Maurice Denis : Un Nabi à Orsay

[19/10/2006]

 

Maurice DENIS est fêté par le musée d’Orsay de Paris du 31 octobre 2006 au 21 janvier 2007. Cet hommage rétrospectif permet de mieux saisir l’évolution picturale du peintre, qui côtoya entre autre Paul GAUGUIN, Pierre-Auguste RENOIR, Edgar DEGAS et Édouard MANET .

Bien qu’il ait été le plus jeune membre du groupe des Nabis, Maurice Denis (1870-1943) n’en fut pas moins un théoricien, à qui nous devons la célèbre définition du néo-traditionnisme: « se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». Il puise son goût pour les arabesques et les formes simplifiées à la fois dans l’art nouveau et dans l’art japonais. Au sein du groupe Nabi, dont le nom signifie prophète en hébreu, ses recherches picturales sont celles d’un initié et le tableau acquiert une identité autonome, répondant à ses propres lois. Les œuvres de Denis sont mues par un sentiment religieux singulier ouvrant l’espace du tableau à la spiritualité.

L’artiste a privilégié trois grands thèmes dans ses peintures : la famille où il met en scène sa femme Marthe et leurs enfants, la Bretagne où il aime se ressourcer, et les sujets religieux traités avec modernité.

Maurice Denis nous a livré de nombreuses scènes intimes autour des membres de sa famille. Cependant, les œuvres se raréfient sur le marché car le Nabi Maurice Denis est une valeur sûre pour les collectionneurs et un artiste phare des musées internationaux. Voilà 5 ans qu’aucune œuvre de grande qualité sur ce thème n’est apparue sur le marché. Le 9 décembre 2001 était proposée une huile sur panneau intitulée Maternité, Marthe Denis et sa fille Noëlle chez Pillon à Calais. L’œuvre décrochait 250 000 Frs (38 113 €). Quelques dessins ont été récemment présentés aux enchères mais les amateurs sont sélectifs et boudent les études au fusain et à l’encre contre des feuilles abouties au pastel. Ainsi, les trois derniers dessins représentant Marthe se virent ravaler pour des estimations comprises entre 2 000 et 5 000 €, tandis que le dernier beau pastel proposé sur ce thème, Portrait de Marthe à la tresse, doublait largement son estimation haute le 15 juin 2000 pour s’arracher à 50 000 Frs (soit plus de 7 600 € chez Piasa à Paris). Entre le début de la saison 2006 et la fin du mois de septembre, six pastels furent tout de même dispersés : quelques sujets religieux mais surtout des portraits qui s’échangent en moyenne entre 1 500 et 6 000 €. La qualité de l’œuvre et le prestige du modèle sont des facteurs ouvrant à surenchère, tel que le 16 juin dernier ou le Portrait de Christine Lerolle, qui fut à plusieurs reprises le modèle d’Auguste Renoir, a été âprement disputé et a quadruplé son estimation pour culminer à 45 000 € chez Beaussant-Lefèvre à Paris!

En 1908, Maurice Denis achète la villa Silencio en Bretagne. L’un des derniers sujets breton dispersé en ventes publiques était une huile sur carton intitulée Bretonnes au village près de la mare. Elle fut enlevée pour 42 000 € le 28 novembre 2005 chez Mathias-Million-Robert à Paris. Les paysages bretons rencontrent moins de succès lorsqu’ils sont peu animés: le 14 décembre 2003, la maison Schmitz-Laurent (Saint-Germain-en-Laye) proposait un Coucher de soleil sur un village breton de mêmes dimensions qui ne déclenchait nullement le feu des enchères et ne trouvait pas acquéreur pour une estimation à 30 000 €.

A partir de 1918, Maurice Denis a privilégié les thèmes religieux. Il a réalisé de nombreux vitraux et ouvert les Ateliers d’Art Sacré à Paris en 1919. Les œuvres tardives (après les années 20) et les petits formats demeurent accessibles pour moins de 10 000 € comme les Personnages près de la croix, une huile sur carton proposée le 5 avril dernier chez Piasa à Paris qui était accessible pour 8 500 € ou encore L’Assomption sur le tertre de la clarté, une grande huile sur toile (92 x 65 cm) de 1922 qui trouvait preneur le 26 mars pour 7 000 €.

L’une des plus belles enchères de l’artiste fut décrochée pour une magnifique synthèse de ses thèmes les plus chers. En effet, l’œuvre titrée Après-midi dans les bois de 1900 condense les thèmes du bonheur familial, de la nativité et de la Bretagne. L’œuvre, présentée le 2 novembre 2005 chez Christie’s New-York a culminé a 580 000 $, soit 482 850 €, propulsant la cote de l’artiste de 40% sur l’année 2005 ! Son record est toujours détenu par Les Communiantes, la promenade au jardin qui décuplait son estimation le 10 décembre 2000 chez Thierry-Lannon à Brest pour une enchère gagnante à 3 450 000 Frs soit 525 949 €.