… les critiques d’art de l’époque ont rapproché ces talents des représentants français de « l’art informel », tels que Pierre Soulages, Jean Fautrier, Maurice Estève, Gustave Singier, Roger Bissière ou Jean Bertholle.

Parmi tous les artistes abstraits français (d’adoption si ce n’est de naissance), les plus cotés sont ceux dont le marché s’est le mieux ouvert à l’étranger, c’est à dire ceux dont la moitié des recettes d’enchères sont réalisées en-dehors des frontières françaises. Les artistes concernés se nomment Serge Poliakoff, Hans Hartung, Vieira Da Silva, Jean Fautrier et Pierre Soulages. Ce sont les seuls parvenant à des scores millionnaires en salles des ventes. Pour d’autres artistes abstraits de l’époque dont le marché s’avère très local, à l’image de Jean-Michel Atlan (92% des recettes en France) et de Gustave Singier (80% des recettes en France), il est plus difficile de renouer avec l’engouement que leurs œuvres ont suscitées entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Leurs records respectifs n’ont pas été réactualisé depuis…

La domination de Soulages

Pierre SOULAGES est l’artiste vivant français le plus coté. A 97 ans, ses coups de pinceau noir ont capté les reflets de lumière dans le monde entier. Son œuvre circule dans des expositions internationales depuis plus d’un demi-siècle, notamment du fait que Soulages soit indéniablement un grand précurseur du monochrome, puisque ses premiers tableaux noirs datent de la fin des années 40. Aujourd’hui, son œuvre fait autorité dans les plus grands musées du monde. La Phillips Gallery à Washington, le musée Guggenheim, le MoMA à New York et la Tate Gallery à Londres se sont tous portés acquéreurs de ses oeuvres dès les années 1950. Malgré un tel degré de notoriété, et bien que 21 de ses toiles aient passées le million de dollars d’adjudication en salles des ventes, sa cote est plus réservée que celle d’artistes américains de son envergure et de sa génération.
A la fin des années 80′, on pouvait accéder dans quelques ventes publiques new-yorkaises à des toiles de belles dimensions pour moins de 50 000$, des prix deux fois moins élevés qu’à Paris. Depuis, la cote s’est lissée de part et d’autre de l’Atlantique. Mais c’est à Londres que les enchères montent le plus haut, y compris son record absolu, signé pour Peinture, 21 Novembre 1959 à près de 6,7 m$ en 2013 (Sotheby’s, Londres).

Bien moins cotées que les œuvres de l’américain Franz KLINE – grand adepte du monochrome noir de l’autre côté de l’Atlantique – , les toiles de Soulages imposent leur majesté sur le marché des enchères, où la croissance de prix s’avère très élevée sur la dernière décennie, en témoigne un indice en progression de +327 %. La force de son marché repose sur une demande élargie car, si la moitié de son produit de ventes aux enchères tient aux résultats français, un peu plus du tiers est enregistré au Royaume-Uni, et 5% aux Etats-Unis, chose rare pour un artiste français.

Comme Soulages, Maria Elena VIEIRA DA SILVA bénéficie d’une renommée internationale. Ses toiles aux perspectives labyrinthiques s’échangent actuellement entre 100 000 et 500 000 $ en moyenne, et ses gouaches peuvent atteindre des prix comparables. Vieira da Silva est l’une des rares signatures pouvant stimuler des résultats millionnaires sur l’Hexagone. Cette performance s’est répétée à trois reprises : deux fois en 2010 (une fois chez Christie’s et une fois chez Sotheby’s Paris), une autre en 2011 chez Tajan, qui tient le record absolu de l’artiste à hauteur de 2,1 m$ (pour la toile Saint-Fargeau, 1961/65).

Les autres chantres de l’abstraction s’avèrent bien plus abordables : comptez entre 50 000 et 200 000 $ en moyenne pour une huile de Serge POLIAKOFF,  ou entre 25 000 et 50 000 $ pour une gouache de belle facture. Les huiles des années 50 de Hans HARTUNG s’échangent encore entre 50 et 150 000 $ en moyenne, mais peut-être plus pour longtemps… Le marché s’agite fermement, et son œuvre Peinture n° 10 “T 47.10” s’est arrachée pour 1,4 m$ en novembre 2015 à l’Hôtel Drouot de Paris (chez Fraïssé & Associés).
Plus confidentiels et plus abordables encore sont les œuvres de Jean BERTHOLLE, Roger BISSIÈRE ou de Jean LE MOAL. L’amateur peut acquérir une peinture bien datée de chacun d’entre dans un budget de 5 000 à 15 000 $. Ces trois artistes restant plus abordables que Gustave SINGIER et Jean René BAZAINE. L’impulsion d’une demande internationale leur manque pour dynamiser leurs cotes.