Peinture : les temps forts de l’année 2003

[20/01/2004]

Peinture : les temps forts de l’année 2003 [janv. 04]

2003 est une mauvaise année pour le médium roi du marché. En perte de vitesse, la peinture subit en moyenne une importante baisse des prix, notamment dans ses secteurs phares (les tableaux modernes et du XIXème siècle) ainsi qu’une contraction du volume des échanges (même dans le haut du panier).

Seules 188 toiles ont atteint cette année le cap du million de dollars, soit 54 pièces de moins qu’en 2002. Si des coups de projecteurs ont été donnés suite aux médiatiques records d’artistes modernes tels que Gustav Klimt (1862-1918), Amedeo Modigliani (1884-1920) et Fernand Léger (1881-1955) en novembre dernier à New-York (voir AMI du 17 novembre 2003), globalement, le bilan de l’année 2003 pour le secteur de la peinture reste plutôt maussade. Les ventes de Sotheby’s et Christie’s n’ont pas sauvé ce secteur qui connaît une contraction de 34% de son chiffre d’affaires en un an, bien au-delà des baisses enregistrées dans les autres segments du marché. De 31% en 2002, le taux d’invendus de ce segment est passé à 37% en 2003. Les quelques belles enchères millionnaires de novembre n’ont pas sauvé le reste du marché.

Evolution des prix de la peinture
indice base 100 en 1996

N’oublions pas que le noyau dur du marché de la peinture demeure les transactions inférieures à 10 000 euros. Elles totalisent plus de 80% des échanges. Dans ces gammes de prix, les chances de gain diminuent et les taux d’invendus augmentent (voir AMI du 13 janvier 2004). Généralement, la rentabilité est la plus forte pour les achats de peinture supérieurs à 10 000 euros : en moyenne, ils rapportaient plus de 6% par an sur la période 1997-2002. Sur cette même période, entre 1 000 et 10 000 euros la rentabilité annuelle tombait à 3%. En deçà de 1 000 euros, les espérances de gains se transformaient en pertes (voir AMI du 9 juillet 2002), car c’est d’abord sur la renommée de l’artiste que repose la rentabilité de l’achat. La récente chute des prix a changé la donne : alors que la rentabilité moyenne des œuvres achetées moins de 10 000 euros est restée stable, celle des toiles acquises au delà de ce seuil s’est effondrée : sur la période 1997-2003, la rendement annuel moyen des tableaux de plus de 10 000 euros est descendu à 3,8% !

Peinture : Top 10 des enchères les plus élevées en 2003 ArtisteŒuvreVenteKLIMT Gustav (1862-1918)22 633 000€ (26 000 000$) : Landhaus am Attersee (c.1914)05/11/2003 (New-York, Sotheby’s)MANTEGNA Andrea (1431-1506)23 766 000€ (25 500 000$) : Descent into Limbo 23/01/2003 (New-York, Sotheby’s)MODIGLIANI Amedeo (1884-1920)20 966 400€ (24 000 000$) : Nu couché, sur le côté gauche (1917)04/11/2003 (New-York, Christie’s)RENOIR Auguste (1841-1919)18 603 900€ (21 000 000$) : Dans les roses (Madame Leon Clapisson) (1882)06/05/2003 (New-York, Sotheby’s)LÉGER Fernand (1881-1955)17 472 000€ (20 000 000$) : «La femme en rouge et vert» (1914)04/11/2003 (New-York, Christie’s)SCHIELE Egon (1890-1918)16 240 360€ (18 803 200$) : Town and River (1916)23/06/2003 (London, Sotheby’s)CÉZANNE Paul (1839-1906)13 731 450€ (15 500 000$) : Portrait de Paul Cézanne (c.1895)07/05/2003 (New-York, Christie’s)ROTHKO Mark (1903-1970)12 712 220€ (14 600 000$) : No.9 (White and Black on Wine) (1958)14/05/2003 (New-York, Christie’s)GAUGUIN Paul (1848-1903)9 772 960€ (11 315 200$) : L’apparition (1902)23/06/2003 (London, Sotheby’s)Van GOGH Vincent (1853-1890)9 172 800€ (10 500 000$) : L’allée des Alyscamps (1888)04/11/2003 (New-York, Christie’s)

Les domaines les plus atteints par la crise sont aussi les plus importants du marché : les productions du XIXème siècle et les modernes. A eux deux, ils représentent 88% des transactions pour 82% du produit des ventes.

Souvent cataloguées comme valeurs sûres, les toiles des plus célèbres mouvements artistiques du XIXème siècles désormais subissent une dépréciation des prix. Par exemple, même si quelques artistes comme Camille Pissarro et Henri-Théodore Fantin-Latour sont très porteurs cette année (voir AMI du 9 octobre 2003), les tableaux impressionnistes français ont baissé de 5%. Même au cours des ventes new-yorkaises du 4 et 5 novembre 2003 on ne compte plus les toiles de Vincent Van Gogh, d’Auguste Renoir, de Monet ou de Cézanne ravalées ou adjugées sous la fourchette d’estimation (voir AMI du 11 novembre 2003). C’est encore peu en comparaison des dégringolades de –25% des impressionnistes américains (voir AMI du 19 décembre 2003) ou de –27% des paysagistes anglais. A l’inverse, d’autres mouvements moins médiatiques, tels que les Symbolistes (voir AMI du 10 octobre 2003), les peintres de l’école de Pont-Aven et les Pompiers, ont jouit de fortes appréciations des prix.

Les mouvements majeurs de l’art moderne sont aussi fortement dépréciés en 2003. Les cubistes, l’abstraction américaine et l’expressionnisme allemand sont tous en baisse de 8 à 10%. Toutefois, il y a des rescapés. Parmi eux figurent de nombreux surréalistes. Soutenu tout le long de l’année par la dispersion de nombreuses pièces fraîches et historiques, ce mouvement a eu beaucoup de succès (voir AMI du 23 janvier 2003) : +16% de hausse des prix en 2003 pour 28% d’invendus. Parmi les plus belles progressions de l’année notons celles d’André Masson et de Wilfredo Lam. Quant à Pablo Picasso, le poids lourd du marché – ses toiles représentent à elles seules 11% du CA annuel réalisé par le marché de la peinture en 2003 – sa cote a augmenté. Après une baisse notable en 2002, elle est aujourd’hui au même niveau qu’en 2001. Pas moins de 13 de ses toiles ont atteint le million de dollars, dont 7 en dépassant les estimations hautes.

Si rien ne va plus pour la majorité des collections qui s’étalent du XIXème siècle à la première moitié du XXème siècle, la période est idéale pour vendre des toiles anciennes et contemporaines. Bien plus restreints, ces marchés vivent des jours heureux depuis quelques mois.
Côté peinture ancienne, l’année a commencé en trombe avec la vente de Descent Into Limbo d’Andrea Mantegna (1430-1506) : 25,5 millions de dollars chez Sotheby’s le 23 janvier 2003 (voir AMI du 31 janvier 2003). Sur ce marché, les très belles pièces étant rarissimes, elles trouvent souvent grâce auprès des collectionneurs fortunés, et ce pas uniquement à New-York. Ce secteur reste fondamentalement européen ; à Venise, Santa Maria Maddalena penitente de Tiziano Vecellio s’est vendue 2,85 millions d’euros, à Londres un autoportrait de Rembrandt est parti pour 6,2 millions de livres sterling en juillet et deux natures mortes de Jan Van Huysum se sont envolées pour un total de 6,9 millions de livres sterling en décembre. Au final les prix des tableaux anciens progressent de 5% en 2003.

La plus grande surprise vient de l’art contemporain : +22% de hausse des prix. Et il n’est pas nécessaire de se ruiner pour profiter de cette manne. 85% des toiles d’artistes nés après 1940 sont adjugées en deçà de 10 000 dollars. La plus chère de l’année revient à Jean-Michel Basquiat (4,1 millions de dollars pour Two Heads on gold (1982), le 12 novembre 2003), suivi par Susan Rothenberg (900 000 dollars pour «Layering» lors de la même vacation). A New York, les beaux résultats obtenus en mai, avec de nouveaux records pour Chuck Close (1,3 million de dollars), Piero Manzoni (900 000 dollars), Takashi Murakami (500 000 dollars) (voir AMI du 21 mai 2003) ont été confirmés au cours des ventes de novembre (voir AMI du 24 novembre 2003). Tous médiums confondus, la vente «Contemporary Art, Evening Sale» orchestrée par Sotheby’s lui a rapporté 74 millions de dollars le 12 novembre 2003. Les Etats-Unis sont toujours numéro 1 du marché de la peinture contemporaine, avec près de 50% du chiffre d’affaires.

Peinture : segmentation du marché par époque de production

Peinture : segmentation du marché par pays de vente

Peinture : segmentation du marché par gamme de prix