Les plus belles œuvres du début d’année

[01/01/2019]

Focus sur trois raretés de cette rentrée 2019

Pas de répit pour les amateurs d’art ! La nouvelle année commence aujourd’hui même pour les collectionneurs, avec deux dessins de Jean Auguste Dominique INGRES (1780-1867) présentés ce 1er janvier 2019 par Maître Bruno Roquigny dans le cadre d’une vente de commune en Normandie, à Saint-valéry-en-caux. Deux portraits, l’un de Ferdinand-Philippe, duc d’Orléans (1841), l’autre de Monsieur le Comte Molé (1833), chacun estimé entre 200 000 et 300 000 €, constituent les premiers lots importants de ce début d’année. En France, les ventes de province révèlent toujours des trésors pour lesquels il faut demeurer attentifs… Le calendrier des enchères reprendra ensuite du côté de New York, notamment chez Christie’s qui ouvre l’année 2019 avec cinq ventes, dont une très attendue d’Art Brut. Voici une sélection de trois lots phares annoncés dans les prochains jours.

L’univers singulier de Henry Darger

Henry J. DARGER (1892-1973) a conçu un oeuvre d’une ampleur hors du commun découvert dans sa chambre après sa mort. Cet homme secret et marginal fut le créateur d’un monde singulier, dont un manuscrit dactylographié de 15 000 pages illustrées, The Realms of the Unreal (Les Royaumes de l’Irréel), décrivant des événements d’un monde sorti de son imagination. The Realms of the Unreal conte l’histoire d’une grande guerre sur une planète imaginaire où des préadolescentes, les Vivian Girls, livrent batailles contre les adultes pour gagner leur liberté. Parallèlement à cette saga écrite (mais jamais publiée), Darger peint. Il réalise, parfois au recto et au verso, de grands panneaux narratifs qui sont de purs chefs-d’oeuvres. Sa technique est elle aussi singulière : l’artiste pioche dans diverses sources (livres d’illustrations pour enfants, magazines divers, catalogues de mode…) les images qu’il recopie au carbone avant de les aquareller.

Ses premières œuvres vendues aux enchères le furent en France, chez Loudmer. C’était en 1989 et on donnait à l’époque moins de 10 000 $ pour emporter un dessin panoramique de cet illustre inconnu. Aujourd’hui, ses dessins ont intégré les collections de musées majeurs dont le MoMA, le Art Institute of Chicago, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris où la Collection de l’Art Brut, de Lausanne. Aussi rares que prisées, il faut compter au moins 150 000 $ pour espérer emporter l’une de ses œuvres parmi les plus importantes. Celle proposée par Christie’s le 18 janvier à New York est monumentale – près de trois mètres – et dessinée sur les deux faces. Elle est attendue entre 250 000 et 500 000 $ (148 At Jennie Richee During fury of storm are unsuccessfully attached [sic] by Glandelinians / 149 …).

L’opulence d’un petit chef-d’oeuvre de Wtewael

Changement d’époque pour un baroquisme d’un tout autre style avec un Banquet des dieux, une œuvre sur cuivre du peintre hollandais Joachim Antonisz WTEWAEL, l’un des plus importants artistes des Pays-Bas, actif dans les années 1580-1620. Cette œuvre magistrale réunit dans un petit format de 15,8 sur 20,4 cm pas mois de 47 personnages – dieux, faunes, femmes et putti – dans une débauche orgiaque. Une densité incomparable dans laquelle on retrouve Bacchus, Ceres Mars, Venus, Cupidon, Pan et ses muses… un banquet dont le faste devrait atteindre entre 5 et 7 millions de dollars le 30 janvier prochain chez Sotheby’s (New York) malgré ses petites dimensions. Au vue de sa qualité, il est fort possible que le lot parvienne à son prix le plus optimiste, d’autant qu’une œuvre plus petite a déjà passé les 7 millions de dollars. Il s’agit également d’une huile sur cuivre, mesurant 18,2 x 13,5 cm, emmenée par une composition virtuose de 12 corps sur le thème sensuel de Mars et Vénus surpris par Vulcain (Mars and Venus Surprised by Vulcan, 7,26 m$, Christie’s). C’était à Londres, en 2012.

L’un des plus beaux dessins de Rubens

C’est aussi chez Sotheby’s que sera mis en vente une feuille rare particulièrement attendue : un dessin de Peter Paul RUBENS qui devrait devenir le second dessin le plus cher dans l’histoire des ventes aux enchères du virtuose néerlandais. Il s’agit d’une étude de jeune homme aux bras levés mesurant près de 50 centimètres, dessinée au fusain avec quelques rehauts de craie blanche pour accrocher la lumière (Nude Study of a Young Man with Raised Arms). On y lit les repentirs de l’artiste dans la position des jambes à la musculature appuyée. La torsion des membres inférieurs et l’élan de la figure, vers l’avant et vers le haut, traduisent un morceau de bravoure baroque. L’estimation annonce entre 2,5 et 3,5 m$, ce qui ferait de cette précieuse feuille la seconde meilleure adjudication pour un dessin de l’artiste mais la première pour une œuvre réalisée au fusain, son record sur papier étant détenu depuis 2014 par un travail à l’encre représentant Samson et Dalila, vendu plus de 5,5 m$ chez Christie’s Londres le 10 juillet 214.

Outre les confidentielles ventes de province en France et les premières sessions new-yorkaises de Christie’s et Sotheby’s, il faudra faire preuve d’encore un peu de patience pour connaître les merveilles proposées par les autres grandes maisons de ventes à travers le monde, que ce soit chez les grands opérateurs chinois Poly Auction ou China Guardian, en Allemagne chez Dorotheum, en France chez Artcurial, en Corée chez Seoul Auction. La plupart des opérateurs ne reprennent le rythme des ventes que plus tardivement, et il faut parfois patienter jusqu’au mois de mai, comme chez Grisebach, pour que les affaires reprennent après la trêve hivernale.