Maurits Cornelis Escher – L’expérience spatiale

[09/08/2011]

 

Les étranges constructions mentales de M.C. Escher n’en finissent pas de fasciner. Elles s’exposent à Grenade (28 mars-14 oct. 2011) sur le site monumental de l’Alhambra et du Generalife.

Né entre deux siècles, le Néerlandais Maurits Cornelis ESCHER (1898-1972) reçoit une formation d’architecte et de graveur à Haarlem mais ses impressionnantes constructions mentales sont moins l’œuvre d’un matheux (bien que son père soit ingénieur hydraulicien) que d’une imagination foisonnante. Quelques voyages clefs vont nourrir cet imaginaire hors du commun : des voyages qui le mènent à Sienne, en 1923, à Rome entre 1925 et 1935, à la mosquée de Cordoue et à l’Alhambra de Grenade, dont il sortira fortement impressionné. La vision des remarquables pavages (ou tessellations) du carrelage de l’Alhambra de Grenade transforme son travail à partir de 1936 et lui ouvre la voie du succès de son vivant. Connu et diffusé dans le monde entier, le vivier de ses œuvres et de ses collectionneurs se partagent les Pays-Bas (50% des transactions pour 46% du chiffre d’affaires mondial), les États-Unis (37% des transactions) et le Royaume-Uni (5% des transactions).

Son inspiration emprunte aux géométries de l’art islamique l’art de défier les lois de la perspective et les limites de la perspicacité. Jeux de symétrie, répétition, transformation, passage d’une forme à une autre, amènent le spectateur au seuil de l’hallucination. Dans le monde revisité par M.C. Escher, il fait à la fois jour et nuit, les escaliers montent et descendent, l’Est et l’Ouest s’imbriquent à en perdre le Nord et les poissons se transforment en oiseaux avec une fluidité déconcertante.

La gravure comme art
S’il devient rapidement un bon technicien de la gravure, son moyen d’expression favori, l’artiste doit à la maturité de la quarantaine approchante l’identité esthétique qui fera son succès. Il affirme alors que La notion de relations entre la surface et l’espace est (…) source d’émotions, et l’émotion engendre une très forte impulsion – ou tout au moins un stimulant – à créer une image.Ses œuvres les plus prisées par les collectionneurs appartiennent à la série des Métamorphoses inaugurée en 1937. Cette série de gravures en couleurs sur bois est la plus cotée et la plus spectaculaire de sa carrière : un tour de force technique où se métamorphosent des figures abstraites et géométriques sur quatre mètres de large. En octobre 2008, un lot de cinq gravures Metamorphosis II (1940) doublait son estimation haute chez Sotheby’s Londres pour une enchère gagnante de 115 000 £ (204 600 $), un record pour l’artiste dont la moitié des œuvres sont accessibles pour moins de 7 300 $ et dont moins de 20% des enchères excèdent le seuil des 15 000 $. Face à la hausse des prix de certaines estampes d’époque, celles et ceux qui sont moins attachés aux qualités d’une pièce historique qu’à l’image elle-même peuvent acquérir des fac-similés en éditions limitées, dûment numérotés et estampillés par la Fondation Escher (Baarn, Pays-Bas).

Son marché est resté sain et abordable car il est presque exclusivement constitué d’estampes (96% de son marché). Or, l’estampe est par essence un procédé démocratique, où l’œuvre est un multiple produit en édition limitée et donc diffusée plus ou moins largement. On remarque cependant quelques récentes envolées pour des feuilles rares et en bon état comme Scarabées (Scarabeeën), une gravure sur bois précoce (1935, 18×24 cm) et naturaliste. Rarement proposée aux enchères, elle est une denrée de choix pour les initiés car elle porte en germe le goût des mouvements contrariés et des jeux de constructions vers lesquels l’artiste s’épanouit l’année suivante. Estimés 7 000 € en mai 2009, les deux scarabées et leur boule de bousier ont fait grimper les enchères à 17 000 € chez Bubb Kuyper (env. 23 600 $, Haarlem). En 1994, les mêmes insectes étaient accessibles pour moins de 1 400 € en salles (26 mai 1993, env. 1 650 $, Christie’s, Amsterdam).

Passé maître dans l’art de déjouer la troisième dimension sur papier, Escher s’est aussi exercé sur de petites sculptures, généralement en résine ou en métal. La cote de ces petits objets, qui a doublé en 2010, demeure raisonnable. Comptez entre 1 200 et 2 000 $ pour espérer emporter Sphere with fish, un agglomérat poissonneux dont chacun des 500 exemplaires se vendait entre 350 et 800 $ au début des années 2000.