L’indice Artprice100© des artistes Blue-chips perd -8,3 % en 2024
[20/02/2025]Le ralentissement des adjudications millionnaires a fini par freiner la cote des artistes Blue-chips et faire perdre -8,32 % à l’Artprice100©. L’évolution de cet indice de référence du Marché de l’Art contraste particulièrement cette année avec les performances des principaux indices boursiers, notamment le S&P 500 en hausse de +25 % sur douze mois. L’Artprice100© reste compétitif sur le long-terme grâce aux changements apportés par la crise du Covid-19. L’état d’urgence planétaire a en effet accéléré le développement des ventes en ligne et entraîné une revalorisation de l’Art Contemporain, qu’il s’agit à présent de consolider.
Evolution annuelle de l’Artprice100© Vs. S&P500 – Base 100 en janvier 2000
Le portefeuille conçu par la société Artprice pour simuler les performances d’un investissement pondéré dans les 100 artistes les plus performants du Marché de l’Art avait maintenu une croissance minimale de +1,55 % au cours de l’exercice 2023, reposant sur des résultats stables pour une majorité de grandes signatures. Le ralentissement du segment haut de gamme s’est malheureusement accentué au cours de l’année 2024, pour finalement endiguer de façon générale les prix des cent artistes Blue-chips formant le socle du Marché de l’Art international. Il en résulte la première baisse substantielle de l’indice Artprice100© depuis huit ans.
Ralentissement notable du marché haut de gamme
A New York, le nombre de lots Fine Art vendus aux enchères au-dessus du seuil symbolique du million de dollars (frais acheteurs inclus) est passé de :
– 768 en 2022, dont 6 résultats supérieurs à 100 m$ grâce à la vente de la collection Paul G. Allen
– à 630 en 2023, avec deux ventes à plus de 100 m$
– puis à 486 en 2024, avec une seule vente à plus de 100 m$.
Le constat est comparable à Londres où Artprice recensait 279 résultats supérieurs à 1 m$ en 2022, contre 248 en 2023 et 212 en 2024. En France, les ventes aux enchères millionnaires sont passées de 122 en 2022 à 96 en 2023, puis à 68 en 2024. A Hong Kong, leur nombre a chuté de 54 à 40 en seulement un an.
Le bilan se découvre en demi-teinte également du côté de la Chine continentale. Les résultats millionnaires en USD sont passés de 59 en 2023 à 37 en 2024 aux enchères publiques. Le marché haut de gamme n’y a plus la même intensité qu’il y a dix ans : en 2013, Artprice dénombrait jusqu’à 90 ventes supérieures à 1 million de dollars en Chine continentale. Un tel ralentissement tient à plusieurs facteurs, dont une croissance économique adoucie, accompagnée de directives gouvernementales qui brident les enchérisseurs, mais aussi d’un taux de change USD/Yuan moins avantageux : 1 million USD valaient 6 millions ¥ en 2014, contre 7,25 millions ¥ en 2025.
Dix-huit artistes chinois dans la composition de l’Artprice100© en 2024
Le ralentissement du marché chinois impacte premièrement la cote des grands maîtres de la peinture traditionnelle et de la calligraphie, à l’instar du peintre Qi Baishi (1864-1957). Le produit de ses ventes aux enchères, qui se concentrent à plus de 90 % en Chine Continentale et pour 8 % à Hong Kong, a pratiquement chuté de deux-tiers de sa valeur en un an. Le nombre d’adjudications millionnaires enregistré pour cet artiste est quant à lui tombé de 32 en 2023 à 14 en 2024, et le prix des ses œuvres a perdu en moyenne -32 % au cours de la dernière année.
Indice des prix des œuvres de Qi Baishi – Base 100 en janvier 2000
Les artistes chinois gardent une présence forte dans la composition de l’Arprice100©, notamment grâce aux performances des peintres franco-chinois Zao Wou-ki, San Yu et Chu Teh-Chun. Plusieurs noms moins connus en Occident continuent de faire eux-aussi partie des artistes Blue-chips du portefeuille 2024. Il faut compter entre autres sur les contributions de Xu Beihong (1895-1953 et de Huang Binhong (1865-1955), dont les œuvres conservent une grande valeur sans toutefois susciter le même enthousiasme qu’il y a une dizaine d’années. Certaines pièces passent aujourd’hui moins facilement d’un collectionneur à l’autre malgré leurs qualités artistiques et historiques, présageant la recherche d’un nouvel équilibre entre l’offre et la demande.
Ventes aux enchères successives de l’oeuvre Boating on Autumn river (1934) de Huang Binhong
Trois artistes contemporains chinois conservent cette année leur place dans la composition de l’Artprice100© : Liu Ye (1964), Zhou Chunya (1955) et Zeng Fanzhi (1964). Le fléchissement de leurs performances en salles de ventes les menace toutefois de sortir à terme du portefeuille des cent principaux artistes Blue-chips de la planète. La santé de leur second marché – essentiellement réparti entre la Chine continentale et Hong Kong – dépendra de toute évidence de la visibilité que continueront de leur offrir les galeries qui les représentent, dont David Zwirner pour Liu Ye et la galerie Gagosian pour Zeng Fanzhi.
D’importantes fluctuations en Occident, aussi
Artprice estime une baisse de l’ordre de -1 % sur les prix des œuvres de Pablo Picasso en 2024, ainsi qu’une hausse de +4 % pour Andy Warhol et +6 % pour Claude Monet. Les variations sont toutefois nettement plus impressionnantes pour plusieurs signatures parmi les plus lourdes du marché occidental. Le contraste est particulièrement marqué entre l’évolution sur douze mois des prix de Jean-Michel Basquiat et de René Magritte.
Top 10 artistes dans la composition de l’Artprice100© en 2024
Que les oeuvres de Jean-Michel-Basquiat aient concrètement perdu -46 % de leur valeur en douze mois semble peu vraisemblable. Mais les prix de ses toiles plafonnent à 46 m$ en 2024, alors qu’une de ses œuvres avait été adjugée 67 m$ en 2023. Son produit des ventes aux enchères annuel est par ailleurs tombé de 238 m$ en 2023 à 183 m$ en 2024 : une baisse de régime ostensible qui n’empêche pas le prix des pièces exceptionnelles de s’envoler, à l’instar du nouveau prix record pour une œuvre sur papier, à 22 950 000$ pour Untitled (1982).
Les ventes de Jean-Michel Basquiat ont perdu une part de leur éclat depuis son impressionnant record personnel à 110,5 m$, en mai 2017. Son marché souffre sans doute du manque d’intensité du marché haut de gamme international mais aussi de la présence de contrefaçons qui entachent jusqu’aux institutions muséales. Le Musée d’Orlando en fait les frais depuis l’arrêt par le FBI d’une exposition consacrée au peintre new-yorkais il y a trois ans. En janvier 2025, les propriétaires des œuvres saisies ont été déboutés d’une demande de dédommagement par les assurances, comme l’a révélé The Art Newpaper .
La cote de René Magritte connaît à l’inverse une hausse exceptionnelle de +53 %, qui correspond précisément à la progression de son record personnel : 79m$ en 2023 contre 121 m$ en 2024 pour deux versions de l’Empire des Lumières. La première issue de la collection belge Gillion Crowet, l’autre de celle de la designeuse américaine Mica Ertegun. Le peintre surréaliste enregistre cette année un record également pour une œuvre sur papier, de la série L’empire des lumières (1956) elle-aussi : une gouache vendue par Christie’s à New York pour 18,8 m$ le 19 novembre 2024.
Indice des prix des œuvres de René Magritte – Base 100 en janvier 2000
Changements à venir dans la composition de l’Artprice100©
La constitution du portefeuille mis à jour annuellement par la société Artprice reste conforme aux principes exposés lors du lancement de l’indice : un investissement pondéré dans les cent artistes qui enregistrent les plus belles performances en termes de produits des ventes aux enchères sur cinq exercices (2019-2023), avec un minimum de dix résultats annuels homogènes pour permettre le calcul d’une évolution des prix.
Plusieurs nouveaux artistes contemporains pourraient dès lors faire partie prochainement des artistes Blue-chips de l’Artprice100©. Les récentes performances de l’américain Kerry James Marchall (1955), du suisse Nicolas Party (1980) ou du regretté canadien Matthew Wong (1984-2019) leur permettraient de remplacer trois noms de la liste détaillée ci-dessous, à condition que leurs ventes ne s’essoufflent pas. Leurs résultats en salles de ventes les classent tous trois parmi les signatures les plus « bankables » du Marché de l’Art depuis 2020, mais leurs résultats doivent se consolider pour atteindre le niveau de liquidité exigé pour entrer dans la composition de cet indice. Il ne s’agit en effet pas seulement de générer un chiffre d’affaires exceptionnel en salles de ventes, mais également d’offrir suffisament de chances aux collectionneurs pour investir chaque année dans leurs œuvres.
Composition de l’Artprice100© au 1 janvier 2024
Nom – Période – Poids
Pablo PICASSO – Moderne – 7.9%
Andy WARHOL – Après-Guerre- 5.0%
Claude MONET – 19ème Siècle – 4.6%
Jean-Michel BASQUIAT – Contemporain- 3.9%
Gerhard RICHTER – Après-Guerre- 3.1%
ZAO Wou-Ki – Après-Guerre- 2.6%
René MAGRITTE – Moderne – 2.5%
Yayoi KUSAMA – Après-Guerre- 2.5%
QI Baishi – Moderne – 2.3%
David HOCKNEY – Après-Guerre- 2.1%
Mark ROTHKO – Moderne – 2.0%
Vincent VAN GOGH – 19ème Siècle – 1.9%
Cy TWOMBLY – Après-Guerre- 1.8%
WU Guanzhong – Moderne – 1.8%
Willem DE KOONING – Moderne – 1.7%
Paul CÉZANNE – 19ème Siècle – 1.7%
Alberto GIACOMETTI – Moderne – 1.7%
Yoshitomo NARA – Contemporain- 1.7%
FU Baoshi – Moderne – 1.5%
Roy LICHTENSTEIN – Après-Guerre- 1.4%
Marc CHAGALL – Moderne – 1.4%
BANKSY – Contemporain- 1.4%
François-Xavier LALANNE – Après-Guerre- 1.3%
SAN Yu – Moderne – 1.3%
Alexander CALDER – Moderne – 1.3%
Joan MITCHELL – Après-Guerre- 1.3%
Ed RUSCHA – Après-Guerre- 1.2%
Joan MIRO – Moderne – 1.1%
Pierre-Auguste RENOIR – 19ème Siècle – 1.0%
Jean DUBUFFET – Moderne – 1.0%
Lucio FONTANA – Moderne – 1.0%
Gustav KLIMT – Moderne – 1.0%
George CONDO – Contemporain- 0.9%
XU Beihong – Moderne – 0.9%
HUANG Binhong – Moderne – 0.8%
CHU Teh-Chun – Après-Guerre- 0.8%
Jeff KOONS – Contemporain- 0.8%
Pierre SOULAGES – Moderne – 0.7%
Morton Wayne THIEBAUD – Après-Guerre- 0.7%
Edgar DEGAS – 19ème Siècle – 0.7%
Amedeo MODIGLIANI – Moderne – 0.7%
Jasper JOHNS – Après-Guerre- 0.7%
Fernand LÉGER – Moderne – 0.7%
KAWS – Contemporain- 0.7%
LIN Fengmian – Moderne – 0.6%
Henri MATISSE – Moderne – 0.6%
Wassily KANDINSKY – Moderne – 0.6%
Paul GAUGUIN – 19ème Siècle – 0.6%
Keith HARING – Contemporain- 0.6%
Paul SIGNAC – Moderne – 0.6%
Christopher WOOL – Contemporain- 0.6%
LIU Ye – Contemporain- 0.6%
PAN Tianshou – Moderne – 0.6%
Frank STELLA – Après-Guerre- 0.5%
Cecily BROWN – Contemporain- 0.5%
Louise BOURGEOIS – Moderne – 0.5%
Robert RAUSCHENBERG – Après-Guerre- 0.5%
Damien HIRST – Contemporain- 0.5%
CUI Ruzhuo – Après-Guerre- 0.5%
Adrian GHENIE – Contemporain- 0.5%
Fernando BOTERO – Après-Guerre- 0.5%
Georg BASELITZ – Après-Guerre- 0.5%
Helen FRANKENTHALER – Après-Guerre- 0.5%
Brice MARDEN – Après-Guerre- 0.5%
Yves KLEIN – Après-Guerre- 0.4%
Richard PRINCE – Contemporain- 0.4%
Camille PISSARRO – 19ème Siècle – 0.4%
Henry MOORE – Moderne – 0.4%
ZHOU Chunya – Contemporain- 0.4%
ZENG Fanzhi – Contemporain- 0.4%
Agnes MARTIN – Moderne – 0.4%
HUANG Zhou – Après-Guerre- 0.4%
Ufan LEE – Après-Guerre- 0.4%
Bernard BUFFET – Après-Guerre- 0.4%
Tamara DE LEMPICKA – Moderne – 0.4%
PU Ru – Moderne – 0.4%
Salvador DALI – Moderne – 0.4%
Peter DOIG – Contemporain- 0.3%
Alighiero BOETTI – Après-Guerre- 0.3%
Tsuguharu FOUJITA – Moderne – 0.3%
Sigmar POLKE – Après-Guerre- 0.3%
Peter Paul RUBENS – Maître Ancien – 0.3%
Barbara HEPWORTH – Moderne – 0.3%
BALTHUS – Moderne – 0.3%
Sam FRANCIS – Après-Guerre- 0.3%
DONG Qichang – Maître Ancien – 0.3%
Francis PICABIA – Moderne – 0.3%
Takashi MURAKAMI – Contemporain- 0.3%
Kazuo SHIRAGA – Après-Guerre- 0.3%
Auguste RODIN – 19ème Siècle – 0.3%
Donald JUDD – Après-Guerre- 0.3%
Pierre BONNARD – Moderne – 0.3%
Max ERNST – Moderne – 0.3%
WEN Zhengming – Maître Ancien – 0.3%
LE PHO – Moderne – 0.3%
Egon SCHIELE – Moderne – 0.3%
Alex KATZ – Après-Guerre- 0.3%
Jean-Paul RIOPELLE – Après-Guerre- 0.3%
Nicolas DE STAËL – Moderne – 0.3%
Laurence Stephen LOWRY – Moderne – 0.3%
Nota Bene
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Couverture: Scenery Of Qingcheng Mountain (青城山色) par HUANG Binhong