Peter Doig – Une invitation au voyage

[10/05/2010]

 

La nature vue par Peter Doig est une invitation à traverser le miroir. De l’autre côté, un voyage dans l’inconscient vous attend. Le collectionneur Charles Saatchi, connu pour sa promotion d’œuvres morbides des Young British Artist, s’est penché sur le cas de ces toiles oniriques, provoquant un effet immédiat sur sa cote.

A l’époque de l’exposition The Triumph of Painting en 2005 chez Saatchi, de grandes toiles de Peter DOIG (entre deux et trois mètres d’envergure) dépassaient déjà les 100 000 € en salles des ventes. Son plus beau résultat en salles était alors détenu par Swamped, peinture paisible d’un canoë blanc flottant sur des couleurs fantastiques. Le thème du canoë apparaît pour la première fois dans son œuvre en 1987. Il est tiré de la scène finale du film d’horreur de Sean Cunningham Friday the 13th photographiée par Doig à partir d’un téléviseur. Le canoë est un symbole de passage, et par métonymie de mort, devenu un sujet emblématique pour lequel les collectionneurs se battent bien au-delà des prévisions. Pour Swamped, les amateurs ont fait grimper les enchères au triple de l’estimation le 7 février 2002. L’œuvre fut finalement cédée à 290 000 £ à Londres, soit 472 000 €. Mais sa cote a véritablement pris une autre envergure après The Triumph of Painting. N’oublions pas que le commanditaire et curator de cette exposition, l’ancien publicitaire devenu supercollectionneur Charles Saatchi, est un faiseur de tendances dans le cénacle de l’art contemporain. Ses choix font loi sur le marché et il a déjà exercé un rôle déterminant sur la flambée des cotes de certains artistes britanniques comme Damien HIRST ou les frères Dinos & Jake CHAPMAN. La cote de Peter Doig a également bénéficié de l’enthousiasme de Saatchi. Après l’exposition, elle grimpe d’un cran avec le passage de la toile Olin MK IV sous le marteau de Phillips de Pury & Company à New-York. L’œuvre est cédée 950 000 $ le 11 mai 2006 (743 000 €) laissant présager de futures enchères millionnaires.

Le seuil du million est atteint le mois suivant pour Iron Hill, un paysage inquiétant de près de trois mètres d’envergure. Annoncé entre 400 000 et 600 000 £ par la maison de ventes Sotheby’s, il décroche 1 m£, soit 1,46 m€ le 21 juin 2006. Une enchère plus spectaculaire encore est frappée quelques mois plus tard chez le même auctioneer. Il s’agit de la toile White Canoe adjugée 5,1 m£ (7,74 m€), au quintuple des estimations, le 7 février 2007. White Canoe fait partie de la même série que Swamped, citée plus tôt comme la première toile de Doig à frôler les 500 000 €. Elle présente le même sujet dans un même lieu indéfini. La toile fut exposée en 1991 à la Serpentine Gallery de Londres et acquise la même année par un collectionneur privé. Malgré ses similitudes avec Swamped, son prix d’adjudication est 16 fois supérieur. Ce score reste exceptionnel. L’année 2007 étant particulièrement spéculative, l’artiste décroche sept enchères millionnaires en salles et génère un produit de ventes annuel de 21,6 m€. Son marché s’essouffle en 2008, parallèlement au tassement des prix de l’art contemporain à l’échelle mondiale, et reprend de la vigueur en 2009 avec cinq enchères millionnaires sur l’année, dont un superbe résultat pour Reflection (What does your soul look like)Reflection (What does your soul look like) adjugée 9 m$, soit 6 m€, le 11 octobre chez Christie’s.

La demande soutenue et la cote impressionnante de ses peintures rendent les toiles importantes difficiles d’accès à moins de 300 000 €. De petits formats, d’à peine 30 centimètres, atteignent 50 000 € en salles dès lors qu’ils sont aboutis, à l’instar de Country Rock vendue chez Piasa le 10 juin 2008.
Les 11 et 12 mai 2010 Christie’s et Sotheby’s présentent chacun une toile de l’artiste à l’occasion de leur vente d’art contemporain. Christie’s offre Figure in the Snow, une huile sur toile de 55,8×25,4 cm estimée 100 000 – 150 000 $ et Sotheby’s annonce la longue fresque Drifter (243 cm de long) dans une fourchette d’estimation prudente de 350 000 – 450 000 $. Le 2 juillet 2008 à Londres, Drifter changeait de mains pour une adjudication équivalente à 538 380 $.

Les 37% de lots vendus à moins de 5 000 € concernent des Polaroïds et des estampes. Ainsi, le même sujet Country Rock traité en photogravure et aquatinte s’échange entre 3 000 et 5 000 €. Il est dix fois moins cher que la peinture originale mais, édité à 46 exemplaires, il n’offre pas la magie de l’œuvre unique ni les effets de matières oniriques. De très belles lithographies éditées à 300 exemplaires sont accessibles entre 1 000 et 2 000 €. Sur ce type de tirage, privilégiez son sujet fétiche : le Canoé.