MARCEL DUCHAMP – L’art de provoquer le monde de l’art

[21/08/2006]

 

Marcel Duchamp a marqué l’histoire de l’art en quelques ready-made. Ces rares œuvres emblématiques sont parfois proposées par le marché anglo-saxon.

Marcel DUCHAMP a libéré l’art du savoir-faire artisanal et de la virtuosité technique en inventant le principe de ready-made. C’est en visitant une exposition de technologie aéronautique en 1912, et devant la perfection formelle d’une hélice, que la peinture lui paraît obsolète et qu’il oriente sa curiosité artistique sur les objets manufacturés, « déjà faits ». Les objets industriels de Duchamp perdent leur fonction utilitaire première et accèdent, par le choix de l’artiste, au rang d’œuvres d’art, rejoignant le principe énoncé 5 siècles auparavant par Leonard de Vinci selon lequel l’art est cosa mentale (chose mentale).

Marcel Duchamp a adopté les Etats-Unis de son vivant et le marché anglo-saxon le lui rend bien en réalisant 90% du produit des ventes pour 50% du nombre de transactions. Il a commencé son parcours artistique en France et exposa son premier ready-made à New York : il s’agit du fameux urinoir Fountain, qui fut refusé par la Society of Independant artists en 1917. Le marché français propose régulièrement des œuvres de l’artiste puisqu’il réalise tout de même 40% des transactions.

Marcel Duchamp a débuté sa carrière par la peinture, mais la plupart des toiles sont déjà sur les cimaises des musées. L’amateur doit jeter son dévolu sur d’autres productions, telles que ses sculptures, dessins, photos ou estampes. L’œuvre Prière de toucher par exemple, réalisée pour la couverture du catalogue Le Surréalisme de 1947, était accessible le 16 mai 2002 chez Neumeister (München) pour 8 000 €, mais ne trouva pas preneur. Ses Rotoreliefs sont plus abordables encore. Il s’agit de disques de carton imprimés de motifs en spirale produisant des illusions d’optiques. Le 6 juin dernier chez Artcurial à Paris, la série de Rotoreliefs, éditée à 100 exemplaires, trouvait preneur pour 5 866 €, tandis qu’elle avait atteint 10 000 € à plusieurs reprises (le 9 mai 2006 chez Blindhouse Casa d’Arte à Naples et le 6 octobre 2005 chez Sotheby’s Paris). Dans l’esprit des ready-made, le Bouche-évier fondu en bronze en 1964 et aussi édité à 100 exemplaires, est accessible entre 3 000 et 5 000 € en moyenne. Il partit pour 4 200 € le 30 mai 2006 chez Christie’s Amsterdam. Ces petites œuvres en 3 dimensions ne sont pas plus onéreuses que bien des estampes du même artiste. En effet, l’eau-forte Un robinet original révolutionnaire de 1964, dont il existe 100 épreuves également, était adjugé pour 5 800 € chez Sotheby’s Paris le 6 juillet 2006.

Les ready-made originaux ont presque tous disparus, ils ont été perdus ou cassés du vivant de l’artiste. Celui-ci décida d’en faire une édition. En 1964, il accepte la proposition d’Arturo Schwartz : une édition à 8 exemplaires, supervisée par l’artiste, de 13 ready-made. Plusieurs furent acquis par de grands musées, tel que le Centre Georges Pompidou de Paris, et sont considérés comme des originaux de l’artiste. Très peu d’œuvres circulent et il est rare de voir plusieurs ready-made dans une même vente publique. C’est pourquoi la dispersion new-yorkaise du 13 mai 2002 fit date : la maison de vente Philips, De Pury & Luxembourg y proposait 11 ready-made. Du jamais vu jusqu’alors. C’est lors de cette vente que la Roue de bicyclette a confirmé la plus haute enchère pour Duchamp : 1,6M$ (1,75M €), prix déjà atteint le 17 novembre 1999 chez Sotheby’s NY pour la célèbre Fountain de 1917. Les autres pièces se sont échangées entre 100 000 et 300 000 € en moyenne. Ces ready-made affichent une cote élevée puisque environ 90 % des adjudications partent pour un montant supérieur à 100 000 € alors que ce rapport est inversé pour les autres œuvres de l’artiste.

Forte de la vente d’exception du 13 mai 2002, la cote de Duchamp s’éleva de 135% en 24 mois. Depuis, sans le soutien de vente médiatique, elle tend à se stabiliser.