Les Installations

[15/03/2006]

 

Avec l’émergence d’une consommation de masse dans les années 1950 aux Etats-Unis, puis en Europe, le jetable s’érigeait en nouveau mode de vie. Ce changement majeur des mœurs et des mentalités eu un impact sur notre façon d’appréhender l’art. Autrefois sujets et objets d’éternité, l’art reflète la société actuelle et nombre d’artistes contemporains s’émancipent du désir de pérennité de l’œuvre. L’enjeu est ailleurs, les collectionneurs l’ont compris et investissent dans des pièces dont la conservation s’avère souvent problématique. Ils ont conscience que les musées eux-mêmes n’hésitent pas à enrichir leurs collections d’installations parfois fragiles.

A partir des années 1960, les artistes vont multiplier les installations en mettant en œuvre des matériaux très variés et souvent beaucoup plus fragiles que ceux des époques antérieures. Certaines œuvres sont d’ailleurs conçues en dehors de toute considération de conservation, voire même à l’encontre de celles-ci. Ainsi, performers, acteurs de l’arte povera ou du land art utilisent systématiquement des matériaux périssables et affirment le caractère transitoire de leurs créations. D’autres créations, certes fragiles, peuvent tout de même être collectionnées et les restaurateurs savent retarder le processus de vieillissement.

Les artistes du land art travaillent in situ avec, le plus souvent, des matériaux naturels. Ils produisent des œuvres vouées à disparaître, dont il ne nous reste que la trace photographique ou vidéo. Andy Goldworthy est de ceux qui agissent sur les débris végétaux pour créer des œuvres fugaces. Il en résulte des photographies poétiques et, quelquefois, des œuvres intégrant des éléments naturels comme Leafhorn, une délicate sculpture en feuillage de châtaignes qui doubla son estimation basse en février 2006 et partit pour 23 314 EUR (Christie’s Londres). L’allemand Anselm Kiefer mixte quant à lui matières naturelles ou industrielles dans ses installations qui sont rares à passer en ventes publiques (elles représentent seulement 3% des transactions). A l’instar de Goldworthy, il intègre des fleurs séchées dans Hero + Leander en 1990 dont la délicatesse et la fragilité n’ont pas effrayé son acquéreur pour 22 441 EUR (Sotheby’s Londres).Wolfgang Laib exprime les rapports entre l’homme et la nature en utilisant des matériaux symboliques tels que le lait, le pollen, la cire d’abeille ou le riz. Ces œuvres, qui font appel à tous les sens du spectateurs et enrichissent son expérience sensible, posent cependant un vrai problème de conservation. Entre 2000 et 2005, cinq installations de Laib sont passées en vente en dépassant toujours leurs estimations. La dernière à partir fut Rice house, en marbre et riz, qui tripla son estimation haute pour s’envoler à 120 000 USD (93 048 EUR).Laib expérimente la cire et Joseph Beuys utilise de la graisse, vouée à l’autodestruction. En février dernier, sa Luge de 1969 mêlant l’objet éponyme à de la graisse, du torche et du feutre, fut adjugé pour 58 212 EUR (Sotheby’s Londres).

Les artistes contemporains multiplient l’usage de matières périssables. Mais que dire de Damien Hirst dont les amateurs n’hésitent pas à investir dans des œuvres mettant en scène de la matière organique voire vivante ! C’est le cas par exemple de Love Lost, une installation aquatique comprenant un gros poisson de rivière qui fut adjugée 700 000 USD (594 860 EUR chez Philips, de Pury et Compagny NY, en nov. 2005).Outre l’usage de ces matières naturelles ou organiques, certains artistes réalisent des installations mécaniques (œuvres motorisées de Pol Bury ou de Jean Tinguely) ou lumineuses (installations aux tubes de néon de Dan Flavin) qui ont par définition une durée de vie limitée.