Paris : en grève face à la crise

[21/12/2009]

 

Le succès, en février 2009, emporté par le premier volet de la dispersion Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent a-t-il été un écran de fumée, un soubresaut hors de la crise ou le signal d’un regain de dynamisme du marché de l’art en France ?

En perte de vitesse depuis les années 50, doublée par la Chine depuis 2007, la place de marché française a peu bénéficié de la dernière bulle spéculative (2004-2007). En effet, lorsque le produit des ventes de Fine art progressait de 30 à 40% en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, il grimpait timidement de 5 à 6 % en France. L’hexagone a cependant goûté à l’inflation des prix pendant plus de trois ans jusqu’au pic de janvier 2008, suivi d’un déclin de –25% jusqu’en décembre 2009.Cette déflation des prix épargnant les chefs-d’œuvre intelligemment estimés, la France a redoré son blason cette année grâce au succès du premier volet de la vente Bergé -YSL. Avec 206 M€ (264,9M$) enregistrés pour les seules œuvres d’art et 22 adjudications millionnaires, la vente Christie’s Paris du 23 février 2009 fut en effet la plus belle vente de l’année au monde. Le Top 10 des plus belles adjudications françaises 2009 doit d’ailleurs tout à cette vacation.

TOP 10 Adjudication : Œuvres vendues en France en 2009

Cette seule vente de prestige a doublé le nombre d’enchères millionnaires par rapport à 2008 (19 adjudications millionnaires en euros en 2008 en France, contre 40 en 2009) et permis à Christie’s Paris de triompher face à ses concurrents.

Les plus belles enchères parisiennes
Les ventes parisiennes affichent d’autres sommets dont celui de 2,56M€ (3,5M$) pour un Penseur de Auguste RODIN dispersé à Drouot au mois de juin, déclassant le précédent record de 2,7M$ pour ce même sujet (Mathias, Baron Ribeyre et associés et Farrando-Lemoine, 17 juin 2009 ). L’adjudicataire faisait du Penseur la vingtième meilleure enchère à l’échelle mondiale en 2009.
Paris souhaitant devenir la capitale de la photographie, Sotheby’s s’immisce dans la brèche et délocalise ses ventes spécialisées de Londres à Paris. Le premier résultat est mitigé avec 54% d’invendus pour sa vente de photographies du 20 novembre et un record mondial signé pour Eugène ATGET. Le tirage élu s’intitule Femme et partait à 370 000€ (555 000$), au décuple des estimations. Cinq jours plus tard, la même maison enregistrait un record de 420 000€ (630 000$) pour une table extensible de Charlotte PERRIAND, une pièce unique annoncée entre 250 000 et 400 000€.

Une rentabilité retrouvée?
Les vacations parisiennes des deux leaders Christie’s et Sotheby’s étaient, in fine, plus rentables en automne 2009 qu’en 2008 avec des catalogues tout aussi généreux. L’art impressionniste et moderne chez Christie’s fut par exemple quatre fois plus rentable le 1er décembre 2009 que la même cession en 2008 (16,2M€ en 2009 et seulement 15% d’invendus contre 4,2M€ et 27% d’invendus en 2008). L’art contemporain peine cependant à sortir de sa convalescence avec 41% d’invendus le 8 décembre 2009 chez Christie’s (CA 3,7M€) contre 50% en décembre 2008 (CA 4M€). Sotheby’s tire mieux son épingle du jeu. Ses cessions contemporaines des 8 et 9 décembre rapportent près de 9M€ (87,5% de lots vendus) contre 5M€ en décembre 2008.

Dans un hiver parisien tourmenté par des grèves interdisant l’accès au Centre Pompidou de Paris, les acteurs du marché de l’art français attendent la transposition de la directive services dite directive Bolkenstein prévue le 28 décembre 2009, (Directive communautaire 2006/123/CE), une législation en harmonie avec l’Europe qui permettrait aux SVV françaises de se battre à armes égales avec les sociétés les plus performantes. Suffira-t-elle cependant à enrayer le déclin du marché de l’art en France?