Peinture vs sculpture, quelle catégorie emporte la faveur des collectionneurs?

[17/11/2020]

Artiste vivant le plus coté de la planète, Jeff Koons a emmené la sculpture contemporaine à l’apogée des prix, mais la peinture contemporaine progresse plus vite que sur n’importe quel autre segment du Marché. Extrait de notre dernier rapport sur 20 ans d’art contemporain aux enchères.

 

La peinture d’abord

Les œuvres les plus coûteuses de notre époque révèlent le triomphe du Pop Art et de ses héritiers, de l’art abstrait américain historique et actuel, de “Street artists” emblématiques, de peintres chinois et japonais arrivés sur le Marché avec le nouveau millénaire. Consacrées au plus haut niveau de prix, les oeuvres sont généralement puissantes par leurs dimensions, leurs couleurs et leur énergie. Répondant à ces critères, les figures tutélaires de la peinture contemporaine ne sont pas si nombreuses: elles sont huit dont les oeuvres passent les 20 millions (Basquiat, Wool, Zeng Fanzhi, Doig, Nara, Chen Yifei, Kippenberger, Marshall) et 18 à plus de 10m$. Les adjudications millionnaires sont aussi essentielles qu’elles sont rares: elles concernent moins de 1% des résultats, lorsque les trois-quarts des oeuvres sur toiles s’échangent pour moins de 5.000$.

La peinture pèse 65% d’un Marché qu’elle tire vers le haut.

En 20 ans, la peinture s’est en effet affirmée comme la véritable locomotive du Marché. Non seulement du Marché contemporain mais aussi du Marché de l’Art global. La courbe de prix de la peinture contemporaine indique la plus forte des hausses, toutes catégories et toutes époques confondues. Avec 1,43Mrd$ de toiles vendues en 2019 (un record), la peinture se taille la part du lion. Elle représente 65% du produit des ventes d’oeuvres contemporaines contre 52% en 2000. 

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Sculpture: organisation et subversion

Le Marché de la sculpture contemporaine a révélé des oeuvres percutantes, souvent polémiques. Les animaux découpés de Damien HIRST, les installations coup de poing de Maurizio CATTELAN (reprenant les figures de Hitler ou du pape Jean-Paul II), la grenouille crucifiée de Martin KIPPENBERGER, comptent parmi les plus subversives, les plus mémorables et les plus cotées. D’autres plasticiens, dont Koons et Kapoor, sont plutôt connus pour leurs prouesses techniques, avec des oeuvres nécessitant d’importants moyens de recherche et de production.

Le Marché de la sculpture s’est aussi profondément développé avec des éditions déclinées en une multitude de dimensions et de matériaux. On pense notamment aux oeuvres de Takashi MURAKAMI qui a suivi la voie ouverte par Andy Warhol en créant sa propre factory – la Kaikai Kiki Co. – pour produire ses oeuvres. Cette société fait travailler une centaine de personnes sur des œuvres uniques, en séries limitées, des produits dérivés, des films d’animation ou des pochettes de disques, tout en soutenant la nouvelle génération nippone. 

Dans la culture japonaise, il n’y a pas de distinction entre culture haute (High) et basse (Low). Il en va ainsi avec les productions issues de l’atelier de Murakami, quelles qu’elles soient. C’est un tout, dont le consumérisme de notre époque est partie intégrante, comme son mentor Warhol l’avait saisi, comme Koons puis Kaws l’ont appliqué, chacun à leur façon.

Deuxième catégorie la plus importante, la sculpture représente 16% du volume d’affaires mondial pour 10% des transactions. En 20 ans, son volume d’affaires progresse de +1.485%, grâce à la croissance de prix des grands favoris américains Jeff Koons et Kaws, des Britanniques Hirst et Gormley, des Allemands Martin Kippenberger et Thomas Schütte, des Japonais Takashi Murakami et Yoshitomo Nara ou encore de l’Italien Maurizio Cattelan.

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Sculpture: quelques résultats marquants.

  • En 2019, Jeff KOONS amène la sculpture au seuil des 100m$ (91m$, Rabbit).
  • En 2018, une sculpture historique de Robert GOBER part pour 7,3m$ (Untitled (1993-1994)). Une rétrospective au MoMA en 2014 aura propulsé sa cote.
  • En 2017, l’artiste autrichien Franz WEST grimpe à 871.000$ (Untitled (2011)), peu avant une exposition dans l’antenne suisse du galeriste Gagosian.
  • En 2016, Maurizio CATTELAN signe le record annuel de la sculpture contemporaine avec 17,2m$ pour Him (Lui), représentant Hitler à l’échelle d’un enfant, agenouillé en prière. L’artiste fait un bond de près de 10m$ dans l’échelle de ses records.
  • En 2008, Anish KAPOOR remporte 3,8m$ à Londres pour une sculpture en albâtre (Untitled (2003), Sotheby’s, juillet 2008).
  • En 2007, le record de Damien HIRST est établi à 17,1m$ pour Lullaby Spring (2002), chez Sotheby’s.

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Jeff Koons, pilier de la sculpture contemporaine

Ballons de baudruche et cœurs géants, chien de 15 tonnes recouvert de dizaines de milliers de plantes, les œuvres de Koons n’ont rien de “facile” dans leur réalisation. Pensées par lui, elles sont étudiées par des scientifiques, puis réalisées par la centaine d’assistants que compte son atelier.

Pour Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne de Paris, “il faut essayer de comprendre le projet de Koons qui, à partir d’objets totalement ordinaires et dérisoires, retrouve ce pouvoir emblématique et symbolique du savoir-faire, du métier et de la technique”. Savoir-faire, métier, technique: les œuvres de Koons sont toujours ambitieuses de ce point de vue. En quête d’excellence, l’artiste est obsédé par la perfection, maniaque sur les détails. Les pièces qu’il fait réaliser mettent à contribution les meilleurs artisans et techniciens. Parmi les premières créations remarquables, la série Equilibrium (1985) fut un véritable casse-tête technique. Pour maintenir des ballons de basket en suspension dans des réservoirs d’eau – un équilibre délicat défiant les lois physiques – Koons a consulté le Prix Nobel de physique américain, Richard P. Feynman.

Il a repoussé les modalités de création et de diffusion des œuvres, naviguant avec agilité entre les sphères de l’art, de l’industrie et du business.

La création de chaque sculpture constitue un défi requérant plusieurs années de travail, d’où une production particulièrement restreinte d’environ 200 pièces. Pour les œuvres de sa série Celebration (Balloon Dog, Hanging Heart,Tulips…) commencée au milieu des années 90, Koons repousse les limites de l’élaboration sculpturale. Derrière l’apparente simplicité d’un agrégat géant de matière colorée, la sculpture Play-Doh (1994-2014) a par exemple nécessité 20 ans de travail avec divers scientifiques, métallurgistes et modélistes. Pour cette œuvre de trois mètres sur quatre, dont le titre reprend le nom d’une fameuse marque de pâte à modeler, 27 sections en aluminium peint sont assemblées, sans autre moyen de fixation que leur parfaite imbrication et l’aide de la gravité. Koons a ici poussé le raffinement jusqu’à recréer minutieusement les couleurs adoptées par la marque Play-Doh en 1994, et a fait peindre chaque pièce dans son intégralité, y compris sur leurs faces invisibles. Il en a créé cinq versions, chacune unique dans sa configuration colorée.    

L’illusion est parfaite. Le compactage de couleurs semble aléatoire, réalisé à la va-vite. Play-Doh est pourtant une pièce extrêmement élaborée, aux finitions impeccables, étudiée jusque dans les moindres “craquelures” de la matière. En mai 2018, Christie’s vendait l’une des cinq versions à New York. Prix final: 22,8m$.

La course aux records de Jeff Koons

 

Au-delà de la cote phénoménale de ses grandes sculptures, Jeff Koons, il est à la fois l’auteur et le sujet de la photographie contemporaine la plus coûteuse, avec 9,4m$ remportés par The New Jeff Koons, un tirage unique passé par la collection Saatchi à Londres. Koons, vu par Koons à l’âge de sa première “révélation” artistique, confirme alors son statut “d’icône” via, cette fois, le Marché de la photographie. 

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Extrait du Rapport Artprice, « 20 ans d’art contemporain aux enchères. »

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