Les artistes libanais

[06/07/2012]

 

Le vendredi, c’est Top ! Un vendredi sur deux, Artprice vous propose un classement d’adjudications par thème. Cette semaine : les dix plus belles enchères d’artistes libanais.

Entre guerres et crises politiques, l’art contemporain a longtemps peiné à trouver sa place au Liban. Nombre d’artistes sont ainsi allés chercher une reconnaissance à l’étranger à l’image de Mona HATOUM vivant à Londres depuis 1975. Néanmoins, depuis quelques années, des actions se mettent en place afin d’accroître la visibilité de cet art contemporain. Une étape incontournable initie cette volonté d’ouverture : l’inauguration du premier espace public dédié à l’art contemporain, le Beirut Art Center, en 2009. Cet enthousiasme pour l’art vivant se traduit depuis par l’émergence de nouvelles galeries d’art et par l’organisation d’une Foire Internationale d’art contemporain (Beirut Art Fair). Face à cette nouvelle dynamique, où en est le marché des artistes libanais ? Quels sont ceux qui ont marqué les enchères ces 12 derniers mois ?

Top 10 : les dix plus belles enchères d’artistes libanais.

Rang Artiste Adjudication Oeuvre Vente
1 Mona HATOUM 390 000$ Silence (1994) 08/11/2011 (Christie’s NEW YORK NY)
2 Mona HATOUM 111 860$ Bukhara (2007) 24/03/2012 (Compagnie Marocaine des Oeuvres & Objets d’Art CASABLANCA)
3 Ayman BAALBAKI 80 000$ Yuk (‘Cupboard’) (2012) 17/04/2012 (Christie’s DUBAI)
4 Mona HATOUM 71 001$ Doormat II (2000-2001) 15/10/2011 (Christie’s LONDON)
5 Nadim KARAM 63 632$ Memories, War, and Hope (2008) 04/10/2011 (Sotheby’s LONDON)
6 Nadim KARAM 52 000$ Lollipop Boy (2011) 17/04/2012 (Christie’s DUBAI)
7 Lara BALADI 42 000$ Roba Vecchia (2007) 18/04/2012 (Christie’s DUBAI)
8 Walid RA’AD 40 578$ Untitled (BEY82_Soldiers_I, 1982-2004) (1982-2004) 28/06/2012 (Christie’s LONDON)
9 Nadim KARAM 40 000$ The Pearl Elephant (2011) 25/10/2011 (Christie’s DUBAI)
10 Jamil MOLAEB 40 000$ “Fas” (2010) 15/07/2011 (Ayyam Gallery Dubai DUBAI)

En tête du classement, pas de surprise, Mona Hatoum est loin devant avec des adjudications à 390 000 $, 111 860 $ et 71 000 $ raflant les 1ère, 2ème et 4ème places. De son côté, Nadim KARAM impose sa présence dans d’autres sphères avec tout de même 3 résultats compris entre 40 000 $ et 60 000 $. Tandis qu’il faut compter au moins 188 000 $ pour qu’un artiste américain de moins de 40 ans accède au top 10 des enchères des 12 derniers mois (voir Top 10 du 22 juin 2012), seuls 40 000 $ suffisent pour un artiste contemporain libanais (toutes générations confondues).

En tête avec 390 000 $ le nouveau record de Mona Hatoum, Silence, interroge avec force et simplicité la fragilité de la vie. Cette sculpture objet imitant un lit d’enfant à barreaux puise tout son sens dans le matériau choisi: le verre. La fonction protectrice de l’objet est mis a mal, puisque le lit peut se briser au moindre choc. Dans la lignée du conceptualisme et du minimalisme, les œuvres de Mona Hatoum s’inspirent aussi de sa vie personnelle et de ses origines. Exilée depuis 1975 et séparée de sa famille, le déracinement, la séparation, la guerre sont parmi ses thématiques de prédilection. Aujourd’hui largement reconnue sur la scène internationale, c’est en 1995 suite à l’obtention du prestigieux Turner Prize que sa carrière prend son envol. Elle signe son entrée aux enchères trois ans plus tard, en 1998, avec une première adjudication prometteuse à 40 000 $ pour son installation A Couple of Swings (Christie’s New York).

Né en 1975, la carrière de Ayman BAALBAKI, le benjamin de ce top est en pleine ascension. Visible dans plusieurs musées du monde (British Museum, Tate Modern.), il est un des artistes les plus prometteurs de sa génération. Performant dès ses débuts en salles de ventes, il signe sa première enchère en 2009 pour 48 000$ (Abel), soit bien au-delà de l’estimation haute (30 000 $). Avec seulement 9 résultats à son actif, les œuvres de Baalbaki Ayman se sont toutes vendues, à ce jour, à plus de 11 000 $. Entre ruines urbaines et visages anonymes (casqués, masqués d’un Keffieh ou d’une cagoule), son univers est calqué sur l’histoire de son pays. La puissance évocatrice d’une œuvre comme Yuk (cupboard) lui permet d’intégrer ce top à hauteur de 80 000 $.

Artiste libanais de renom, il n’est pas étonnant que Karam Nadim ait 3 œuvres présentes dans ce top. Sa différence de prix avec les records signés par Mona Hatoum pointe du doigt une fois de plus l’importance du rayonnement international d’un artiste pour stimuler la demande. Les œuvres de Karam Nadim s’échangent sur le second marché majoritairement aux Émirats Arabes Unis par l’intermédiaire de sa galerie d’art, la Ayyam Gallery, qui porte la double casquette de galerie et de maison de ventes. L’analyse de ses ventes est édifiante : sur 28 résultats d’adjudications référencés à ce jour, 23 ont été frappés chez Ayyam Gallery et seuls 2 ont été frappés en dehors des Émirats, à Londres. Parmi eux, la 5ème œuvre de ce classement signe aussi son nouveau record : Memories, War and Hope était adjugée prés de 64 000 $ chez Sotheby’s Londres le 4 octobre 2011.

Encore discrète sur le second marché, les travaux de la libano-égyptienne Lara BALADI jouissent d’une très large diffusion sur la scène artistique internationale. L’artiste a déjà exposé dans les plus grandes institutions (Centre Pompidou, Fondation Cartier, Musée For Fotokunst à Copenhague…) et participé à des évènements artistiques majeurs (Biennale de Sharjah, Biennale de Venise…). Artiste photographe et multimédia, elle a vécu à Beyrouth, Londres et Paris avant de s’installer au Caire. Marquée par une éducation au delà des frontières, son œuvre multiculturelle s’adresse à la mémoire personnelle mais aussi collective. Avec seulement 5 résultats de ventes depuis 2008, ses travaux ont, jusque là, tous décroché des adjudications supérieures à 30 000$. Roba vecchia, qui lui vaut la 7ème place de ce top, a d’ailleurs trouvé acquéreur pour 42 000 $ chez Christie’s Dubaï le 18 avril 2011.

Entre vidéo, photographie et essais littéraires, Walid RA’AD témoigne dans son œuvre de l’histoire tourmentée de son pays d’origine. Proche du documentaire, ses travaux naissent de création ou de collectes de textes, photographies, vidéos qu’il modifie. De grande renommée internationale, la Hamburger Banhof (Berlin) lui consacre déjà en 2006 une importante rétrospective qui permet à Sotheby’s de signer, dans la foulée, son entrée aux enchères avec une adjudication à plus de 17 000 $ (Untitled, from the series « We are decided to let them say…, le 13 octobre à Londres). Malgré un travail régulièrement récompensé (lauréat de la bourse Guggenheim en 2009, Alpert Award in Visual Art, Deutsche Börse Photographie Prize en 2007, Camera Austria Award en 2005) et une présence dans des lieux et évènements incontournables du monde de l’art, ses œuvres sont peu présentes aux enchères. Avec seulement 4 résultats de ventes à son actif (uniquement des tirages photographiques), ses adjudications ont néanmoins toutes été signées au delà de 10 000 $ . Son record culmine à plus de 40 000 $ pour la photographie Untitled (BEY82, Soldiers, I, 1982-2004) , et lui permet de marquer son entrée à la 9ème place de ce top.

Axée sur des thématiques traditionnelles voir folkloriques, les peintures de Jamil MOLAEB (1948) sont loin des interrogations politiques omniprésentes chez les autres artistes de ce classement. Appartenant à une génération antérieure, il travaille aussi bien sur des peintures figuratives que sur de grandes compositions minimalistes. Néanmoins, ses œuvres abstraites sont davantage convoitées aux enchères, comme le démontre le défaut de vente de l’œuvre figurative La récolte des bananes, en décembre 2008. Malgré un marché très local, son œuvre Fas, qui lui vaut la dernière place de ce top, à tout de même trouvé preneur pour 40 000 $, signant là un record.

Même si les artistes libanais jouissent en général d’une bonne, voire grande, renommée internationale, leur marché est encore essentiellement basé au Moyen-Orient et principalement aux Émirats Arabes. Néanmoins, lorsque les enchères poussent les frontières, c’est généralement pour être frappées à Londres et pour y signer un nouveau record d’adjudication. Le récent dynamisme du Moyen-Orient accroît de plus en plus la visibilité de ces artistes sur la place de marché mondiale.