Pékin : transformation du marché et positionnement de sa foire Art Beijing

[16/04/2019]

En moins de dix ans, la Chine s’est complètement imposée sur le Marché de l’Art et fait maintenant face au marché occidental. Le pays représente – sur le terrain des enchères – 4,5Mrd$ de produit de ventes en un an (2018). Il est donc la seconde puissance du Marché mondial, juste derrière les Etats-Unis, à 5,9Mrd$. Mais tandis que les résultats américains ont progressé de +18% l’an dernier, ceux de la Chine sont tombés de -12%. Une baisse de régime indiquant que le vaste pays poursuit son processus de restructuration entrepris en 2015, les maisons de ventes s’attachant notamment à réduire leur taux d’invendus, qui passe de 64% en 2017 à 54% en 2018, sur l’ensemble du territoire chinois.

Le ralentissement du Marché chinois est contrebalancé par de nouveaux sommets hautement symboliques, qui prouvent que les acheteurs n’ont en aucun cas perdu confiance dans le Marché de l’Art. Des résultats forts démontrent que l’activité des grands collectionneurs est toujours vivace.

Citons à ce titre la vente d’une peinture à l’huile de WU Guanzhong (1919-2010), Two swallows, pour 16,4 m$ chez Poly International. Cette œuvre, que l’artiste considère comme l’une de ses œuvres « les plus remarquables et les plus représentatives », est la seule peinture à l’huile à avoir dépassé les 10m$ en Chine continentale en 2018. La vente a eu lieu à Pékin, en décembre dernier. 2018 s’est révélée être la meilleure année pour la peinture à l’huile et l’art contemporain chinois depuis la crise financière mondiale. Au total, 7 092 lots ont été vendus au cours de l’année pour un chiffre d’affaires combiné de près de 1,25Mrd$. Il s’agit non seulement d’une augmentation de 34% par rapport à 2017 et au dernier pic de 2011, mais aussi d’un record en 10 ans.

Le Marché chinois est par ailleurs de mieux en mieux réparti géographiquement. Il se construit autour de quatre grands pôles: Pékin en premier lieu (45%), Hong Kong (29%), Shanghai (7%) et Guangzhou (6,7%). Cette structure permet d’allier un marché interne et un marché international, tous deux extrêmement denses et complémentaires: les géantes anglo-saxonnes Christie’s, Sotheby’s et Phillips ont réussi à s’implanter à Hong Kong, mais les maisons de ventes chinoises règnent sur le continent. Rares sont les galeries occidentales à s’y être installées (Pace et Continua à Pékin, Perrotin à Shanghai), alors que beaucoup se contentent d’événements ponctuels, dont la participation à des salons.

L’esprit d’ouverture

Les maisons de ventes aux enchères chinoises sont en train de renouveler leur offre, portant une attention particulière à la valeur académique de nombreux artistes à re-découvrir. Les sociétés de ventes, ainsi que les collectionneurs, explorent notamment des maîtres de la même période que les superstars Qi Baishi et Zhang Daqian, désormais très cotés. Par ailleurs, les normes esthétiques des collectionneurs ne cessent de changer. La spécificité du marché asiatique tient, de plus en plus, à un parfait mélange des genres. En Chine, les artistes sont d’ailleurs capables de mêler des pratiques traditionnelles de peinture et de calligraphie, à des approches extrêmement originales, évoluant en même temps que les techniques.

Le Marché de l’art chinois est donc en peine transformation. Plus exigeant, il est surtout de plus en plus ouvert, notamment sur la création occidentale. L’actualité culturelle en témoigne : à Pékin en ce mois d’avril, sont programmées des expositions aussi diversifiées qu’un solo show de Chen Yujun chez Tang Contemporary, de Qiu Zhijie au Ullens Center for Contemporary Art (UCCA), de Shi Guowei à Magician Space, de Marina Abramović à la Light Society, de Richard Tuttle à M Woods ou de Leila Alaoui à la galerie Continua, parmi tant d’autres propositions. Le meilleur des scènes chinoise, occidentale et même orientale se retrouve ainsi à Pékin, ouvrant le public à des champs de connaissances artistiques toujours plus diversifiés.

Pékin, au cœur du Marché de l’Art chinois

Pékin n’est pas seulement le centre politique et économique de la Chine, c’est aussi son épicentre culturel et artistique. Au cœur de la création contemporaine, la mégapole compte des centaines de galeries, de centres d’art et de musées. Parmi les sites les plus courrus, le 798 Art District à Dashanzi, au Nord-est de la capitale chinoise, s’est fait connaître à travers le monde entier ces 20 dernières années, d’abord pour ces grands ateliers d’artistes puis pour les galeries qui s’y sont peu à peu implantées. La présence du Ullens Center for Contemporary Art (UCCA), temple de l’art contemporain créé à l’initiative des collectionneurs Guy et Myriam Ullens, a contribué a faire de ce quartier l’épicentre de l’art contemporain en Chine depuis son ouverture en 2007.

Art Beijing, la foire d’art contemporain de Pékin

Un an avant l’ouverture de l’UCCA, les organisateurs de la première édition du salon d’art contemporain ART BEIJING avaient commencé à préparer le terrain, attirant les amateurs d’art du monde entier. Année après année, le salon ne s’est pas seulement maintenu, il s’est développé jusqu’à cette 13ème édition qui se tient au National Agricultural exhibition center (du 30 avril au 3 mai 2019) avec 160 exposants issus de 20 pays différents. Art Beijing voit grand, avec un espace d’exposition de 30 000 m2 cette année. Le salon a aussi étoffé ses propositions au fil du temps, et présente aujourd’hui quatre sections distinctes : l’une consacrée à l’art contemporain, une à l’art classique, une au design et une autre pour l’ « art public » (œuvres conçues pour les espaces extérieurs et publiques). La diversité des propositions reste le maître mot afin de s’adapter à la grande diversité des goûts du public de Pékin et d’ailleurs.

Le salon attire de plus en plus d’amateurs privés en quête d’une œuvre avec laquelle vivre chez eux. Ce nouveau public d’acheteurs qui a émergé à Pékin se montre plus animé par l’esprit de découverte que par les possibilités de rendement d’une œuvre. Le consommateur d’art semble avoir remplacé l’investisseur… Le salon a lui aussi pris une direction moins lucrative en choisissant de se concentrer beaucoup plus sur le local, notamment sur les acheteurs de Pékin, à la différence d’un salon misant sur l’international comme c’est le cas pour Art Basel à Hong Kong.

Le prix des œuvres proposées sur Art Beijing varie de 3 000 $ à 50 000 $ environ. Il peut être moins élevé encore pour de très jeunes artistes. La gamme de prix se veut donc la plus attractive possible, l’idée étant de faire circuler les œuvres sans retomber dans les excès spéculatifs d’autrefois, de participer à la transformation d’un marché de l’art chinois qui se remet de ses excès. C’est dans ce renouvellement des propositions qu’Art Beijing parvient à imposer sa compétitivité face aux grands salons internationaux. Son taux de visite reflète son succès : quelques 120 000 visiteurs sont encore attendus cette année.