Les paysages de rêves d’Yves Tanguy

[25/07/2017]

Le marché d’Yves Tanguy est en pleine ascension, avec un indice de prix en hausse de +346% depuis l’année 2000. La rareté des toiles proposées aux enchères soutient la réévaluation d’une cote qui n’a pas encore donné toute sa mesure.

Né à Paris de parents bretons, Yves TANGUY (1900-1955) rencontre Jacques Prévert lors de son service militaire à Lunéville en 1920. Cette rencontre décisive fait prendre à sa carrière un autre cap que celui initialement prévu dans la Marine, comme son père. Ensemble, Prévert et Tanguy écument les librairies et découvrent notamment la revue La Révolution surréaliste. En 1923, le destin de Tanguy s’ouvre encore, avec la découverte d’un tableau de Giorgio DE CHIRICO (1888-1978), Le Cerveau de l’enfant : il décide alors d’être peintre. Les rencontres se succèdent, avec les poètes dont il se fait l’illustrateur : Aragon, Péret, Tzara, Arp, Eluard et André Breton.

Vingt-cinq ans après le choc émotionnel reçu à la découverte de l’oeuvre de Chirico, un autre peintre s’apprête à bouleverser sa vie. Nous sommes en 1938 et Yves Tanguy découvre les toiles de la peintre américaine Kay SAGE (1898-1963), lors d’une exposition parisienne. Les deux artistes deviennent amants. De retour aux Etats-Unis au début de la Seconde Guerre Mondiale, Kay fait des démarches nécessaires afin que ses amis français puissent gagner les Etats-Unis. Réformé, Tanguy la retrouve à New York, et l’épouse en 1940. Huit ans plus tard, il prend la nationalité américaine. Les années de création américaine sont intenses mais très loin des échanges constants qui animaient sa vie parisienne. Tanguy crée dans la solitude puis confie ses toiles à Pierre Matisse, son ami autant que son agent, qui expose régulièrement ses oeuvres dans sa galerie de New York. Dans les années 40, l’oeuvre de Tanguy devient, pour les New-yorkais, l’emblème du surréalisme, si bien que l’année de sa mort brutale, en 1955, le Museum of Modern Art de New York lui consacre une rétrospective, bien avant que son œuvre soit honorée en France par les grandes institutions. Le Centre Pompidou attendra l’année 1982 pour mettre à jour l’exception de cette œuvre majeure.

Célèbre aux Etats-Unis de son vivant, Tanguy l’est encore de nos jours, plus encore qu’en France. Le marché des enchères en témoigne, demeurant plus actif Outre-Atlantique que sur l’Hexagone (21% du produit de ventes des 10 dernières années est américain contre 13,7% en France). C’est néanmoins au Royaume-Uni que ses œuvres sont les plus disputées (plus de 63% du produit de ventes décennal). Le succès anglais n’est pas neuf, Tanguy ayant été fermement soutenu à Londres de son vivant, notamment par la galerie Guggenheim-Jeune qui lui organisa une première exposition personnelle sur Bond Street en 1938. Par ailleurs, la Tate s’est rapidement positionnée avec une acquisition majeure de l’artiste, en achetant sa toile intitulée Les Transparents (1951) en 1964.

Le marché d’Yves Tanguy est en pleine ascension, avec un indice de prix en hausse de +346% depuis l’année 2000. La rareté des toiles soutient un bon niveau de prix : une toile seulement vendue en 2017 (La lumière, la solitude, 1,9m$, Christie’s Londres le 28 février 2017), deux toiles en 2016, six toiles en 2015, sept en 2014… Malgré ce critère valorisant de rareté, ses meilleures œuvres restent bien moins cotées que celles d’autres surréalistes tels que Joan Miro, Salvador Dali, René Magritte, Giorgio de Chirico et Max Ernst, dont les records de ventes oscillent entre 13m$ et 37m$, tandis que le sommet de Tanguy n’a pas dépassé pas les 7,5m$ depuis 12 ans. L’oeuvre détenant ce record d’enchère depuis plus d’une décennie est une large toile intitulée Les derniers jours (1944), vendue chez Christie’s à Londres le 7 février 2005. Si cette oeuvre repassait en salles de ventes aujourd’hui, sa valeur pourrait bien être révisée autour des 15m$, ce qui permettrait à Tanguy d’entrer véritablement dans le cercle très fermé des surréalistes les plus appréciés du monde. Cette sanction positive du marché n’attend que la présentation d’une œuvre majeure… qui permettrait de révéler la véritable cote de l’artiste et de le hisser, au moins, au niveau d’un Max Ernst.