Phillips, défricheur de talents

[23/04/2013]

 

À l’heure où certaines sociétés de ventes annoncent un marché de gré à gré de plus en plus fructueux grâce à la qualification et à la richesse de leur fichier clients, d’autres utilisent les atouts de ces fichiers pour permettre à de jeunes artistes de tester le marché des enchères.

Il en est ainsi de Phillips (Simon de Pury a quitté au début de l’année 2013 la maison de vente anglo-saxonne Phillips de Pury & Company qu’il dirigeait depuis douze ans, d’où la nouvelle appellation « Phillips ») qui présentait le 11 avril 2013 sa vacation Under the influence à Londres avec 180 lots. Le principe de ce type de ventes est d’offrir à la fois quelques signatures fortes et très demandées, même s’il s’agit d’œuvres mineures (Andy WARHOL, Wim DELVOYE, Banksy, Christo, Bridget Riley, etc.) et des signatures fraîches. Pour Under the influence, rendez-vous récurrent dans le planning des ventes annuelles, la maison Phillips n’hésite pas en effet à soumettre aux enchères des artistes d’une quarantaine voire d’une trentaine d’années, et à en baptiser certains qui font ainsi leur premier pas sur ce marché.

Première adjudication et œuvres abordables
Pour se voir ouvrir les portes de Phillips, les jeunes artistes doivent afficher un parcours jalonné de quelques prix ou de belles expositions : c’est le cas par exemple d’Adel Abdessemed (né en 1971) qui a bénéficié d’une première grande exposition au Centre Pompidou de Paris, après sa nomination au Prix Marcel Duchamp en 2006 ; c’est également le cas de Cyprien Gaillard (né en 1980), lauréat 2011 du prix Marcel Duchamp, ou encore de Spartacus Chetwind (né en 1973), nominé pour le Turner Prize 2012.
Si Adel Abdessemed n’en était pas à son premier coup d’essai le 11 avril 2013 (22 oeuvres ont déjà été mises à l’encan, dont un record d’enchère à 289 500 $ pour Mappemonde, olive, frappé le 22 septembre 2011 chez Christie’s), Cyprien Gaillard et Spartacus Chetwind, eux, tentaient leur chance en salles pour la première fois. Personne ne s’est engagé suffisamment pour la sculpture en papier mâché et latex de Spartacus Chetwind. Son Crocodile de 2004 fut malheureusement ravalé dans son estimation de 10 000 £ – 15 000 £. Le Français Cyprien Gaillard reçut un meilleur accueil, avec deux adjudications honorables : la première à 8 500 £ pour un lot de deux photographies et la seconde à 7 000 £ pour un lot de deux collages (Working in a State of Emergency (Hools)/Working in a State of Emergency (Pollockshaw), 13 000 $ et New Picturesque (Angkor Series), 10 700 $). Pour les jeunes artistes anglais comme pour les jeunes français, la sanction des enchères passe d’abord par Londres avant, éventuellement, d’arriver à Paris.

Under the influence promeut donc le cutting-edge de la création et réfute l’éventuel préconçu d’un art contemporain difficilement abordable. Une cinquantaine de lots proposés le 11 avril étaient en effet accessibles pour moins de 5 000 £. Parmi les nombreuses opportunités d’achats à de petits budgets, citons le travail de collage et peinture Leaf Study 32, 2008, réalisé par Jonathan Yeo et cédé 1 300 £ (moins de 2 000 $) ou le travail à l’acrylique d’Alan Michael, Untitled/”Untitled” (2005) acheté 1 600 £ hors frais (environ 2 450 $ auxquels s’ajoutent 25 % de frais acheteur).

Demandes tendues sur les signatures phares
Le pari de ce type de ventes n’est pas aisé. Phillips enregistre d’ailleurs un taux d’invendus de près de 40 % sur cette session. Les belles signatures habituellement très prisées sont les premières à essuyer des échecs de ventes pour peu que l’œuvre ne soit pas suffisamment représentative du travail de l’artiste ou qu’elle soit tout simplement surestimée en regard de sa qualité. On compte ainsi parmi les invendus des pièces de l’artiste indienne Bharti Kher (Hungry Dogs Eat Dirty Pudding, 2004, installation estimée entre 30 000 £ – 40 000 £ et The XIth Hour, 2009, œuvre aux bindis sur 25 exemplaires ravalée dans sa fourchette de 3 000 £ – 5 000 £). Par ailleurs, des tirages méconnus, peu séduisants et/ou surestimés d’artistes tels que Thomas Struth, Richard Prince, Desirée Dolron et Vanessa Beecroft subissaient le même sort, l’attrait de la signature ne faisant pas tout.

Andy Warhol détient, sans surprise, le meilleur score de cette vente avec l’acrylique True Love, qui ornait la couverture du catalogue : adjugée 135 000 £, True love atteignait là l’adjudication record de cette série réalisée en 1984 (près de 207 000 $, 25 cm x 20 cm).