Photographie : les temps forts de l’année 2003

[13/01/2004]

Photographie : les temps forts de l’année 2003 [janv. 04]

Après un incroyable essor durant les années 1990, le marché de la photographie connaît aujourd’hui une crise sans précédent. Les domaines qui souffrent le plus sont ceux qui ont été les plus porteurs : la photographie primitive et la photographie contemporaine. La bulle spéculative qui les entraînait depuis 5 ans vient d’éclater. Seule la qualité parvient à se vendre.

A la suite d’une forte contraction des échanges (-16% par rapport à 2002), d’un taux d’invendus élevé (39% des lots ravalés en 2003), et de la baisse des prix, le produit des ventes de photographies a encore diminué de 10% cette année. Ce résultat aurait pu être pire (voir AMI du 7 octobre 2003). La catastrophe a été évitée grâce à quelques enchères exceptionnelles en fin de saison.

Evolution des prix de la photographie
indice base 100 en 1996

Si les clichés de gamme moyenne se sont mal vendus, le haut du marché a suscité de très belles joutes entre enchérisseurs. Dans un marché extrêmement sélectif, les pièces prestigieuses s’arrachent toujours, essentiellement aux Etats-Unis. Dans le haut du panier, la maison Phillips De Pury & Luxembourg parvient à se démarquer avec les deux plus belles ventes de l’année dans le domaine : celles du 24/26 avril 2003 et du 16/18 octobre 2003. Ces sessions new-yorkaises représentent à elles seules près de 15% du chiffre d’affaires mondial de photographie et sont à l’origine de nombreux records. Parmi les plus remarqués ceux de Richard Prince (410 000 dollars pour Cowboy (1999)), de Diane Arbus (360 000 dollars pour Untitled (1962-1970)) et de Matthew Barney (230 000 dollars pour «Cremaster 5: Elvàlàs» (1997)).

Photographie : Top 10 des enchères les plus élevées en 2003 ArtisteŒuvreVenteGIRAULT DE PRANGEY J. P. (1804-1892)700 850€ (816 750$) : «113.Athènes, T(emple) de J(upiter) Olympien pris de l’Est» (1842)20/05/2003 (London, Christie’s)GIRAULT DE PRANGEY J. P. (1804-1892) 490 595€ (571 725$) : «196.Karnac, Pylône près de l’O(uest)» (1842-1843)20/05/2003 (London, Christie’s)GIRAULT DE PRANGEY J. P. (1804-1892)392 476€ (457 380$) : «9.Rome, Colonne Trajane» (1842)20/05/2003 (London, Christie’s)GURSKY Andreas (1955)364 854€ (420 000$) : Chicago, Board of Trade (1997)12/11/2003 (New-York, Sotheby’s)PRINCE Richard (1949)356 167€ (410 000$) : Cowboy (1999)13/11/2003 (New-York, Phillips, De Pury & Luxembourg)WESTON Edward (1886-1958)353 707€ (410000$) : Two Shells (1927)17/10/2003 (New-York, Sotheby’s)GURSKY Andreas (1955)356 864€ (410000$) : Klitschko (1999)15/05/2003 (New-York, Phillips, De Pury & Luxembourg)STRUTH Thomas (1954)316 206€ (367950$) : «Pantheon, Rom» (1990)21/10/2003 (London, Sotheby’s)ARBUS Diane (1923-1971)310 572€ (360000$) : Untitled (1962-1970)17/10/2003 (New-York, Phillips, De Pury & Luxembourg)PRINCE Richard (1949)286 671€ (330000$) : Spiritual America (1983)13/11/2003 (New-York, Phillips, De Pury & Luxembourg)

Mais l’enchère de l’année revient à la maison Christie’s : «113.Athènes, T(emple) de J(upiter) Olympien pris de l’Est», un daguerréotype de Joseph Philibert Girault de Prangey (1804-1892), adjugé 500 000 livres sterling à Londres le 20 mai 2003 (voir AMI du28 mai 2003). Cette enchère est un nouveau record, juste devant La Grande Vague, Sète (1855) de Gustave Le Gray (établi en octobre 1999). Encore une fois, un cliché ancien caracole en tête des meilleures enchères de photographie.
Inquiets de cette profusion d’images, professionnels et collectionneurs d’épreuves anciennes exigent de plus en plus de garanties sur l’authenticité des épreuves qui leur sont proposées. Ils n’hésitent pas à rejeter les pièces médiocres : seuls 52% des clichés mis en vente en France ont trouvé preneur en 2002, contre 92% en 1998. Aux prétentions parfois exubérantes des vendeurs s’ajoute le tarissement du marché. Hormis la vacation consacrée à Girault de Prangey, aucun ensemble important, à l’image de la collection Jammes (voir AMI du 7 août 2002), n’a été dispersé en 2003. Difficile de dénicher un cliché de Le Gray ou Baldus de première fraîcheur. D’ailleurs plus de 50% des épreuves de Gustave Le Gray sont désormais ravalées. Comme la majorité des pièces ne sont pas à la hauteur de leurs espérances, les acheteurs ne bataillent plus dans les salles. L’absence de surenchères entraîne une baisse des prix de la photographie ancienne de 66% ! Comme cette chute fulgurante fait suite à 5 ans de hausses prodigieuses, ce segment affiche malgré tout une hausse annuelle moyenne de 9% au cours de la période 1997 – 2003. Les clichés anciens restent très rentables à moyen terme.

La photographie contemporaine subit le même sort. En hausse de 70% entre 1997 et 2000, les prix ne cessent de diminuer depuis. Ils s’effondrent en 2003 : -30%. Trop souvent remises en vente, les images des plus grands noms sont boudées par les acheteurs (voir AMI du 4 août 2003). Seules les œuvres majeures d’Andreas Gursky, Thomas Struth, Thomas Ruff (voir AMI du 7 mai 2002) ou Cindy Sherman sont recherchées. Mais les ventes records ne sauvent pas ces artistes, d’autant que seul 1,6% des clichés contemporains sont vendus plus de 100 000 euros. Les cotes des ténors du marché sont presque toutes en baisse. Le marché de Thomas Struth est représentatif : en 2003, même si le photographe allemand a battu son record grâce à Pantheon, Rome (220 000 livres sterling, le 21 octobre 2003, chez Sotheby’s Londres), on ne compte plus les clichés vendus bien moins cher qu’il y a un ou deux ans. A titre d’exemple, une épreuve de Boats at Wushan, Yangtse River Wushan a trouvé preneur pour environ 30 000 euros en février 2003, alors qu’elle s’échangeait plus de 57 000 euros en mai 2002. Zhejiang zhoug for Shangai a été adjugée 3 290 euros et 3 700 euros en 2003, soit deux fois moins qu’en 2000. Conséquence : sa cote a diminué de près de 20% en 2003.

En comparaison, les clichés modernes restent des valeurs sûres. Ce marché peu fluctuant n’a pas connu d’inflation spéculative, mais évite aussi la crise de 2003. D’ailleurs, le chiffre d’affaires généré sur ce segment a même progressé de 5% par rapport à 2002 et 2001. A l’origine de cette hausse : quelques belles ventes de photographies historiques et vintages, comme celles de la collection Breton ou James J. Rochlis, et des records comme ceux de William Eggleston (180 000 dollars pour Memphis (c.1970)), de Walker Evans (170 000 dollars pour Penny Picture Display, «Savannah» (1936)) et d’Hans Bellmer (130 000 euros, pour La poupée (1936-1938)). Parmi les plus belles progressions, notons celles d’Edward Weston : sa cote a plus que doublé en 12 mois et il établit en octobre 2003 un nouveau record avec Two Shells (1927), adjugé 410 000 dollars (voir AMI du 7 novembre 2003). En fin de saison, les quelques médiatiques résultats décrochés à New-York sont ternis par des enchères plus raisonnées en Allemagne et en France. Or ces deux pays réalisent près de 50% des transactions de photographies modernes.

Segmentation du marché par époque de production

Segmentation du marché par pays de vente

Segmentation du marché par gamme de prix