Picasso céramiste – un marché en plein boom

[05/05/2015]

 

Le marché de la céramique est l’un des plus denses de Pablo PICASSO. Longtemps délaissé au profit des peintures, des dessins, mais également des gravures, il s’impose pourtant comme un segment de marché particulièrement intéressant. Le travail de Picasso céramiste se retrouve en effet a mi-chemin entre la peinture, la sculpture et le détournement d’objets. Il est d’autant plus attractif que de nombreuses pièces sont toujours accessibles pour moins de 3 000 $, à l’instar des lithographies.

L’entrée dans le monde de la céramique

Picasso fait son premier essai à la poterie Madoura le 26 juillet 1946 après avoir rencontré Georges et Suzanne Ramié, propriétaires de l’atelier de céramique Madoura. Intéressé par la malléabilité de la terre, l’artiste se jette pleinement dans l’exploration de ce matériau jusqu’a créer quelques 2 000 pièces sur la première année passée à Vallauris (entre l’été 1947 et l’automne 1948). Le rythme se calme dans les années qui suivent mais Picasso laisse finalement derrière lui quelques 4 000 pièces en 20 ans (jusqu’en 1971). Il souhaitait que ses œuvres, de prix plus accessibles, intègrent le quotidien et soient pour la plupart fonctionnelles. Le contrat établit avec Madoura comprenait l’édition de certaines pièces. Quelques 633 modèles ont donc été édité de 25 à 500 exemplaires chacun. Assiettes, pichets à vin, vases… Picasso a joué avec les formes, les styles, les outils et les techniques, osant tout, ne s’interdisant rien. Il a décoré inlassablement plats et assiettes, avec ses thèmes favoris dont la corrida, les femmes et les oiseaux, a transformé la matière et créé des formes plus personnelles, de véritables sculptures émancipées de toute logique pratique.

Demande et prix en hausse

Quelques pièces uniques et sculpturales atteignaient déjà des prix conséquents à la fin des années 90′. Une Chouette en colère (terre cuite de 1953 mesurant 30 cm) s’envolait pour 239 000 $ chez Sotheby’s New York en 1989. Des résultats à plus de 100 000 $ furent enregistrés au cours des années 90′, mais les prix grimpent surtout depuis 10 ans, y compris pour des pièces dont il existe plusieurs exemplaires. La céramique de Picasso en est venue à être considérée comme une niche particulière du marché, niche à laquelle la société de ventes Christie’s dédie des ventes chaque année avec un taux de réussite impressionnant. La vente-fleuve Picasso Ceramics: The Madoura Collection, organisée par la maison anglaise en juin 2012 (543 lots offerts, dont quelques lithographies, photographies, etc.) quadruplait les estimations pour un résultat final de 12,58 m$ frais inclus et affichait un taux de vente de 100% ! L’année suivante, Christie’s vendait le fameux vase glaçuré Grand vase aux femmes voilées pour plus de 1,1 m$ frais inclus (le 25 juin 2012 a Londres). En juin 2013, un autre exemplaire du Grand vase aux femmes voilées se payait cette fois 1,5 m$ frais inclus, gagnant 400 000 $ en un an… Réalisé en 1950 à Vallauris, le Grand vase tiré à 25 exemplaires, est considéré comme l’une des réalisations les plus exceptionnelles de l’artiste et tient le record depuis deux ans. Force est de constater que le marché haut de gamme s’accélère fortement ces derniers mois. En effet, plus de la moitié des adjudications supérieures à 500 000 $ datent de 2014-2015 (cinq résultats sur neuf enregistrés au 1er mai 2015).

Une offre abordable pour moins de 3 000 $

Néanmoins, le marché de la céramique picassienne est en grande partie accessible pour moins de 3 000 $. Les coupelles, souvent désignées comme des cendriers, représentant en leur centre taureau, hibou, oiseau ou picador se vendent de mieux en mieux. L’amateur pouvait en dénicher pour moins de 1 000 $ il y a quelques années. Vers 2003, les estimations de ces petites pièces – dont chaque édition est limitée à 500 exemplaires – demandaient a être réactualisées car les résultats finissaient au double, voire au triple des prévisions. Certains cendriers se retrouvent a plus de 3 000 $ aujourd’hui. Les meilleures enchères sont pour Hong Kong, ce qui paraît naturel considérant la place essentielle de la céramique en Asie. « L’art du feu » y est respecté au même titre que les arts graphiques. Par ailleurs, l’aisance de Picasso à saisir l’essence d’un oiseau par la simplicité de quelques traits est une connivence supplémentaire avec la tradition du dessin en Chine. A Hong Kong donc, un « cendrier » représentant un oiseau sur sa branche s’est envolé à plus de 16 000 $ en 2013, décuplant allègrement son estimation (vente Est-Ouest Auctions Co., le 26 mai 2013). Un tel engouement est indéniablement lié au lieu de vente certes, mais aussi à la rareté de ce type d’oeuvres en Asie. En effet, les premières céramiques de Picasso furent introduites sur le marché des enchères hongkongais en 2014 seulement. En Occident, l’oiseau sur sa branche vaut toujours entre 1 500 et 3 000 $ en moyenne.