Les fers de lance du marché de l’art allemand
[27/08/2003]
L’Allemagne tient une place bien singulière sur le marché de l’art. Se distinguant par un fort volume d’échanges dans les segments de prix inférieurs à 10 000 euros, l’art y est plus démocratique que partout ailleurs. Le secteur des œuvres haut de gamme reste confiné aux productions expressionnistes.
Le poids du marché de l’art allemand est stable au fil des ans. En 2002, avec près de 13% du volume des ventes mondial, il pèse 3% du CA mondial. Cependant, face à une conjoncture économique défavorable, les collectionneurs se sont quelques peu effacés. Ainsi, le taux d’invendus a considérablement augmenté en trois ans. De 41% en 1999, il est passé à 51% en 2003. A l’échelle mondiale, n’oublions pas que le taux de ravalement n’est que de 37% en 2002.
Pourtant, les prix restent inférieurs aux autres places de marché. Au premier semestre 2003, la moyenne arithmétique des adjudications enregistrées en Allemagne est de 4 000 euros, soit dix fois moins que la valeur calculée sur le marché américain (voir ArtMarketInsight du 11 juillet 2003). Si 95% des œuvres échangées en Allemagne sont adjugées moins de 10 000 euros, cela tient d’abord à la structure du marché. Il s’y vend une proportion d’estampes et de photos bien plus importante que dans les autres salles. Ces deux médiums représentent un peu moins de 22% du volume de transactions mondial, contre 42% à l’échelle de l’Allemagne. Au-delà des disciplines, le pays accorde une place prépondérante aux productions modernes. 66,4% des transactions concernent des œuvres d’artistes nés entre1860 et 1939.
Même si beaucoup s’accordent à dire que le marché contemporain allemand est l’un des plus actif, celui-ci ne représente que 5% du volume de transactions. Au niveau mondial, les artistes contemporains s’octroient près de 7% du marché. Pourtant nous ne comptons plus aujourd’hui les artistes contemporains allemands qui tiennent le haut de l’affiche. Andreas Gursky, Blinky Palermo, Anselm Kiefer et Sigmar Polke ont tous déjà vendu une œuvre au-delà des 500 000 dollars. Ils figurent ainsi dans le top 20 des artistes nés après 1940 les plus chers du début du XXIème siècle (voir ArtMarketInsight du 18 juin 2003). Mais leurs plus belles pièces ne restent pas à Berlin, Munich ou Cologne. Elles s’arrachent à prix d’or à Londres ou New-York.
Si les créations contemporaines trouvent d’avantage de débouchées à l’étranger, celles des modernes se vendent très bien en Allemagne. Ainsi, en tête du classement des artistes par chiffre d’affaires, on retrouve d’abord les expressionnistes du groupe “die Brücke”, comme Emil Hansen NOLDE, Hermann Max PECHSTEIN, Karl SCMIDT-ROTTLUFF, Erich HECKEL. Il faut dire que les expressionnistes allemands ont le vent en poupe (voir ArtMarketInsight du 22 janvier 2003). La hausse du chiffre d’affaires généré par ces artistes découle directement d’une forte progression de leur co
te. En 2002, quelques très belles enchères comme les 1,65 millions d’euros obtenus pour “Hülltaft Hof” (1932) (le 7 juin 20002 chez Villa Grisebach) auront permis à Emil Hansen NOLDE d’être le leader du marché en 2002.
Les plus importantes pièces sont adjugées chez Lempertz, Villa Grisebach, Ketterer, Hauswedell & Nolde. Mais à la différence des autres nations, il n’y a pas une seule ville détenant le monopole du marché allemand. La structure très régionalisée du marché allemand garantit une compétition dynamique entre les maisons de vente. Des enchères prestigieuses s’organisent aussi bien à Cologne, à Berlin, Munich, Stuttgart ou Hambourg. Mais ni Christie’s, ni Sotheby’s n’y sont implantées. Avec 29% du marché, Berlin accueille les plus prestigieuses ventes, dont celles de la Villa Grisebach du 7 juin 2002 (8,9 millions d’euros) et du 30 mai 2003 (4,1 millions d’euros).
Marché de l’art allemand : Evolution du chiffre d’affaires (1997- 2002) (en millions d’euros)
Marché de l’art allemand 2002 Répartiton du nombre de transactions par discipline
Marché de l’art allemand 2002 Répartiton du CA par période de création
Marché allemand : Top 10 des artistesArtistes classés en fonction du chiffre d’affaires réalisé en 20021Emil NOLDE (1867 – 1956)4 627 460 €2Alexej VON JAWLENSKY (1864 – 1941)2 380 800 €3Hermann Max PECHSTEIN (1881 – 1955)1 826 304 €4Karl SCHMIDT-ROTTLUFF (1884 – 1976)1 525 688 €5Max LIEBERMANN (1847 – 1935)1 489 613 €6Gabriele MÜNTER (1877 – 1962)1 458 800 €7Carl HOFER (1878 – 1955)1 385 390 €8Erich HECKEL (1883 – 1970)1 311 335 €9Pablo PICASSO (1881 – 1973)1 188 032 €10Paul KLEE (1879 – 1940)1 171 210 € Marché allemand : Top 10 des enchères les plus élevées en 2002RANGNOMLOTVENTE1NOLDE Emil Hansen€ 1 650 000: «Hülltaft Hof» (1932)07/06/2002 (Berlin, Villa Grisebach)2SCHMIDT-ROTTLUFF Karl€ 720 000: Gewitter zieht auf (c.1919-1920)07/06/2002 (Berlin, Villa Grisebach)3JAWLENSKY von Alexej€ 630 000: Äpfelstilleben mit violettem Krug und Figur29/11/2002 (Berlin, Villa Grisebach)4KLEE Paul€ 600 000: Pfeil und Trichter (1919-1920)04/12/2002 (Köln, Lempertz)5PECHSTEIN Hermann Max € 480 000: «Rettungsboot» (1911)07/06/2002 (Berlin, Villa Grisebach)6FLEGEL Georg€ 460 000: Stilleben mit Obst, Maus und Eisvogel 16/11/2002 (Köln, Lempertz)7RUYSCH Rachel€ 440 000: Früchtestilleben mit Steinvase 22/06/2002 (München, Hampel)8NOLDE Emil Hansen € 360 000: Lichte See (1915)04/06/2002 (Köln, Lempertz)9MORGNER Wilhelm € 360 000: «Himmelfahrt» (1912)07/06/2002 (Berlin, Villa Grisebach)10PECHSTEIN Hermann Max € 330 000: Monterosso al Mare (1913)18/10/2002 (Stuttgart, Nagel)