Les records modernes d’Artcurial

[31/12/2013]

 

Leader en France pour les bandes dessinées et pour les tableaux anciens, l’opérateur de ventes français Artcurial s’est surtout démarqué cette année dans le secteur moderne avec trois enchères millionnaires, respectivement enregistrées pour Aristide Maillol, Nicolas de Staël et Gustave Caillebotte. Les niveaux de prix atteints prouvent que les collectionneurs étrangers participent aux jeux des enchères, et font grimper les prix à distance, pour peu que les oeuvres proposées cumulent les indices d’exigence.

Record absolu pour Aristide Maillol

Dans la course aux records qui ébranle le marché de l’art international, les opérateurs de ventes bataillent en France pour se réserver quelques coups de marteau historiques, pour réveiller un marché haut de gamme se jouant de préférence à Londres et New York. La sanction d’un record absolu sur la place de marché parisienne mérite donc d’être soulignée, d’autant que La Rivière en bronze de Aristide MAILLOL concernée a doublé son estimation préalable, finissant à 5 298 500 €, soit 7,2 m$ hors frais (près de 8,4 m$ frais inclus). La Rivière vendue ici est l’épreuve d’artiste d’une sculpture tardive exceptionnelle, dont trois versions appartiennent à des musées (Modern art de New York, Norton Simon art Foundation, Pasadena, jardin du Carrousel aux Tuileries, Paris). En règle générale, les chef-d’oeuvres les plus cotés transitent par New York (66 % des recettes de l’artiste) ou par Londres (23% des recettes), la France représentant 8 % du marché en terme de résultats. La Rivière détrône néanmoins un record new-yorkais vieux de 13 ans, emporté à l’époque pour L’Air (1937), l’une des plus fameuses sculpture moderne, tant l’improbable équilibre de formes y est audacieux. Le 2 décembre 2013, Artcurial a ajouté pas moins de 4,2 m$ au précédent record enregistré par Sotheby’s le 9 novembre 2000, dans un effet de surenchère comme il en existe rarement en France. Il s’agit par ailleurs, de la première enchère millionnaire de Maillol enregistrée en France. Le marché français est pourtant riche en oeuvres et des surprises adviennent encore de nos jours, à l’instar de la récente mise en lumière de plusieurs centaines de croquis, oubliés jusqu’alors dans des coffres de banques du sud de la France. La société Nice Enchères dispersait récemment des dessins par lots… de cinq, neuf, 14, etc. le 28 novembre 2013 pour des prix moyens oscillant entre 1 500 et 5 500 $.

Nicolas de Staël : la cote flambe

Un autre chef-d’oeuvre moderne, un Nu Debout (1953) de Nicolas DE STAËL, cédé 4 m€, soit 5,2 m$, le 3 juin 2013 constitue désormais le 3ème meilleur prix pour une œuvre de l’artiste aux enchères. Cette composition toute verticale (1,56 m de hauteur et 89 cm de large), fut réalisée à une période charnière tant sur le plan artistique où l’artiste opère un retour à la figuration après sa série des Footballers, que sur son rayonnement international. Le Nu Debout fut en effet réalisé alors que se préparait sa première exposition personnelle aux Etats-Unis (Knoedler Gallery, New York). Bien qu’il ait reçu un bon accueil à l’époque et qu’une toile abstraite de 1947 fasse partie des collections du MoMA, son marché n’est pas réactif aux Etats-Unis ou l’offre est bien maigre. C’est plutôt entre Londres et Paris que tout se joue. La place de marché anglaise draine le plus grand nombre de chef-d’oeuvres (ce qui lui permet de générer la moitié des recettes avec 26 % des lots seulement), tandis que la française est a priori le centre névralgique de l’offre (la moitié des lots se vendent à Paris). Ce résultat de 5,2 m$ conforte l’aura de Paris, qui détient face à Londres le record mondial de l’artiste depuis l’adjudication en 2011 d’un autre nu, couché cette fois, à hauteur de 8,1 m$ (Nu couché, (Nu), 1953/54, plus de 9,4 m$ frais inclus. Bien moins coté que ses homologues anglais ou américains, De Staël demeure discret en salle et affiche néanmoins une cote en hausse de 251 % sur la décennie.

Gustave Caillebotte : l’impressionniste collectionneur

Le Pont de l’Europe vendue l’équivalent de 2 m$ le 2 décembre 2013 constitue, à ce jour, le record français pour une œuvre de Gustave CAILLEBOTTE, derrière 14 résultats millionnaires signés entre Londres et New York. Elle est aussi, derrière Maillol et De Staël, la troisième meilleure enchère 2013 de la maison Artcurial. S’il est indéniablement l’un des impressionnistes qui comptent, Caillebotte est longtemps resté dans l’ombre de ses compatriotes et amis Auguste Renoir, Edgar Degas, Claude Monet ou Edouard Manet. Cet amoureux de la peinture impressionniste et pointilliste fut aussi un grand collectionneur, et l’appui financier qu’il apporta pour défendre l’art moderne fut considérable ; Caillebotte acheta notamment, en 1875 lors d’une vente à Drouot, plusieurs toiles de Monet, Sisley, Morisot, Renoir qui ne trouvaient pas preneur.Caillebotte fut ainsi un complice parfait des idées novatrices de son époque, dans son engagement de mécène et dans ses oeuvres. Le Pont de l’Europe vendue par Artcurial cette année offrait d’ailleurs un sujet emblématique, celui d’un monument urbain moderne, hommage à l’âge d’or industriel. La toile constituait de plus une rareté, préservée durant 60 ans dans une collection privée française, et version de la célèbre composition Le Pont de l’Europe (1876) conservée au Musée du Petit Palais de Genève. Depuis 10 ans, la cote de Caillebotte ne cesse de grimper, avec des aller-retours aux enchères parfois spectaculaires, comme ce fut le cas avec Le pont d’Argenteuil et la Seine (c.1883) qui doublait grassement son prix entre 2008 et 2011 pour culminer à 16 m$, record actuel de l’artiste (Le pont d’Argenteuil et la Seine, 18 m$ frais inclus, Sotheby’s New York, 2 novembre 2011).

Si le pouls du marché très haut de gamme bat toujours à New York, Paris ne lâche pas prise. Les sociétés étrangères Christie’s et Sotheby’s considèrent également qu’un marché haut de gamme doit être préservé sur l’hexagone. L’américaine Sotheby’s vendait d’ailleurs, le 4 décembre 2013, le Portrait de Roger Dutilleul par Amedeo MODIGLIANI pour 7,73 m$, la troisième meilleure enchère de Amedeo MODIGLIANI signée en France.