Oeuvres rares : à la conquête des trésors du marché
[12/11/2024]Artprice plonge dans l’univers des Maîtres anciens les plus insaisissables, ceux dont à peine 5 œuvres apparaissent aux enchères en une décennie. Mais cette rareté garantit-elle vraiment leur succès ? Quelles sont les véritables clés de valorisation pour un collectionneur comme pour un acheteur ?
Dans l’univers rare et précieux des maîtres anciens, certaines œuvres transcendent leur statut d’objet artistique pour devenir de véritables symboles culturels et financiers. Avec ses 450 millions de dollars, le Salvator Mundi de Léonard de Vinci incarne le sommet absolu de cette fusion entre valeur symbolique et économique.
Léonard de Vinci figure parmi les artistes les plus insaisissables du marché, ceux dont moins de cinq œuvres apparaissent aux enchères sur une décennie. Si son Sauveur du monde a défié les attentes les plus folles, jusqu’à bouger les repères du marché de l’art, qu’en est-il des autres artistes tout aussi exclusifs ? Leurs œuvres font-elles l’objet d’un engouement sans faille ?
Sommaire
Les géants les plus inaccessibles de la décennie
Quelles sont les raretés de 2024 ?
Les géants les plus inaccessibles de la décennie
Le secteur des Maîtres anciens représente environ 9% des oeuvres vendues sur le marché mondial, contre plus de 40% pour l’art moderne. Les chefs-d’œuvre anciens, souvent conservés dans les musées ou de grandes collections privées, sont naturellement rares aux enchères.
Parmi les artistes les plus rares de la décennie, Artprice en répertorie seulement neuf ayant franchi la barre des 10 millions de dollars. En majorité italiens – De Vinci, Bartolomeo DELLA PORTA, Andrea MANTEGNA et MICHELANGELO –, ils sont rejoints par les Flamands et Néerlandais Lucas VAN LEYDEN, Quentin METSYS et . L’apparition d’une de leurs œuvres, si elle est significative, constitue un véritable événement, tant acquérir une pièce historique d’envergure confère un puissant statut symbolique et culturel.
Jan VERMEER VAN DELFT Parmi ces Maîtres, Quentin Metsys est le moins rare avec cinq ventes sur la décennie, tandis que Mantegna, Vermeer et Léonard de Vinci n’ont présenté qu’une seule peinture aux enchères. Lorsque celle de De Vinci est apparue, elle a transcendé le marché.
Pourquoi le dernier Da Vinci est-il un record absolu ?
En dix ans, dix œuvres de Léonard de Vinci ont été vendues, mais une seule était une peinture : le Salvator Mundi, devenue en 2017 l’œuvre la plus chère au monde. Ce tableau était une opportunité unique, le dernier De Vinci authentifié encore en main privée.
Estimé à environ 100 millions de dollars, il a finalement été adjugé pour la somme vertigineuse de 450,3 millions, établissant un record absolu dans la longue histoire des enchères, malgré de retentissants débats entre spécialistes sur cette œuvre.
La vente a coïncidé avec l’inauguration du Louvre Abu Dhabi, où l’on s’attendait à voir le tableau. Mais son exposition, sans cesse reportée, continue d’entretenir le mystère. Ici, la valeur de l’investissement passe au second plan face au prestige d’une œuvre qualifiée de “graal de l’art ancien”. Ce tableau, décrit par Christie’s comme le pendant masculin de la Joconde, aurait le pouvoir d’attirer les foules et de transformer l’économie d’un musée. La Joconde au Louvre de Paris en est l’exemple parfait, attirant à elle seule près de 8 millions de visiteurs chaque année !
Salvator Mundi (c.1500), 450,3 m$
Christie’s New York, 15/11/2017
Lire : Le Dernier Da Vinci
Le Salvator Mundi prouve qu’une œuvre exclusive peut s’envoler au-delà de toutes attentes. Pourtant, toutes les pièces rares ne sont pas vouées au succès. Certaines peuvent être boudées par les collectionneurs, comme ce fut le cas en 2019 avec la mise en vente d’une toile de Bartolomeo Della Porta.
Le dernier Della Porta n’a pas trouvé preneur
La rareté et la préciosité ne suffisent pas à garantir une vente réussie. Bien que le marché de l’art ancien soit pauvre en œuvres disponibles, il reste dominé par l’exigence des marchands et collectionneurs. Ici, pas d’achat à tout prix simplement parce qu’une pièce est rare.
En 2019, une Madone de Bartolomeo Della Porta, dit Fra Bartolomeo, estimée à 1,5m$, n’a pas trouvé preneur, malgré le succès éclatant d’une autre Madone du même artiste, vendue pour 13m$ en 2013. Pourquoi une telle différence ? On pourrait croire que le même sujet d’un même artiste susciterait un engouement similaire après une vente si spectaculaire. Mais la Madone à 13 millions présentait des qualités dont l’autre œuvre était dépourvue : un état de conservation exceptionnel (critère clé pour la valorisation des œuvres anciennes), un format tondo rare, et une expression plastique unique, capturant un élan de tendresse maternelle naturelle, là où la seconde Madone affichait une pose plus rigide.
Des critères essentiels — qualités plastiques, intervention majeure ou mineure des élèves de l’artiste sur l’œuvre, état de conservation — l’emportent sur l’attrait du sujet. Il en va de même pour Quentin Metsys et ses célèbres Madones aux cerises, qui ne se vendent pas uniquement pour leur rareté. L’une d’entre elles est restée invendue il y a 10 ans, mais la dernière mise aux enchères a battu tous les records.
Quelles sont les raretés de 2024?
Cette année, une Madone aux cerises, sans doute la plus somptueuse œuvre de Quentin Metsys jamais proposée aux enchères, a fait sensation chez Christie’s, décrochant 13,5m$ et surpassant toutes les attentes. Du côté des autres Maîtres rares, une peinture de Johannes Christian Roedig a franchi la barre du million de dollars en mai chez Lempertz Cologne, tandis qu’un portrait de Frédéric II de Prusse a établi un nouveau record pour Gottfried Hempel, avec 272 000 dollars.
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Cependant, un double portrait de Bartholomeus Zeitblom, estimé à 500 000 dollars, a déçu en n’atteignant pas le montant espéré chez Sotheby’s, tout comme un portrait de Sybil par Jacopo da Carucci Pontormo, également vendu en deçà de son estimation basse. Par ailleurs, deux toiles sur trois du rare Johann Liss ont été ravalées cette année.
Une exceptionnelle peinture de Nicolas Poussin bientôt aux enchères
Une œuvre ancienne doit multiplier les qualités pour être valorisée au mieux, comme une provenance intéressante et rassurante. C’est le cas d’une toile de Nicolas POUSSIN (1594-1665), attendue chez Ader à Paris le 26 novembre. Vénus épiée par deux satyres, réalisée vers 1626, est une œuvre de jeunesse sans équivalent sur le marché. Elle faisait partie de la collection de Paul Jamot, ancien conservateur en chef du Louvre, avant sa vente en 1943. Il s’agit de la troisième œuvre de Poussin présentée cette année, mais sans conteste la plus intrigante, d’où une estimation d’environ un million de dollars.
Nicolas Poussin est un artiste coûteux, mais les prix fluctuent fortement selon la qualité de l’œuvre. Un tableau mythologique de l’artiste, par exemple, a été vendu pour moins de 75 000$ au printemps dernier à Sloane Londres, après que son authenticité a été confirmée par Christopher Wright, auteur du catalogue raisonné de Poussin. Autrefois attribuée à l’artiste et estimée à seulement 5 000$ lors d’une vente chez Christie’s Londres en 2007, cette œuvre a vu son prix largement décupler grâce à son authentification, prouvant que ce processus, parfois long, est la clé pour révéler la véritable valeur d’une œuvre.
Lire : La revalorisation d’une Madone de Raphaël
Comme le souligne Maître David Nordmann, chargé de la vente de l’œuvre de Poussin le 26 novembre : “De nombreux chefs-d’œuvre de la peinture ancienne restent à découvrir”. Et si certains trésors se cachaient parmi des œuvres que nous croyions déjà connaître ?
Nicolas Poussin (1594-1665)
Vénus épiée par deux satyres, 70 x 95,5 cm.
Estimée entre 800 000 et 1 000 000 €
Vente le 26 novembre 2024, la maison Ader, Paris
Oeuvres rares – Trésors de l’Art – Maîtres anciens – Leonardo Da Vinci – Nicolas Poussin