Photographies : New York – Los Angeles – Paris

[30/04/2013]

 

Quatre jours pour choisir entre quelque 900 photographies, essentiellement modernes, tel fut le marathon couru par les amateurs du genre entre le 2 et le 6 avril 2013 lors des ventes aux enchères new-yorkaises. Le rendez-vous est connu, notamment parce qu’il s’inscrit stratégiquement dans le AIPAD Photography show (AIPAD : acronyme pour Association of International Photography Art Dealers, du 4 au 7 avril), qui draine les collectionneurs et amateurs de photographie depuis 33 ans ans déjà. La foire de New York est ainsi la plus ancienne foire dédiée à la photographie. Paris, qui s’est démarquée avec la naissance de Paris Photo il y a 16 ans, exporte quant à elle sa foire sur la Côte Ouest américaine. Après New York début avril, les amateurs du genre se retrouvaient donc au Paramount Pictures Studio de Los Angeles à la fin du mois (du 26 au 28 avril).

Tant sur le plan historique qu’économique, la place de marché new-yorkaise demeure, de manière générale, la plus vibrante en matière d’art et plus particulièrement dans le domaine de la photographie. Les six ventes spéciales organisées par Christie’s, Sotheby’s et Phillips début avril constituaient un important challenge, le marché n’étant pas habitué à digérer tant d’épreuves sur une période si courte. Fort heureusement, trois d’entre elles s’avéraient être des dispersions de collections privées, d’une bonne cohérence et d’une non moins bonne provenance (Phillips New York, 2 et 3 avril, The curious collector ; Christie’s New York, 4 avril, The delighted eye ; Sotheby’s New York, 5 avril, The Modern Image). Les résultats se sont révélés exceptionnels avec plus de 24,85 m$ hors frais en quatre jours, soit un chiffre d’affaires au double des résultats habituels (les trois maisons de ventes enregistraient 13,3 m$ pour leurs cessions new-yorkaises d’avril 2011, puis 1 m$ de moins en avril 2012).

Les sessions 2013 ont mis l’accent sur des photos des années 1900 à 1950, autrement dit sur des valeurs sûres, parmi lesquelles cinq se démarquent de façon récurrentes dans les meilleures adjudications de la semaine : Irving PENN, Robert FRANK, László MOHOLY-NAGY, Edward STEICHEN et Ansel Easton ADAMS.

Les photographes les plus rentables
Ces cinq artistes ont généré plus de 6,522 m$ hors frais pendant la semaine… Un résultat conséquent qui représente, à titre d’exemple, plus de la moitié des recettes d’avril 2011 lors des mêmes ventes new-yorkaises de photographies.
Au jeu des enchères, Robert FRANK est l’artiste le plus rentable, notamment aux États-Unis car les clichés issus de son œuvre la plus connue The Americans (titre d’un livre de photographies de 1958) rencontrent évidemment son public début avril. L’attrait grandissant pour les épreuves vintage de Robert FRANK se mesure à une cote en hausse de 60 % sur la décennie et sur les 2 m$ d’oeuvres vendues en salles début avril (2,02 m$ en 28 lots vendus du 2 au 6 avril 2013). Cet engouement a permis à Christie’s de lui décrocher un nouveau record mondial avec Trolley – New Orleans (1955), une photographie iconique vendue 550 000 $ au marteau, soit 663 750 $ frais inclus le 5 avril (une autre épreuve du fameux Trolley avait déjà atteint 520 000 $ en octobre 2007 chez Christie’s). Des tirages postérieurs de Trolley se sont vendus 200 000 $, voire 300 000 $ de moins à quelques heures d’intervalle. La date de tirage est donc essentielle dans la valorisation d’un même cliché, mais pas seulement… En effet, outre la patine vintage du tirage argentique de 1961, le Trolley record venait, avec une dédicace de son auteur à un autre photographe, parmi les plus estimés de la photographie : Edward STEICHEN (vente de 10 lots pour des recettes globales de 643 000 $ sur la semaine). Ce petit « plus » est un témoignage historique qui individualise de surcroît l’épreuve en question.

Parallèlement aux succès de Robert FRANK, Irving PENN a vendu 23 clichés, dans une fourchette de prix allant de 10 000 $ à 380 000 $, pour un résultat global de 1,433 m$. Son meilleur coup de marteau récompense sans surprise la muse Lisa Fonssagrives : à 380 000 $, le tirage platine tardif de Woman in Moroccan Palace (Lisa Fonssagrives-Penn), Marrakech (cliché pris en 1951, tiré en 1983) devient la quatrième meilleure enchère de Penn.
Ansel Easton ADAMS était quant à lui particulièrement bien représenté avec 38 lots offerts, dont 3 seulement furent ravalés (1,315 m$ de résultats sur la semaine). Entre 3 800 $ et 350 000 $, le panel des oeuvres proposées allait d’un tirage argentique tardif, mais du vivant de l’artiste, (Boards and Thistles, San Francisco, California, 1932 – 1976) au fameux cliché Aspens, Northern New Mexico (1958). Les deux petites jumelles, cliché le plus célèbre de Diane ARBUS était un lot phare de la vente The curious collector de Phillip’s. L’épreuve signée et datée 1966 s’est envolée pour 500 000 $, 38,1 cm x 37,5 cm, signant là le nouveau record mondial d’Arbus, dont la cote a progressé de plus de 90 % sur la décennie. Au milieu des années 1990, ce type de photographie était accessible entre 40 000 $ et 60 000 $ en salles des ventes (voir le résultat Sotheby’s du 5 octobre 1994 : Identical Twins, Roselle, N.J, adjugée 48 000 $).

Record à retenir : 1m$ pour un rayographe de Man Ray
1 m$ : ce résultat bien rond récompense un rayographe de l’inventeur du genre, alias MAN RAY. C’est la première fois qu’une photographie de l’artiste surréaliste atteint le million de dollars, un seuil déjà dépassé à six reprises pour des huiles sur toile. Il fallait un cliché fort, en superbe état et bien daté pour décrocher ce record. C’était justement le cas de ce tirage réalisé en 1922, l’année même où l’artiste invente les rayographes en plaçant sur du papier sensible divers objets, puis en exposant le tout à la lumière. Christie’s a eu le privilège d’adjuger cette épreuve mesurant 23,5 cm x 17,8 cm, au quadruple de son estimation basse (Untitled Rayograph, le 4 avril 2013).
La cote de la photographie surréaliste devrait encore progresser, suivant la hausse de prix pour les œuvres des toiles. Pour l’heure, MAN RAY est encore devancé par László MOHOLY-NAGY dont un Fotogramm de 1925 se vendait 1,25 m$ le 12 décembre 2012 (Sotheby’s New York).

Produits des ventes de photographies du 2 au 6 avril 2013Phillips NY 2 et 3 avril The curious collector   4 099 800 $Phillips NY 3 avril Photographs   2 572 300 $Christie’s NY 4 avril The delighted eye   6 222 500 $Christie’s NY 5 avril Photographs   5 863 100 $Sotheby’s NY 5 avril The Modern Image   2 060 500 $Sotheby’s NY 6 avril Photographs   4 034 350 $TOTAL : 24 852 550 $