Les natures mortes au XVIIeme – Le siècle d’or de l’Europe du Nord

[19/12/2007]

 

Le XVIIème siècle est un âge d’or pour la nature morte dans les pays du Nord ou trois thèmes se dégagent : les tables servies, les compositions florales et les vanités. La peinture des Ecoles du Nord au XVIIéme est un refuge payant : elle progresse de +85% en 10 ans. Elle est aussi un domaine d’amateurs avisés ou la sélection est féroce.

Les repas, appelés “ontbijt”, apparaissent à Haarlem et Anvers vers 1610 avec Pieter CLAESZ, Willem Claesz. HEDA, Nicolaes GILLIS, Floris Claesz VAN DYCK ou Floris Gerritsz. VAN SCHOOTEN.
La poignée d’œuvres de Pieter Claesz et de Willem Claesz Heda échangées annuellement aux enchères partent entre 100 000 et 800 000 dollars en moyenne. Les importantes variations de prix tiennent moins aux dimensions qu’à l’équilibre de l’ensemble et à la qualité de lumière qui baigne l’œuvre. Ainsi, un ontbijt sombre de Pieter Claesz dont la table débordait de victuailles, fut acquis chez Koller pour 150 000 francs suisses soit environ 127 000 dollars seulement malgré un beau format (105,9×136,4cm) en septembre 2007. Deux mois plus tôt, sa petite toile Still Life with an overturned silver Tazza, a silver Plate (39,8×56 cm) épurée en objets mais dont la lumière savamment modulée rendait avec force détails les effets de textures et matières, s’envolait à 420 000 livres sterling, près de 850 000 dollars chez Sotheby’s (le 4 juillet 2007).
Après cette belle enchère, la plus haute enregistrée pour Pieter Claesz depuis 1999, l’auctioneer soumettait une nature morte sombre de Willem Claesz Heda estimée 80 000-120 000 livres sterling. Elle resta invendue. Les amateurs gardèrent leurs munitions pour le lot suivant : une nature morte plus petite du même artiste mais plus lumineuse, pour un repas servi plus fastueusement. Intitulée Still Life with a Roemer, a silver Tazza, a wine-glass, elle changea de main pour 310 000 livres sterling, près de 625 000 dollars.

Frans SNYDERS excellait tant dans le rendu des fruits et légumes que Peter Paul RUBENS lui demandait souvent d’exécuter les natures mortes de ses compositions. La dextérité de la Still Life of a Hare, Pheasant, Partridge, Brids, Melon, Asparagus, œuvre dense aux couleurs fraîches présentée chez Sotheby’s Amsterdam en novembre 2006, emmena les enchérisseurs quatre fois au-dessus des estimations pour un coup de marteau à 400 000 euros (environ 510 000 dollars).
Mais la notoriété des artistes ne fait pas tout et malgré la pénurie d’œuvres, certaines ne trouvent pas preneur après plusieurs tentatives de mise à l’encan. Ce fut le cas pour Knabe in der Vorratskammer (150 x 200 cm), une toile de Snyders dont le principal sujet est une foisonnante nature morte de gibiers, animée par un petit garçon au second plan. Elle fut ravalée une première fois à Vienne en 2001 pour une fourchette d’estimation équivalente à 365 000 – 470 000 dollars (3 500 000 – 4 500 000 ATS, Hassfurther) et boudée à nouveau trois ans plus tard dans la même maison de vente malgré une estimation revue à la baisse (env. 315 000 – 400 000 dollars).

Outre les festivités de la table, les bouquets sont très prisés. Ceux d’Ambrosius I BOSSCHAERT culminent à 1,9 millions de livres sterling, soit plus de 2,9 millions de dollars, depuis la vacation Sotheby’s Londres de juillet 2002 pour un bouquet de roses de moins de 30 cm (Roses in a Berkemeijer Glass, with Butterflies and a Snail).
Les petits formats floraux ne sont pas toujours millionnaires. Ceux de Osias I BEERT sont accessibles pour moins de 100 000 dollars comme les cinq tulipes peintes sur une plaque de cuivre de 21,5 cm qui partirent pour 43 000 euros, près de 63 000 dollars, chez Hampel Munich en décembre 2007. Par contre, ses œuvres plus complexes peuvent décupler cette somme.
Un grand maître comme Willem VAN AELST décroche régulièrement des résultats à six chiffres. Sa maîtrise du clair-obscur donne un effet théâtral à ses bouquets, à l’image de Peonies,Carnations, Thistles and other Flowers in a glass Vase qui décrocha 450 000 dollars chez Sotheby’s NY en janvier 2005.

Une myriade d’artistes est encore accessible pour moins de 10 000 dollars dont Willem VAN AELST, Guilliam VAN DEYNUM ou Abraham Hendricksz VAN BEYEREN. Pour l’amateur attentif, des trouvailles ne sont pas rares dans les maisons de ventes de Munich, Stockholm, Vienne, Amsterdam, Zurich ou Paris. Une nature morte dynamique et colorée de plus d’un mètre, multipliant les effets de matières sous le pinceau d’Abraham Hendricksz van Beyeren fut ainsi emportée en mars 2007 chez Hampel Munich, pour 8 000 euros seulement, soit environ 10 000 dollars (Stilleben mit Früchten, Hummer, Pokalen und Uhr).

Autre chapitre de la nature morte auxquels se sont exercés flamands et hollandais : celui les vanités dont les prix atteignent rarement les sommets des repas et des compositions florales. Ce thème sonne comme un rappel à l’ordre du caractère éphémère des choses et les œuvres sont autant de méditations sur la vacuité des plaisirs terrestres en composant avec des symboles du temps et de la mort.
Bien que l’école hollandaise du XVIIème siècle ne fut pas principalement connue pour ses vanitas, un maître du ontbijt comme Pieter Claesz fut tenté par l’exercice et emporte un succès égal à celui de ses repas servis pour les vanités de belles qualités. La dernière soumise à enchère emporta un franc succès en janvier 2001 : véritable synthèse du genre mêlant le réalisme du crâne humain, la fragilité du verre, le plaisir éphémère de la musique (instrument), la richesse matérielle (monnaies, bijoux) et les références à la culture humaniste (globe terrestre, livre ouvert), l’œuvre est partie pour 380 000 dollars contre une fourchette d’estimation de 100 000 – 150 000 dollars (Sotheby’s NY).
Le peintre Edwaert COLLIER fit de la vanité son thème de prédilection. Une demi-douzaine de toiles sont soumises annuellement aux enchères pour lesquelles il faut compter entre 30 000 et 200 000 dollars en moyenne. Lors des vacations londoniennes de décembre 2007, une Vanitas still life with Books and Manuscripts était par exemple accessible pour 25 000 livres sterling, soit 51 000 dollars (Sotheby’s).
Nombre de petits maîtres plus confidentiels s’échangent entre 2 000 et 5 000 dollars comme Jan Jansz. BUESEM, Franciscus GYSBRECHTS ou Johann Andreas GRAFF par exemple. Rare en ventes publiques, ce dernier réalisa une Vanitas-Darstellung emportée pour 3 000 euros seulement, soit un peu moins de 4 000 dollars en décembre 2006 à Vienne (Palais Dorotheum) : l’artiste a mis en scène la vanité de sa propre existence en peignant dans l’ombre une palette et des pinceaux. Au premier plan : un crâne fait office de presse papier pour un message en deux mots : Memento mori, Souviens-toi que tu vas mourir.