Londres : les ventes d’art russe reprennent-elles du poil de la bête ?

[04/12/2012]

 

La capitale du Royaume-Uni, ses écoles renommées mais surtout son régime économique accueillent une communauté toujours grandissante d’oligarques russes. Les principales maisons de ventes, toujours au diapason, organisent des ventes spécialisées au rythme de deux vacations par an (une printanière et une automnale). Néanmoins depuis le pic de l’année 2007, les marteaux frappaient moins fort avec en ligne de mire la fâcheuse question de l’authenticité de certaines œuvres proposées à la vente ajoutée à une désaffection certaine des collectionneurs. Face à une place de marché internationale plus revigorée que jamais, enchaînant envolée de prix sur envolée, toutes les catégories arrivent plus ou moins à tirer leur épingle du jeu. Cet automne, l’art moderne russe en profite et se refait une petite santé. Réparties entre le 25 et le 28 novembre, les ventes de la semaine russe se sont essentiellement concentrées sur des huiles sur toiles datant des XIXème et XXème siècles.

Une belle performance est à noter du côté de Sotheby’s qui comptabilise 89,3 % de lots vendus lors de la vente du soir du 26 novembre. Le département d’art russe avait néanmoins minimisé les risques grâce à une sélection soignée comptabilisant seulement 29 lots avec une majorité de pièces fraîchement débarquées aux enchères. Parmi ces quelques lots, six nouveaux records ont été signés. Portrait a Praskovia Anatolevna Mamontova de Valentin A. SEROV a déclenché une fervente bataille entre les acheteurs et remporté une adjudication à près de 1,7 m$, deux fois supérieure à son estimation haute.

Chez Christie’s, 65 % des lots ont trouvé preneur lors de la vente du 26 novembre incluant deux records de ventes. Ayant appartenu au collectionneur et prix Nobel de physique 1978 Peter Kapitza, la très attendue huile sur toile The Coachman de Boris Mikhailovich KUSTODIEV a plus que largement rempli sa mission et dominé la vente. Estimée 1,5 m£ – 2 m£, le marteau s’est finalement arrêté au double de l’estimation haute à 3,9 m£, soit près de 6,2 m$, la classant de loin plus belle vente pour une œuvre de l’artiste. L’artiste Aleksander V. SHEVCHENKO a lui aussi rafraîchi son record de 2007 de plus de cinq fois avec les 577 000 $ de l’huile sur toile The city outskirts.

Le 28 novembre, Bonhams clôturait la semaine russe avec une vente généraliste qui ajoutait aux icônes et autres objets d’art quelques 70 lots beaux-arts dont 61% ont trouvé preneurs. La pièce phare de la vente était sans aucun doute Circassian charge du peintre Franz Alekseevic ROUBAUD. Cette scène de bataille a dominé la vente en cumulant 208 500 $

Quid de l’art contemporain ?
Les amateurs pouvaient apprécier la présence de quelques rares œuvres d’artistes contemporains prudemment proposées chez Sotheby’s. Moins recherchées que l’art moderne, les œuvres contemporaines russes ont donc tout naturellement été reléguées à la vacation de jour du 27 novembre. Les résultats mitigés de la période contemporaine révèlent des invendus inattendus à l’image de Among Wild Flowers une rare aquarelle du duo Vladimir & Alexander DUBOSSARSKY & VINOGRADOV pourtant estimée à partir de 5 000 £. Maître de la miniature contemporaine, Alexander ZAKHAROV a créé la surprise avec l’œuvre au titre évocateur Crime and punishment cédée 15 000 £, soit 24 000 $, tandis que l’estimation haute avait été fixée à 6 000 £.
La catégorie photographie enfin a reçu un bel accueil et enregistré des résultats prometteurs au dessus des estimations hautes. Ainsi la photographie From the Series Waiting for a Miracle d’Olga CHERNYSHEVA a été adjugée pour 7 200 $, From the Series the New God’s Fools des BLUE NOSES GROUP a été cédée pour près de 13 000 $, et Girl in a Swap from the Fear Series d’Oleg KULIK a décuplé son record de 2009 en trouvant preneur à plus de 25 000 $.

Les résultats de cette semaine russe évoquent un regain d’intérêt pour l’art russe, avec une préférence largement avouée pour les auteurs classiques de l’ère moderne. Loin de Moscou et de la morosité d’un marché où nombre de galeries historiques mettent la clef sous la porte, Londres est plus que toujours la capitale de l’art russe. Le département d’art russe de Sotheby’s a d’ailleurs récemment stoppé ses ventes d’art russe à New York pour concentrer ses activités dans la capitale britannique où l’on recense quelque 500 000 résidents russes. Les collectionneurs russes, très actifs sur la place de marché internationale (tant moderne que contemporaine) développent toujours moins d’intérêt pour leurs artistes compatriotes que pour les stars occidentales. Moins bankable, l’investissement est plus risqué mais mériterait un soutient un peu plus fidèle.